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Union européenne

Crise financière : Sarkozy, sur tous les fronts

par Mounia Daoudi

Article publié le 06/12/2008 Dernière mise à jour le 08/12/2008 à 02:36 TU

« <em>L'autorégulation pour régler tous les problèmes, c'est fini. Le laissez-faire, c'est fini. Le marché qui a toujours raison, c'est fini </em>»,&nbsp;a déclaré Nicolas Sarkozy lors de son discours de Toulon, le 25 septembre 2008.(Photo: Reuters)

« L'autorégulation pour régler tous les problèmes, c'est fini. Le laissez-faire, c'est fini. Le marché qui a toujours raison, c'est fini », a déclaré Nicolas Sarkozy lors de son discours de Toulon, le 25 septembre 2008.
(Photo: Reuters)

Personne ne pourra dire que Nicolas Sarkozy, qui préside l’Union européenne jusqu’au 31 décembre prochain, est resté inactif face à la crise financière mondiale qui a fini par plonger de nombreux pays de l’Union dans la récession. Le chef de l’Etat français a en effet multiplié les initiatives –il est notamment à l’origine du sommet du G20 qui a réuni à Washington pays riches et économies émergentes autour de l’idée d’une refonte du système financier mondial– quitte à fâcher certains des alliés traditionnels de la France au sein de l’Union, comme par exemple l’Allemagne.

Dès le 23 septembre, et alors que les grandes places financières avaient le plus grand mal à digérer la faillite de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers et les difficultés de AIG, le géant américain de l’assurance, Nicolas Sarkozy réclamait, à la tribune des Nations unies, l’organisation d’un sommet mondial pour  tirer les leçons de la crise financière. Une crise qui n’a cessé de s’aggraver, au point d’être considérée comme la pire qu’est connue le monde depuis celle de 1929. 

Le président français Nicolas Sarkozy lors de son discours à l'ONU à New York, le 22 septembre 2008.(Photo : AFP)

Le président français Nicolas Sarkozy lors de son discours à l'ONU à New York, le 22 septembre 2008.
(Photo : AFP)

Depuis cette intervention remarquée à New York, le chef de l’Etat français, président en exercice de l’Union européenne, n’a cessé de multiplier les rencontres pour tenter de préparer les 27 à une récession qui s’annonce dévastatrice pour l’emploi. Il y a d’abord eu, le 4 octobre, le mini-sommet du G4 qui a réuni à Paris les quatre pays européens membres du G8 (Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie). Nicolas Sarkozy espérait convaincre ses homologues de s’accorder sur l’idée d’un vaste plan de sauvetage des banques, du type de celui proposé par Washington et qui porte sur 700 milliards de dollars. Mais c’était sans compter la vive opposition de l’Allemagne, première économie de l’Union, qui refuse catégoriquement toute initiative supranationale qui reviendrait selon elle à signer un chèque en blanc aux banquiers. Berlin reçoit un soutien de poids du président de la BCE, le Français Jean-Claude Trichet, qui estime qu’un plan à l’américaine « ne correspond pas à la structure politique de l’Europe ». Les chefs d’Etat et de gouvernement du G4 en ont donc été quitte pour seulement affirmer leur préoccupation commune face à l’adversité financière.

Plan de sauvetage européen

Mais après une semaine noire sur les bourses mondiales, Nicolas Sarkozy revient à la charge et convoque en « réunion exceptionnelle » les pays de la zone euro. La dégradation de la situation sur les marchés –le CAC clôture la semaine à moins 7,7%– et le plaidoyer du Premier ministre britannique pour une solution paneuropéenne sont ses atouts. Et bien que le Royaume-Uni, ne fasse pas partie de l’Eurogroupe, Gordon Brown sera reçu à l’Elysée peu avant le début du sommet. Il est vrai que son vaste plan de sauvetage bancaire annoncé quelques jours plus tôt, qui prévoit notamment la nationalisation partielle des principaux établissements du pays, avait été salué à l’unanimité. Alors que les divisions européennes s’étaient affichées au grand jour, le sommet de l’Eurogroupe a pourtant été un succès. Les 15 pays qui partagent la monnaie unique se mettent en effet d’accord sur un plan de sauvetage qui prévoit une garantie des prêts interbancaires et un recours possible à une recapitalisation des banques. Un plan qui aura toutefois « vocation à s’appliquer dans chacun des Etats membres avec la flexibilité que rend nécessaire la diversité des systèmes financiers et des règles nationales ». Donc pas d’initiative globale à l’américaine, mais des solutions nationales, proportionnées à la gravité de la crise bancaire dans chacun des pays concernés. Ce plan anti-crise de l’Eurogroupe sera adopté quelques jours plus tard, le 15 octobre, à Bruxelles par les 27 pays de l’Union, et déjà, alors que la crise financière menace de contaminer l’économie réelle, la présidence française commence à évoquer l’idée d’un plan de relance européen.

