par Patrice Biancone
Article publié le 05/02/2009 Dernière mise à jour le 05/02/2009 à 14:57 TU
Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, lors d’un discours à l’Assemblée nationale à Paris, le 4 février 2009.
(Photo : Reuters)
Un mot du livre, d'abord : Le monde selon K. se présente sous la forme d'un réquisitoire. Son auteur Pierre Péan ne s'en cache pas et il l'a dit au micro de RFI : c'est en raison du changement de la politique française au Rwanda, initié par Bernard Kouchner, qu'il a décidé d'écrire son livre et d'examiner l'action du ministre des Affaires étrangères, en particulier sur le continent africain.
Les deux hommes ne s'aiment guère. Ils ont des positions différentes. Pierre Péan considère que Bernard Kouchner est pro-américain. Il décrit minutieusement ses interventions en faveur du Biafra, des Kurdes, des boat people, puis dans l'ex-Yougoslavie et en Somalie, en émettant des réserves sur les bénéfices du « tapage médiatique » souvent utilisé. Surtout, le livre critique sa démarche de consultant dans les années 2003-2006, époque pendant laquelle, responsable du groupe d'intérêt public Esther (Ensemble pour une solidarité thérapeutique en réseau), Bernard Kouchner participait également via deux sociétés, Imeda et Africa Steps, dirigées par deux de ses proches, à la réalisation de contrats d'audit de systèmes de santé et à l'élaboration de nouveaux plans nationaux de développement sanitaire.
« Rien d'illégal dans ses activités, dit Pierre Péan en citant le Gabon d'Omar Bongo et le Congo de Denis Sassou Nguesso, je me place simplement sur le plan de l'éthique, de la morale républicaine. Bernard Kouchner travaillait avec ceux qu'il qualifiait de dictateurs en d'autres temps ». Et d'ajouter qu'il y a conflit d'intérêt, sans pour autant en apporter la preuve.
« Une entreprise de déstabilisation »
Bernard Kouchner considère donc que le livre est calomnieux. Sa réponse dans Le Figaro est globale : « C'est une entreprise de déstabilisation qui est évidemment politique, mais aussi éditoriale ». Il n'accepte pas que l'on parle ainsi de son parcours. « Est-ce que j'ai bien servi mon pays, s'interroge-t-il même avant de poursuivre : Oui. Je n'ai pas à rougir de mon action ». Et d'insister sur le fait que tout ce qu'il a fait était légal, public. Qu'il n'y avait pas conflit d'intérêt. Qu'il avait bien payé ses impôts et qu'il avait bien arrêté ses activités professionnelles une fois nommé ministre.
Bref, pour Bernard Kouchner ce livre est avant tout un règlement de comptes, le coup éditorial de quelqu'un qui veut vendre un livre sans le début d'une preuve contre lui. Bernard Kouchner se réserve la possibilité d'un recours judiciaire, possible, a-t-il dit, mais pas encore fait et pas certain.
Cette affaire est-elle politique ? Elle en prend en tout cas le chemin. Hier, les socialistes ont interpellé le gouvernement à l'Assemblée nationale. Le député Jean Glavany a posé une question à Bernard Kouchner au nom de la transparence, exigence de la démocratie. Les socialistes sont d'ailleurs divisés sur le sujet. Certains ont des mots très durs contre le ministre des Affaires étrangères, comme Arnaud Montebourg. D'autres comme Martine Aubry ont évoqué « un homme honnête ». Il n'empêche, certains sont tentés de lui faire payer cash son passage au gouvernement, en espérant ainsi décrédibiliser l'ouverture chère à Nicolas Sarkozy.
Le gouvernement l'a d'ailleurs senti. François Fillon a sorti un communiqué pour soutenir son ministre des Affaires étrangères. Jean-Marie Bockel, l'ex-ministre à la Coopération, dont Pierre Péan dit qu'il est une victime collatérale de l'action de Bernard Kouchner, a démenti. Et lorsqu'on évoque son avenir, Bernard Kouchner répond que personne ne lui a demandé de quitter ses fonctions et le gouvernement, en tout cas ni le président, ni le Premier ministre.
A lire
04/02/2009 à 08:22 TU