par Frank Weil-Rabaud
Article publié le 25/12/2008 Dernière mise à jour le 25/12/2008 à 17:15 TU
En 1996, Ytzhak Rabin, alors Premier ministre, avait coutume de dire : « Il faut continuer le processus de paix comme s’il n’y avait pas d’attentats-suicide et il faut poursuivre la lutte contre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de processus de paix ». Les responsables israéliens semblent avoir fait leur, cette approche, alors que les tirs de roquettes à partir de la bande de Gaza vers le sud du territoire de l’Etat hébreu se multiplient.
Sur le plan diplomatique, la ministre israélienne des Affaires étrangères et candidate au poste de chef du gouvernement Tzipi Livni s’est rendue au Caire ce jeudi pour des entretiens avec le président égyptien Hosni Moubarak. Depuis plusieurs mois, l’Egypte mène une médiation entre les islamistes du Hamas et le gouvernement israélien. Cette médiation avait permis la conclusion en juin dernier d’une trêve de six mois. Mais les efforts pour prolonger ce calme précaire ont pour l’heure échoué. Le chef de l’Etat égyptien en a donc été réduit à demander à son hôte qu’Israël fasse preuve de retenue dans ses opérations militaires destinées à faire cesser les tirs de roquettes.
Des Palestiniens ramassent les débris de leurs habitations détruites par les bombardements israéliens (mars 2008).
(Photo : Reuters)
Un engagement que Tzipi Livni n’est pas en mesure de prendre. Israël est en effet entré de plein pied dans la campagne électorale en vue des élections législatives du 10 février prochain. Et l’heure est à la surenchère sur la question de la stratégie à adopter vis-à-vis des islamistes du Hamas qui contrôlent la bande de Gaza depuis juin 2007. L’ancien Premier ministre et chef de file du Likoud, le principal parti de droite, Benyamin Netanyahou, a promis de débarrasser Gaza du Hamas, par tous les moyens.
Les sauveteurs israéliens sont dans le bâtiment détruit par un tir de roquette à Ashkelon, dans le sud d'Israël (mai 2008).
(Photo : Reuters)
Eviter le syndrome libanais
« Notre réponse sera substantielle et douloureuse pour le Hamas ». C’est sous couvert d’anonymat qu’un responsable israélien a résumé, dans les colonnes du quotidien Haaretz, la stratégie qu’entend suivre le gouvernement. Dans un premier temps, c’est par le biais de raids aériens que l’Etat hébreu a répondu aux récents tirs de roquettes. Il s’agit selon les militaires israéliens de viser les infrastructures politiques et militaires du mouvement islamistes.
Mais ces derniers mois, ce recours aux opérations aériennes a montré ses limites. En reprenant les tirs de roquettes, le Hamas a prouvé que sa capacité d’action était intacte. Grâce aux tunnels qui passent sous la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte, le mouvement islamiste a été en mesure de reconstituer son arsenal. Désormais, toutes les villes israéliennes situées dans un rayon de trente kilomètres, sont susceptibles d’être touchées par les tirs palestiniens. Dans un communiqué, le groupe Azzedine al-Kassem, la branche armée du Hamas, a d’ailleurs prévenu que « des milliers d’Israéliens supplémentaires seront bientôt à portée de nos roquettes si Israël poursuit son agression ».
De telles déclarations confortent certains responsables et analystes israéliens à préconiser une opération militaire d’envergure. Dans une tribune publiée par le quotidien israélien Yediot Aharonot, un ancien chef des services de renseignements de l’armée préconise l’assassinat des principaux chefs militaires et politiques du Hamas. « Avons-nous oublié l’impact immense qu’avait eu l’élimination du cheikh Ahmed Yassine et de son successeur Abdelaziz Rantissi dans la réflexion du Hamas sur le recours à la violence ?», n’hésite pas à écrire Yossi Ben-Ari.
En revanche, l’éventualité d’une opération terrestre massive est rarement évoquée. Il faut dire que les Israéliens gardent un cuisant souvenir de la guerre de l’été 2006 au Liban contre la milice chiite pro-iranienne du Hezbollah. Le conflit avait provoqué de nombreux morts dans la population civile libanaise, entraînant de vives protestations internationales. Il avait également coûté la vie à des soldats israéliens sans pour autant permettre de détruire l’arsenal de la milice libanaise. Cette guerre avait enfin provoqué une grave crise politique à l’issue de laquelle le ministre de la Défense et le chef d’état-major avaient présenté leur démission.
Le Premier ministre Ehud Olmert y avait, quant à lui, perdu le peu de crédibilité qu’il conservait dans l’opinion publique. Conscient du risque, celui qui reste chef du gouvernement en attendant l’élection de son successeur, a donc choisi de s’adresser directement aux habitants de Gaza par l’intermédiaire de la chaîne de télévision satellitaire arabe Al Arabya. « Le Hamas tire sur nous et sur la centrale électrique qui alimente Gaza. Arrêtez-les. Arrêtez notre ennemi et le vôtre », a exhorté Ehud Olmert pour qui « ce que fait le Hamas, en contradiction avec l’esprit de l’islam, est la principale raison de vos souffrances et des nôtres. Je vous le dis avant qu’il ne soit trop tard, arrêtez cela ».
Une nouvelle trêve improbable
Pour cesser leurs tirs de roquettes, les islamistes du Hamas ont des exigences très claires. Ils réclament l’ouverture immédiate et sans conditions de tous les points de passage entre la bande de Gaza et l’extérieur. Ces points de passage sont vitaux pour la survie économique du territoire palestinien. En raison de leur fermeture quasi permanente, la situation humanitaire des quelque un million et demi d’habitants n’a cessé de se dégrader ces deux dernières années alors qu’elle était d’ores et déjà difficile. Le mouvement islamiste souhaite également que la trêve soit étendue à la Cisjordanie occupée. Autant de conditions que le gouvernement israélien n’entend pas accepter. Tout semble désormais en place pour un affrontement majeur dont les civils palestiniens mais également israéliens seront inévitablement les premières victimes.