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Chine / Tibet

Au Tibet, Pékin veut «frapper fort»

par Nicolas Vescovacci ( Avec AFP et Reuters)

Article publié le 18/02/2009 Dernière mise à jour le 18/02/2009 à 20:07 TU

Depuis plusieurs semaines, les minorités tibétaines qui vivent en Chine sont étroitement surveillées par les autorités. Le gouvernement de Pékin redoute de nouvelles manifestations, comme celles de mars 2008, à l’occasion desquelles, selon des associations tibétaines en exil, au moins 203 personnes avaient trouvé la mort, alors que le gouvernement central accuse toujours « des émeutiers » d’avoir tué 21 personnes. Depuis le 18 janvier dernier, Pékin a relancé une campagne baptisée « frapper fort » destinée à mater toute velléité de rébellion à l’approche du 50e anniversaire du soulèvement tibétain contre la présence chinoise. En début de semaine, certains Tibétains de la province du Sichuan ont organisé des protestations qui se sont soldées, selon l’association Free Tibet, par une vingtaine d’arrestations. A l’approche du mois de mars 2009, les autorités chinoises ont interdit l’accès du Tibet aux étrangers. Sur place, Pékin a mis en place un dispositif de sécurité impressionnant pour que personne ne vienne perturber ce huis-clos policier et militaire.

Des soldats chinois patrouillent dans les rues de Lhasa, au Tibet, le 1er février 2009.(Photo : Reuters)

Des soldats chinois patrouillent dans les rues de Lhasa, au Tibet, le 1er février 2009.
(Photo : Reuters)


« En ce moment, c’est marche ou crève », tonne Marcelle Roux, la présidente de l’association France-Tibet. Selon cette militante, tous les Tibétains de Chine sont sous la menace d’une répression féroce depuis que le gouvernement central a formellement relancé le 18 janvier 2009 une opération de police baptisée « frapper fort ». Cette campagne mise en œuvre dès 1997 par le président chinois Jiang Zemin a pour objectif de tuer dans l’œuf toute expression dissidente à quelques jours du 50e anniversaire du soulèvement tibétain contre l’occupation chinoise. En mars 1959, la police et l’armée avaient tué environ 85 000 Tibétains et provoqué le départ en exil du chef spirituel des Tibétains.

Depuis, la rhétorique officielle chinoise n’a pas changé. Les autorités centrales sont engagées dans « une lutte des classes, à la vie à la mort contre les séparatistes tibétains ». Dans un éditorial daté du 16 février 2009, le Quotidien du Tibet, journal officiel, explique qu’il s’agit d’un combat mené contre « la clique du Dalaï Lama et ces forces occidentales hostiles qui le soutiennent ».

Le Tibet sous contrôle ?

Mais moins d’un an après les émeutes de Lhassa, Pékin affirme pourtant que le Tibet et les régions limitrophes à fortes minorités tibétaines sont « sous contrôle ». Pour le prouver, le gouvernement a organisé un voyage de presse pour une dizaine de journalistes étrangers ; le premier du genre depuis le passage de la flamme olympique à Lhassa en juin 2008. Depuis la capitale du Tibet, un journaliste du Figaro contacté par l’Agence France-Presse a expliqué « qu’il n’avait pas eu l’impression d’une ville sous tension avec un fort déploiement policier ou militaire ».

Selon des associations tibétaines en exil, la Chine a toutefois déployé de très nombreuses forces de police dans toutes les régions tibétaines pour ne pas être débordée par d’éventuelles violences, comme ce fut le cas il y a un an.

« L’opération ’frapper fort’ est en cours », constate Tsering Shakya, un historien tibétain, chercheur à l’université de Colombie-Britannique au Canada. « Les gens sont sous stricte surveillance et il n’y aura pas de manifestations de l’ampleur de celles de mars 2008 ».  Pour dissuader quiconque de lancer la moindre fronde en 2009, la justice chinoise a porté à 76, le nombre de personnes condamnées pour avoir participé aux émeutes de l’année dernière. Sans donner de détails sur ces condamnations. 

Faire vivre la contestation

En Europe, les représentants du Dalaï Lama entretiennent la flamme de la contestation en s’appuyant sur les propos de leur guide. « Les débordements peuvent arriver à tout moment. La situation est tendue. Aujourd’hui il y a trop de colère, » avait-il déclaré le 11 février dernier lors d’un déplacement en Allemagne.

Dans son bureau parisien, Wangpo Bashi, l’un des représentants du Dalaï Lama en France affirme que « tous les ingrédients sont là pour une nouvelle révolte : les intimidations, les arrestations arbitraires, la pression sociale, la pression psychologique. Et surtout l’échec des pourparlers avec la Chine entamés en 2002 ».

Selon lui, les autorités chinoises auraient arrêté plus de 6 000 personnes depuis mars 2008. « Des personnes qui ont disparu et dont on ne sait rien », précise-t-il.

Si la Chine combat l’irrédentisme, la colère des populations tibétaines peut-elle se transformer en révolte ? A ce jour, aucun débordement connu n’a été signalé dans la région autonome du Tibet. En revanche, quelques manifestations sporadiques ont eu lieu dans les provinces du Gansu ou du Sichuan, là où vivent de nombreuses minorités tibétaines.

Selon l’organisation Free Tibet (Libérez le Tibet), un moine a commencé à protester seul, dimanche 15 février, dans le district de Litang, situé dans la province du Sichuan.

Après avoir crié des slogans en faveur du retour au Dalaï Lama sur un marché local, Lobsang Lhundup aurait été rejoint par d’autres personnes. La police aurait ensuite dispersé la foule à coups de matraques et de crosses de fusils.

Toujours selon cette source, le lendemain, une manifestation rassemblant jusqu’à 300 personnes se serait produite dans la même zone. Free Tibet évoque 24 arrestations. « Le district est sous loi martiale. La police armée patrouille dans les rues » a raconté à l’AFP un commerçant local, témoin de la manifestation.

Les responsables locaux et la police du district de Litang ont, eux, démenti toute manifestation.

Propagande chinoise

A Pékin ou à Lhassa, les autorités chinoises préfèrent dérouler leur discours. En mars prochain, ils promettent  de grandes cérémonies pour célébrer la « libération du Tibet et la fin d’un régime féodal ».

Le 23 mars 1959, les troupes chinoises hissaient le drapeau rouge sur le Potala, le palais des Dalaï Lama. Mais c’est le 28 mars que le gouvernement central a retenu comme date anniversaire de la conquête chinoise. Le 28 mars 2009, les populations locales devront faire preuve, c’est sûr, de patriotisme pour fêter dignement la journée de « l’émancipation ».  Dans la région autonome, des festivités seront organisées pour marquer « la libération d’un million de serfs ».

« C’est un nouvel affront » lance Wangpo Bashi. Quant au Tibet, il reste une zone interdite aux journalistes. Aucun étranger n’est d’ailleurs autorisé à se rendre dans la région autonome pendant le mois de mars, le mois de la libération.

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(Photo : Reuters)