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Etats-Unis / Iran

De l’axe du mal à la main tendue

par Franck WEIL-RABAUD

Article publié le 20/03/2009 Dernière mise à jour le 20/03/2009 à 22:28 TU

En s’adressant directement aux dirigeants iraniens à l’occasion du Nouvel an, Barack Obama a entamé une rupture historique avec la politique d’isolement de l’Iran menée depuis trente ans par les gouvernements américains successifs. Dans un message vidéo sous-titré en farsi, le président américain a adressé ses vœux au peuple iranien mais également pour la première fois aux dirigeants de la République islamique. Les dirigeants européens ont salué le geste d'Obama. L'Iran a accueilli ce message favorablement tout en disant qu'il attendait du concret.

Barack Obama s'adresse aux Iraniens, le 20 mars 2009.(Photo : Reuters)

Barack Obama s'adresse aux Iraniens, le 20 mars 2009.
(Photo : Reuters)

C’était il y a sept ans. Le 29 janvier 2002, lors de son discours sur l’Etat de l’Union, George Bush évoquait pour la première fois « un axe du mal ». Il comprenait pour le gouvernement américain la Corée du nord, l’Irak alors dirigé par Saddam Hussein et l’Iran. Tout au long de ses deux mandats, le président des Etats-Unis n’a eu de cesse de maintenir l’isolement diplomatique de la République islamique en vigueur depuis la Révolution de 1979 et la prise d’otage à l’ambassade américaine de Téhéran.

Le flou entretenu par les responsables iraniens sur la nature de leur programme nucléaire et leur soutien affiché à des organisations comme le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien considérées par les Etats-Unis comme terroristes n’ont fait qu’aggraver les tensions entre les deux pays. Le gouvernement américain avait certes accepté de rencontrer des émissaires iraniens peu avant la fin du mandat de George Bush. Mais il ne s’agissait que d’évoquer la situation en Irak où les Etats-Unis étaient conscients que l’Iran était un acteur incontournable pour permettre un retour relatif de la sécurité et de la stabilité dans le pays. Pour le reste, les Etats-Unis, appuyés par l’Union européenne mais également la Russie et la Chine, ont multiplié les sanctions pour tenter d’obtenir que la République islamique renonce à son programme d’enrichissement d’uranium.

Parallèlement, le gouvernement de George Bush et son allié israélien ont à plusieurs reprises répété que l’option militaire était toujours envisageable en cas d’échec patent de la voie diplomatique. C’est cette possibilité que Barack Obama a implicitement exclue en transmettant aux dirigeants iraniens ses vœux à l’occasion de Noruz, le Nouvel an iranien.

Réaction iranienne après les voeux d'Obama

« Obama a souligné implicitement que l’option militaire envisagée par George Bush pour régler le délicat dossier du nucléaire iranien n’était plus à l’étude ».

20/03/2009 par Franck Weil-Rabaud

Une promesse électorale

En avril 2008, en pleine campagne électorale américaine, celui qui n’est encore que sénateur de l’Illinois affirme que s’il est élu, il est prêt à engager un dialogue direct et sans conditions avec les dirigeants iraniens. Barack Obama vient de rompre avec une politique de fermeté qui remonte à la Révolution islamique de 1979 et à la prise d’otages à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran qui avait suivi. Le candidat démocrate fait alors l’objet de virulentes critiques. Il se voit accusé de naïveté et de méconnaissance des dossiers de politique étrangère. À peine élu, le nouveau président ne tarde pas à prendre en compte ces critiques. Il réaffirme qu’un Iran doté de l’arme atomique est inacceptable et que la République islamique doit cesser son soutien aux organisations figurant sur la liste américaine des groupes terroristes. Sa volonté de privilégier la diplomatie n’a pas pour autant disparu. Et la célébration de Noruz, le Nouvel an iranien était une occasion rêvée pour réaffirmer sa volonté de dialogue avec l’Iran. Barack Obama ne l’a pas laissée passer.

Cet appel à oublier ce qu’il nomme «les vieilles dissensions» n’est pas pour autant sans risque pour Barack Obama. Il faut en effet que les dirigeants iraniens acceptent cette esquisse de dialogue. Jusqu’à présent, ils se sont montrés prudents et continuent d’affirmer attendre des gestes concrets pour juger de la volonté réelle des Etats-Unis de mettre fin à trente ans d’hostilité. Mais les premières déclarations qui ont suivi ces vœux du président américain laissent à penser que le pari de Barack Obama pourrait être payant. Confrontés à une crise économique aggravée par la baisse des cours du pétrole, les Iraniens semblent moins en phase avec les diatribes virulentes de leur président contre les Etats-Unis.

Il faut dire que Mahmoud Ahmadinejad n’a pas été en mesure de tenir sa promesse d’accroître le niveau de vie des plus pauvres. Certains l’accusent de privilégier ses attaques contre l’Occident et contre Israël, au détriment d’une action concrète pour améliorer les conditions de vie de ses concitoyens. Pour l’heure, le président iranien est toujours soutenu par le guide suprême de la révolution, véritable détenteur du pouvoir. Mais rien ne dit que ce soutien perdurera jusqu’aux élections de juin prochain. De la personnalité du futur président dépendra donc le succès de cette politique d’ouverture tentée par Barack Obama.