Le président français Nicolas Sarkozy (c), entouré de son homologue américain George Bush (g) et du président de la Commission européenne José Manuel Barroso (d), s'adresse à la presse à Camp David, le 18 octobre 2008.(Photo : Reuters)

Le président français Nicolas Sarkozy (c), entouré de son homologue américain George Bush (g) et du président de la Commission européenne José Manuel Barroso (d), s'adresse à la presse à Camp David, le 18 octobre 2008.
(Photo : Reuters)

Trois jours plus tard, Nicolas Sarkozy est, avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, à Camp David avec comme objectif de convaincre un George Bush en fin de règne, dont la popularité est au plus bas, d’endosser l’idée d’un sommet mondial sur la crise. Le président américain se laisse convaincre, la rencontre se tiendra les 14 et 15 novembre à Washington et réunira les chefs d’Etat et de gouvernement du G20, qui regroupe pays riches et économies émergentes. L’activisme de Nicolas Sarkozy n’aura donc pas été vain et parce que le président français veut que l’Europe parle d’une même voix, il convoquera ses homologues de l’Union pour un déjeuner informel destiné à uniformiser les positions des 27. Mais là aussi, Nicolas Sarkozy devra mettre un frein à ses ambitions car, dans l’Union, tout le monde ne partage pas ses visions d’une refonte du système financier mondial.

Le G20 de Washington ne sera d’ailleurs pas le « Bretton Woods II » appelé de ses vœux par le chef de l’Etat français qui n’en parle pas moins d’un résultat historique pour ce sommet qui a réuni autour d’une même table des pays qui représente 90% de l’économie mondiale. Car en plus des engagements de relance et de réforme des règles de la finance internationale, les pays du G20 se sont fixés un plan d’action avec clause de rendez-vous au 31 mars 2009. L’honneur est donc sauf.

Une boîte à outil

Mais déjà la crise financière s’étend à l’économie réelle. Les prévisions de croissance du FMI, le Fonds monétaire international, sont alarmantes pour les économies développées et plusieurs pays de l’Union entrent en récession. L’idée d’un plan de relance européen est de nouveau à l’ordre du jour. La présidence française y travaille de concert avec la Commission qui a annoncé le 26 novembre des mesures chiffrées à 200 milliards d’euros qui en disent toutefois long sur les limites de la force de frappe budgétaire européenne. Bruxelles estime en effet que 170 milliards devraient provenir des plans nationaux, pour la plupart déjà annoncé, tandis que la BEI, la Banque européenne d’investissement, et la Commission européenne s’engagent à débloquer les sommes restantes.

Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel.(Photo : AFP)

Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel.
(Photo : AFP)

Le plan de relance européen est en fait une « une boîte à outil » dans laquelle les Etats membres pourront trouver un catalogue de suggestions et de mesures pour relancer leur économie. Ils pourront par exemple augmenter temporairement les allocations chômage ou en allonger momentanément la durer. Ils pourront également baisser la taxation des bas salaires ou réduire pour un temps le taux de TVA pour stimuler la demande. Des prêts à taux bonifiés ou des garanties de crédits aux entreprises sont également proposés. Des fonds seront mobilisés pour soutenir la recherche visant à développer les voitures vertes. Autant de mesures qui devront au préalable être approuvées – et à l’unanimité - les 11 et 12 décembre prochains lors du dernier sommet européen de la présidence française. Mais, déjà, l’Allemagne a pris ses distances avec ce plan de relance européen : le président français, jugé par la presse d’outre-Rhin comme « un pompier exemplaire » mais « pas un architecte », a donc encore du pain sur la planche.

Dossier spécial

(Photo : UE)