Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Israël

Ehud Barak, ou Israël face à ses contradictions

par Franck Weil-Rabaud

Article publié le 25/03/2009 Dernière mise à jour le 26/03/2009 à 18:22 TU

Ehud Barak sera le prochain ministre de la Défense israélien. En faisant valider par son parti l’accord de coalition signé avec Benyamin Netanyahu, il est assuré de conserver un poste qu’il occupe déjà. Face aux critiques, il affirme agir pour le bien de l’Etat d’Israël.

Le leader du Parti travailliste israélien Ehud Barak.(Photo : AFP)

Le leader du Parti travailliste israélien Ehud Barak.
(Photo : AFP)

« Nous voulons la paix mais pas à n’importe quel prix ». Cette seule phrase pourrait résumer l’image qu’Ehud Barak tente de donner depuis des années. Celle du soldat le plus décoré d’Israël, converti à la paix grâce à sa proximité avec le Premier ministre assassiné Ytzhak Rabin mais suffisamment pragmatique pour accepter d’entrer dans un gouvernement très marqué à droite. Ce mercredi, peu après que le Parti travailliste ait accepté de valider l’accord de coalition gouvernementale conclu avec Benyamin Netanyahu, Ehud Barak affirme : « J’ai occupé tous les postes. Je ne recherche rien d’autre que l’intérêt national ».

Le soldat le plus décoré du pays

C’est au sein de l’armée israélienne qu’Ehud Barak débute une carrière qui le conduira aux postes les plus prestigieux tant militaire que politique. Celui dont le nom signifie « éclair » connaîtra ses principaux faits d’armes au sein de la « sayeret matkal », l’unité d’élite de l’état-major. En mai 1972, il dirige entre autre le commando qui donne l’assaut, sur l’aéroport de Lod, à un avion de la compagnie belge Sabena, détourné par des Palestiniens. Au sein de ce commando se trouve Benyamin Netanyahu. De là date sans doute le respect mutuel que se portent les deux hommes qui vont désormais cohabiter au sein du même gouvernement.

Au fil des années, il gravit les échelons de la hiérarchie militaire. En 1982, alors général, il est promu commandant adjoint des forces israéliennes au Liban engagées dans l’opération « Paix en Galilée ».  Cette invasion du Liban, qui voit les Israéliens avancer jusqu’à Beyrouth et assiéger durant des semaines la ville, coûtera son poste au ministre de la Défense de l’époque Ariel Sharon. Mais le général Ehud Barak échappera aux critiques les plus virulentes de l’opinion publique. En ce milieu des années 1980, l’idée d’une négociation politique avec les Palestiniens n’est encore qu’une lointaine perspective.

En 1987, à la suite d’un banal accident de la circulation impliquant un colon juif dans la bande de Gaza, éclate la première Intifada. L’Etat hébreu entend réprimer rapidement ce soulèvement et poursuit une politique d’élimination des principaux responsables de l’Organisation de Libération de la Palestine. C’est dans ce cadre que le commando de l’état-major assassine en 1988 à Tunis le numéro deux de l’OLP, Abou Jihad. Une opération qui aurait été supervisée par Ehud Barak devenu chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne.

En janvier 1995, il franchit la dernière étape d’une brillante carrière militaire pour devenir le quatorzième chef d’état-major de l’armée. Quelques mois plus tard, il quitte l’uniforme et entre, comme nombre de militaires avant lui, en politique

Dans l’ombre d’Ytzhak Rabin

C’est au sein du Parti travailliste et alors qu’Israël et les Palestiniens ont concrétisé depuis un an des accords négociés en secret en Norvège qu’Ehud Barak va entamer une ascension qui va le conduire là encore aux fonctions les plus élevées. Il sera entre autre ministre des Affaires étrangères, nommé quelques jours après l’assassinat de l’un de ses principaux mentors, Ytzhak Rabin. Partisan du processus de paix avec les Palestiniens, il affiche pourtant une méfiance à l’égard des dirigeants de l’Autorité palestinienne. Il estime ainsi que « les Palestiniens sont comme des crocodiles. Plus vous leur donnez de viande, plus ils en veulent ». Une métaphore pour laisser penser que les concessions faites par l’Etat hébreu sont toujours jugées insuffisantes par la partie palestinienne.

C’est d’ailleurs cette théorie que soutiendra Ehud Barak lorsque, devenu Premier ministre, il mènera des pourparlers avec Yasser Arafat sous l’égide de Bill Clinton. Négociations qui échoueront alors que le président américain s’apprête à céder la place à George Bush. Quelques années plus tard des participants américains à cette rencontre de Camp David reconnaîtront que l’échec des pourparlers incombait également aux Israéliens. 

Seule note positive, du moins dans un premier temps, le retrait unilatéral des troupes israéliennes qui occupent le sud du Liban. Une décision qui lui sera lourdement reprochée lorsqu’Israël interviendra à l’été 2006 pour mettre un terme à l’implantation et au réarmement du Hezbollah dans cette zone proche de la frontière de l’Etat hébreu.

Chef d’un parti en déroute

En 2001, quelques mois après l’échec de Camp David, Ehud Barak est sévèrement battu aux élections et doit céder son poste de Premier ministre à Ariel Sharon qui a quitté le Likoud pour créer le parti Kadima. En dépit de ce revers électoral, Ehud Barak poursuit sa carrière politique. En 2007, il prend la présidence du parti et effectue parallèlement son retour au sein d’un gouvernement dirigé par le chef de file de Kadima Ehud Olmert. Il y occupe les fonctions de ministre de la Défense et de vice-Premier ministre.

A l’unisson des dirigeants israéliens, il affirme que « l’Iran constitue pour Israël la plus sérieuse menace à long terme ». Dans le même temps, il soutient une intervention militaire dans la bande de Gaza pour tenter de mettre un terme aux tirs de roquettes palestiniennes vers le sud d’Israël. Cette intervention redonne une certaine crédibilité au chef de file du Parti travailliste. Elle sera néanmoins insuffisante pour éviter à son parti la plus sévère défaite de son histoire aux élections législatives.

Le Parti travailliste ne dispose plus désormais que de 13 députés sur les 120 que compte la Knesset. Et après avoir affirmé, au soir des résultats, « ne pas craindre d’être dans l’opposition », Ehud Barak finit par accepter un accord avec Benyamin Netanyahu. Il conservera donc son poste de ministre de la Défense et assure « qu’après avoir occupé en Israël toutes les fonctions militaires et politiques les plus importantes, je ne recherche que l’intérêt national ».

Reste désormais à savoir si cet intérêt justifiait d’intégrer le gouvernement le plus à droite qu’ait jamais connu l’Etat hébreu.

A lire sur le même sujet

Israël

Ehud Barak doit encore convaincre dans son propre camp les adversaires d'une coalition.( Photo : Uriel Sinai / Reuters )

Accord de coalition en vue entre le Likoud et les travaillistes

24/03/2009 à 15:12 TU