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Afrique du Sud

Jacob Zuma rattrapé par la justice

par Valérie Hirsch

Article publié le 12/01/2009 Dernière mise à jour le 12/01/2009 à 17:07 TU

Nouveau retournement dans la saga politico-judiciaire en Afrique du Sud. Jacob Zuma, le candidat de l’ANC pour les élections 2009, est à nouveau inculpé pour corruption ! La Cour suprême de Bloemfontein a  annulé lundi un jugement rendu en septembre par le juge Chris Nicholson, lequel avait annulé l’inculpation de Zuma, en raison « d’interférences politiques » dans la procédure judiciaire.

Jacob Zuma, chef du parti sud-africain ANC (Africain National Congress), lors du lancement de la campagne pour les élections générales, le 10 janvier 2008, à East London, au sud de Durban.(Photo : AFP)

Jacob Zuma, chef du parti sud-africain ANC (Africain National Congress), lors du lancement de la campagne pour les élections générales, le 10 janvier 2008, à East London, au sud de Durban.
(Photo : AFP)

« La plupart des accusations (du juge Nicholson), étaient non seulement hors de propos, mais elles étaient gratuites et fondées sur des suspicions et non des faits », a déclaré le juge Louis Harms de la Cour suprême de Bloemfontein. Dans un arrêt cinglant, les cinq juges de la Cour ont décidé, à l’unanimité, d’annuler le jugement rendu le 12 septembre par leur collègue.

Nicholson avait accusé le pouvoir politique – en clair, l’ancien chef d’Etat Thabo Mbeki - d’avoir interféré dans les poursuites judicaires contre Zuma, poursuites que le juge avait donc annulées. Suite à cet arrêt explosif, la direction de l’ANC avait obtenu le renvoi du chef de l’Etat, Thabo Mbeki, forcé de démissionner dans le déshonneur, six mois avant la fin de son mandat. Sa démission avait provoqué la fureur d’une partie des leaders et des militants de l’ANC, et la création d’un parti dissident, le Congrès du peuple (Cope), dirigé par l’ancien ministre de la Défense Mosiuoa Lekota.

L'ANC maintient le candidat Zuma

Zuma est donc à nouveau inculpé de corruption, fraude et évasion fiscale dans le cadre d’un contrat de ventes d’armes entre l’Afrique du Sud et le groupe français Thales, co-inculpé dans cette affaire. « L’ANC respecte la décision judicaire », a déclaré son porte-parole, Carl Niehaus. « Cet arrêt ne changera pas notre décision. Le camarade Zuma restera le candidat de l’ANC pour les élections 2009 ». Après les élections législatives (prévues pour avril, mais aucune date n’a encore été fixée), il succédera donc à Kgalema Monthlante qui assure l’intérim. En tant que chef de l’Etat, Zuma aura notamment le pouvoir de désigner le procureur général, chargé de le poursuivre.

Mais on n’en est pas là. Beaucoup pensent qu’un procès n’aura jamais lieu. Les avocats de Zuma ont plusieurs options. Ils peuvent saisir la Cour constitutionnelle ou demander une suspension définitive des poursuites qui durent depuis 2003. Ce matin, le quotidien Business Day évoquait la possibilité d’une solution négociée en dehors des tribunaux. Des pourparlers seraient en cours entre les services du procureur général et les avocats de Zuma qui disposeraient d’ « une déposition explosive selon laquelle des forces politiques ont fait pression sur le procureur pour qu’il inculpe à nouveau Zuma après son élection victorieuse à Polokwane » (à la tête de l’ANC, en décembre 2007). « Un procès équitable est impossible après un tel délai et les jugements portés à l’encontre de Zuma dans la presse », estime  Patrick Craven, porte-parole du syndicat Cosatu. « Nous restons convaincus qu’il s’agit d’un procès politique qui doit être abandonné ».

L’opposition, et en particulier le Cope, ne manquera pas d’attaquer les valeurs éthiques de l’ANC qui met la lutte contre la corruption au centre de son programme! Cette question va empoisonner la campagne électorale, même si elle ne semble pas devoir entacher la popularité de Zuma.

« Risque d'instabilité énorme »

« L’ANC est affaiblie et va sans doute faire front derrière son leader », estime Dirk Kotze, chercheur à l'université d'Afrique du Sud. « Certains pensent que Zuma devrait laisser la place à Monthlante. Mais je pense surtout que l’ANC va exercer de fortes pressions pour qu’il y ait une solution politique. Le risque d’instabilité est énorme. Le syndicat Cosatu et le Parti communiste peuvent paralyser le pays en cas de procès. Il est clair aussi que cette saga judiciaire a été influencée par  la rivalité entre Zuma et Mbeki. Les services du procureur général vont devoir prendre une décision extrêmement difficile. Mais même si on arrive à une solution où Zuma reconnaîtrait une forme de culpabilité, sa réputation sera à jamais entachée ».

Par contre, la réputation de Mbeki est en partie rétablie, au moins sur la scène internationale, où il brigue sans doute une position. Mais personne ne prévoit un retour de l’ancien chef d’Etat sur la scène politique en Afrique du Sud.