par Dominique de Courcelles
Article publié le 05/12/2008 Dernière mise à jour le 08/12/2008 à 02:37 TU
Dans quelques jours, les 11 et 12 décembre, la France présidera à Bruxelles le dernier Conseil européen de sa présidence. « La France est de retour en Europe », avait dit Nicolas Sarkozy en prenant les rênes de l’Union. Il ne croyait sans doute pas lui-même si bien dire au temps de cette affirmation. Les crises imprévues qui auront secoué l’Europe ces six derniers mois ont en effet rendu la présidence française pour le moins visible et présente sur tous les fronts.
La Tour Eiffel s'est illuminée aux couleurs de l'Europe à l'occasion du début de la présidence française de l'UE, le 1er juillet 2008.
(Photo : MAEE, F. de La Mure)
Et c’est de lui que vient le premier grain de sable imprévu. Quinze jours avant le début de la présidence française, avec ses quatre priorités bien établies (Défense, immigration, énergie-climat et réforme de l’agriculture, la PAC) les Irlandais rejettent le traité par référendum. Sortir de l’impasse deviendra de facto l’un des dossiers sur le haut de la pile de Nicolas Sarkozy.
Il semble cependant que l'on s'achemine vers une résolution. En visite à Paris vendredi dernier le Premier ministre Brian Cowen s’est dit « optimiste ». L'Irlande pourrait accepter de revoter. Elle seule parmi les Vingt-Sept est tenue, de par sa Constitution, à passer par le référendum. Celui-ci pourrait se dérouler peut-être à l’automne prochain, en échange d’une « déclaration » de l’UE levant les craintes qui avaient alimenté le « Non ». L'Irlande garderait son commissaire, la garantie de sa neutralité militaire, l’interdiction de l’avortement et le maintien de son faible taux d’imposition. D’après un dernier sondage, une majorité d’Irlandais voteraient « oui » s’ils avaient ces assurances.
Un lancement en fanfare, un avenir incertain
Mais le « Non » irlandais vient à peine ternir la fête de lancement de la présidence qui se fait en grande pompe le 14 juillet, jour de la Fête nationale française, à l’occasion de ce qui a été présenté comme le projet phare de la présidence française, la création de l’Union pour la Méditerranée (UPM).De gauche à droite : José Manuel Barroso, Hosni Moubarak, Nicolas Sarkozy et Ban Ki-moon.
(Photo: AFP)
L'Europe prend pied dans le Caucase Au plein cœur de l’été, une guerre-éclair éclate entre la Russie et la Géorgie.
Profitant de l’absence des Américains en campagne électorale, Nicolas Sarkozy se saisit du dossier, chausse ses bottes de président de l’Union européenne et se précipite à Moscou puis à Tbilissi pour négocier avec succès un cessez-le-feu, puis le déploiement d’observateurs européens. La guerre est stoppée.Mais les conséquences diplomatiques seront lourdes. La Russie refuse de rendre les régions séparatistes au cœur du conflit, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud dont elle a reconnu les indépendances. Une attitude qui braque une bonne partie des Européens, notamment les pays baltes et de l’Est, qui traînent des pieds à la reprise de pourparlers sur un partenariat renforcé avec Moscou. Après trois mois d’interruption, la reprise vient de se faire sans que l’on puisse préjuger le moins du monde de la poursuite ou de la réussite de ce processus de rapprochement.
Sur cette question, les Européens sont divisés entre ceux (Français, Allemands et Italiens) qui ont des intérêts et des marchés énergétiques très réels avec la Russie, et les autres, qui de par leur passé redoutent le géant russe et ne sont pas enclins aux concessions à son égard.
Paradoxalement pour Moscou, la guerre aura favorisé une plus grande influence des Européens dans le Caucase. Jusque-là, peu concernés par ces régions traditionnellement incluses dans la sphère russe, ils y ont maintenant quelques centaines d’observateurs et surtout, ils offrent à la Géorgie certes, mais aussi à l’Ukraine (46 millions d’habitants) et à quatre autres républiques ex-soviétiques un « partenariat oriental », soit un approfondissement des liens, une coopération originale pour contrebalancer les relations tendues avec Moscou, sans pour autant évoquer une adhésion à l’UE. Ce sont la Pologne et la Suède qui avaient demandé ce rééquilibrage des relations de l’UE vers l’Est, au moment du lancement de l’Union pour la Méditerranée. Non prévu au début de la présidence française, le rapprochement avec le Caucase a bel et bien eu lieu.
La crise brouille les priorités
A peine revenu de Moscou et Tbilissi, Nicolas Sarkozy doit faire face à la crise financière, l’autre grande imprévue de sa présidence. Il met tout en oeuvre pour apporter une réponse européenne. La crise est d'une ampleur telle qu’elle bouleverse inévitablement les priorités de la présidence sans pour autant occulter les dossiers prévus, tout en les influençant.
C’est le cas de la lutte contre le changement climatique qui sera discuté au sommet de Bruxelles des 11 et 12 décembre. Pour rester leader en ce domaine, l’UE s’est fixée un triple objectif pour 2020. Elle prévoit de réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, à porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation et à faire 20% d’économies d’énergie. Un objectif que la crise financière rend évidemment plus difficile à atteindre.
Arrivées dans la dernière ligne droite, les négociations ne sont pas terminées. Elles feront sans doute l’objet d’âpres négociations au sommet de Bruxelles comme les Européens en ont le secret.
Entre banquise et automobile, l'Allemagne hésite
Après avoir menacé de bloquer l’accord, voire de mettre un veto au paquet climat-énergie, la Pologne, dont 94% de l’électricité proviennent de centrales à charbon, ainsi que d’autres pays de l’Europe centrale et orientale, ne rejette plus la possibilité d’un accord. Finalement, contre toute attente, le danger d’une opposition au compromis pourrait venir de l’Allemagne. Après avoir été le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique et avoir œuvré pour un plan ambitieux, la chancelière, Angela Merkel, en pleine période électorale, est devenue – crise oblige – beaucoup plus soucieuse de défendre son industrie frappée de plein fouet par la récession que de lutter contre le réchauffement de la planète.Voulant faire de l’immigration la grande affaire de sa présidence, la France a réussi à boucler rapidement le « pacte pour l’immigration », destiné à encadrer et réguler les flux migratoires en fonction des besoins en main d’œuvre des pays membres de l’UE .C’est l’immigration choisie, choisie par les Européens, qui tentent par ce moyen d’éviter « l’Europe bunker et l’Europe passoire », selon les termes du ministre français de l’Immigration, Brice Hortefeux. Des arguments qui ne convainquent pas totalement les pays africains. Après avoir « réglé » la question de l’immigration, les Vingt-Sept doivent à présent s’attaquer à l’harmonisation de la politique d’asile. Des premières pistes ont été proposées qui seront poursuivies sous d’autres présidences.
Il en est de même pour la réforme de la Politique agricole commune (PAC). En attendant la grande réforme de 2013, les Européens se sont mis d’accord sur un bilan de santé à mi-parcours qui consiste en un relèvement progressif des quotas laitiers, leur disparition est programmée pour 2015, et une baisse des subventions à la production.
Mais d’ici là, à Paris, la Tour Eiffel aura cessé de briller aux couleurs bleutées de l’Europe.