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Thaïlande

Asean, le défi des droits de l'homme

par  RFI

Article publié le 02/03/2009 Dernière mise à jour le 02/03/2009 à 14:51 TU

Abhisit Vejjajiva, Premier ministre thaïlandais et président en exercice de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est, a accordé un entretien à notre correspondant à Bangkok Arnaud Dubus au lendemain du sommet de l'Asean qui s'est clos dimanche. Les nations d'Asie du Sud-Est devaient évoquer la question des droits de l'homme en Birmanie, où le pouvoir est toujours entre les mains d'une dictature militaire. Au final, le problème n'a été qu'effleuré.

Le Premier ministre thaïlandais (au centre) en compagnie de son ministre des Affaires étrangères, Kasit Piromya, (à gauche) et du secrétaire général de l'Asean, Surin Pitsuwan, le 1er mars 2009.( Photo : Reuters )

Le Premier ministre thaïlandais (au centre) en compagnie de son ministre des Affaires étrangères, Kasit Piromya, (à gauche) et du secrétaire général de l'Asean, Surin Pitsuwan, le 1er mars 2009.
( Photo : Reuters )


Abhisit Vejjajiva, Premier ministre thaïlandais

02/03/2009 par Arnaud Dubus

RFI : L'Association des nations d'Asie du sud-est s’aventure maintenant dans les champs des droits de l’homme pour la première fois. On sent qu’il y a une volonté de la part de certains Etats membres, la Thaïlande, les Philippines ou l’Indonésie, d’ouvrir l’organisation sur la société civile. Mais  dans le même temps, vous devrez tenir compte des Etats membres qui sont autocratiques, comme la Birmanie, le Laos ou même le Cambodge. Comment pouvez-vous contourner ce dilemme ?

Abhisit Vejjajiva : Ce n'est pas une question facile. Mais ce que nous espérons avoir instauré, c'est que tout le monde doit être attentif à la question des droits de l'homme. Et que nous devons continuer à essayer de faire des progrès.
Pendant le sommet, des représentants de la société civile ainsi que les jeunes de l'Asean ont rencontré les chefs d'Etat et de gouvernement pour la première fois. C'est vrai que ce n'est pas encore parfait, et qu'il y a clairement encore un fossé entre ce à quoi s'attendent les leaders et ce à quoi s'attendent les représentants de la société civile. Mais nous espérons avoir établi que cela va maintenant devenir partie intégrante du sommet de l'Asean.

C'est, en tout cas, déjà inscrit dans la charte. Et le défi maintenant est de mettre en place l'organe des droits de l'homme de l'Asean d'ici la fin de l'année. L'isntance qui sera établie ne satisfera certainement pas les attentes de certaines personnes qui travaillent dans le domaine des droits de l'homme, et qui disent que nous devons faire plus. Nous allons devoir faire plus. Mais je pense que ce qui est important est de démarrer. Cela peut être lent au départ. Mais l'approche graduelle peut fonctionner mieux à long terme. Parce que si vous essayez de faire passer de force certains changements là où il continue d'exister une certaine diversité, et que cela devient inacceptable, alors vous chutez et vous devez tout recommencer. Et cela sera beaucoup plus difficile de recommencer la seconde fois.

RFI : Pendant la rencontre des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Asean, avez-vous discuté directement avec le Premier ministre de Birmanie la question des prisonniers politiques et donc d'Aung San Suu Kyi ?

A.V. : Ce que nous avons fait pendant la rencontre des leaders, c’est de demander un briefing au Premier ministre birman sur les développements dans son pays. Nous avons appris les efforts du gouvernement pour respecter la « feuille de route », notamment en organisant les élections d'ici l'an prochain, selon la Constitution qu'ils ont maintenant établie. Nous avons aussi appris qu'il continue d'y avoir des libérations de prisonniers politiques. Les autres leaders ont répondu qu'il était nécessaire de continuer à faire plus de progrès. La Birmanie a donné son accord pour travailler directement avec les Nations unies. En fait, la responsabilité repose en grande partie sur les Nations unies.

RFI : Concernant la politique thaïlandaise, il y a quelques années, vous m’aviez accordé un entretien, lors duquel vous m’aviez dit « il faut que la Thaïlande parvienne à briser ce  cycle, coup d’Etat, élaboration d'une Constitution, élection, corruption et nouveau coup d’Etat ». Comment, maintenant que vous êtes au pouvoir, pensez-vous que ce cycle puisse être brisé ?

A.V. : J'avais espéré que ce cycle avait déjà été brisé pour de bon. Mais les leçons des dernières décennies est que, même si vous avez beaucoup d'éléments en place pour un meilleur système, si les joueurs dans le système ne respectent pas les règles, alors cela devient difficile. Les événements qui ont mené au coup d'Etat, il y deux ou trois ans, donnaient fondamentalement l'impression que l'Etat de droit était en panne, que si vous avez le pouvoir vous pouvez mener des pratiques qui violent clairement la loi et le droit des gens et ne sont pas sanctionnées. Les choses ont mal tourné, parce les opposants et les gens qui ont eu le sentiment d'être traités de façon injuste sont descendus dans les rues. C'était le problème. Il est triste de voir qu'en 2006, les raisons données par les auteurs du coup d'Etat dans leur premier communiqué étaient les mêmes que dans n'importe quel communiqué de coup d'Etat dans le passé. Parfois, nous avons l'impression que nous n'avons pas tiré les leçons du passé. Mais au moins, nous pouvons voir que de plus en plus de gens considèrent que les coups d'Etat ne peuvent pas résoudre le problème et qu'ils créent en fait plus de problèmes. C'est ce à quoi nous devons faire face maintenant. Je ne peux qu'espérer qu'à l'avenir, nous retiendrons les leçons, ce qui veut dire que les politiciens doivent respecter les règles et suivre la loi.

RFI : Mais Monsieur le Premier ministre, comme vous le savez il n’est pas seulement question de suivre les règles : la culture politique dans les provinces est basée sur les réseaux de patronage, les parrains... Les hommes influents locaux utilisent le clientélisme et c’est un système qui met beaucoup de temps à être réformé... 

A.V. : Je suis d'accord, cela prend beaucoup de temps. Mais j'ai vu beaucoup de changements ces dernières années. Et malgré les troubles politiques et les coups d'Etat, je pense qu'on a vu émerger une tendance claire ces dernières années, qui est que l'électorat est suffisamment intelligent pour choisir la direction qu'il veut suivre au niveau national. Nous voyons qu'utiliser l'influence des leaders locaux pour essayer d'influencer le résultat électoral est devenu de plus en plus difficile.

Propos recueillis par notre correspondant à Bangkok, Arnaud Dubus