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Cambodge

Premier jour d'un procès historique

Article publié le 17/02/2009 Dernière mise à jour le 17/02/2009 à 20:46 TU

Le Cambodge attendait ce procès depuis près de trente ans. Ce mardi matin, quelque 800 personnes faisaient la queue pour accèder au tribunal où est jugé Kaing Guek Eav, 66 ans, plus connu sous le nom de « Duch ». Sous le régime des Khmers rouges, dans les années 70, il était responsable du camp S-21 dans la capitale cambodgienne. Plus de 15 mille personnes y ont été torturées et tuées dans le cadre de vastes purges qui, au total, ont fait deux millions de victimes. Ce procès est le premier d'un responsable khmer rouge. Il était donc très attendu par les victimes et leurs familles qui y voient une victoire de la justice.
Kaing Guek Eav, alias « Duch », jugé pour crimes contre l'humanité, lors de son procès le 17 février 2009, à Phnom Penh.(Photo : Reuters)

Kaing Guek Eav, alias « Duch », jugé pour crimes contre l'humanité, lors de son procès le 17 février 2009, à Phnom Penh.
(Photo : Reuters)

Reportage de notre envoyé spécial à Phnom Penh, Stéphane Lagarde 

« Duch attend son procès depuis dix ans, donc il est content que son procès puisse enfin s’ouvrir. En même temps, il est toujours très bouleversé quand il voit les victimes », déclare l’avocat de Duch, François Roux.                       

Cette première journée était celle des victimes, mais beaucoup n’avaient d’yeux que pour lui. Une demi-heure avant le début de l’audience, effervescence chez les journalistes : le principal suspect est annoncé.

« Il y a un camion de pompiers qui bouche la vue. On ne sait pas ce qu’il y a derrière. Une voiture avec les vitres blindées vient de passer. Duch n’est pas sorti. Il va sortir par l’intérieur, je pense », commente une journaliste.

Et effectivement, l’accusé apparaît dans son box, chemise bleue, visage impassible. L’ancien tortionnaire de Tuol Sleng met un casque pour entendre les traductions et regarde la Cour. Son avocat, François Roux rappelle que son client a déjà passé neuf ans, neuf mois et sept jours en détention provisoire.

Pour François Roux, Le procès n’est pas seulement celui d’un homme, il est aussi celui d’un système : « Les victimes attendent énormément d’un procès comme celui-là. Elles attendent, et c’est bien normal, des réponses à des questions : Pourquoi tout ça ? Quand on voit ce qui s’est passé à S21 et ailleurs, pourquoi tout ça ?’ Et je leur dit : Attention, vous n’aurez pas les réponses à toutes les questions. Est-ce qu’un humain peut expliquer ce que c’est que l’inhumain ? »

« Aujourd’hui, bien que se fût une audience essentiellement technique, cela reste un grand jour pour le Cambodge, pour la justice, et à défaut d’être grandiloquent, pour l’humanité », souligne le Canadien Robert Petit. Difficile de ne pas avoir l’air satisfait quand on est co-procureur des chambres extraordinaires auprès des tribunaux cambodgiens. Onze ans après la mort de Pol Pot, le procès des Khmers rouges peut enfin commencer. « C’est un grand jour pour l’humanité », affirme Robert Petit, à la fin de l’audience.

Magistrats cambodgiens et internationaux étaient tous là pour cette première journée.

Ce sont les règles du jeu de l’audience au fond qui ont été discutées ce mardi. Il reste désormais à arrêter la liste des témoins : une quinzaine pour la défense ; même chose pour les parties civiles et, dit-on, près d’une centaine pour les procureurs.

Ces questions seront pourtant traitées lors de la deuxième partie du procès, où l’on entendra Duch répondre à ses crimes.

Dossier spécial

(Photo : Tang Chin Sothy/AFP)