Article publié le 15/05/2009 Dernière mise à jour le 15/05/2009 à 10:59 TU
Selon des résultats publiés le 14 mai par l’Institut d’analyses légales des Pays-Bas, les déchets déversés par le Probo Koala à Abidjan contenaient au moins deux tonnes de sulfure d’hydrogène. Ce composé de soufre et d’hydrogène, considéré comme un poison, peut provoquer la mort après inhalation. C’est un nouvel élément, sans doute crucial, dans les deux procès intentés à Londres et à Amsterdam contre Trafigura, la société de négoce international qui avait affrété le navire.
Le Probo Koala à bord duquel sont arrivés, en 2006, les déchets toxiques déversés dans la région d'Abidjan.
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Amsterdam, Sabine Cessou
Les résultats de ces premières analyses scientifiques sont formels : au moins deux tonnes de sulfure d’hydrogène étaient présents à bord du Probo Koala, ce cargo dont les eaux usées ont été déversées à ciel ouvert, le 19 août 2006, à travers 18 différents sites d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne. La cale du Probo Koala ne contenait donc pas 581 tonnes de banales eaux usées de nettoyage de cargo, un mélange d’eau, de résidus de pétrole et de soude caustique. Un mélange inoffensif, répète la société de négoce Trafigura, depuis le début d’un scandale qui aurait fait au moins 10 morts à Abidjan.
La présence d’hydrogène sulfuré explique l’odeur fétide d’œuf pourri qui se dégageait déjà de la cargaison, le 2 juillet 2006, quand elle a été déchargée une première fois dans le port d’Amsterdam. Amsterdam Port Services (APS), la société de traitement des déchets du port d’Amsterdam, constatant la nature suspecte de ces déchets et les malaises éprouvés par ses employés, n’avait alors accepté de traiter ces eaux usées qu’au prix fort. Une demande rejetée par Trafigura, qui avait préféré repomper le liquide à bord du Probo Koala – avec l’aval des autorités portuaires d’Amsterdam, aujourd’hui en cause. Trafigura avait ensuite négocié un meilleur prix avec une petite société ivoirienne de traitement de déchets, moins regardante et moins expérimentée.
Un revers très sérieux pour Trafigura
Le sulfure d’hydrogène, naturellement présent dans le pétrole, le gaz naturel et les gaz volcaniques, peut aussi être généré par diverses activités industrielles, comme le traitement des eaux usées ou les raffineries de pétrole. « Ce gaz est mortel », explique le toxicologue néerlandais John Hoskins, interrogé par la radio néerlandaise Wereld Omroep. « Quand un composé aussi volatile est déversé parmi une concentration humaine, c’est comme si on mettait ces gens dans une chambre à gaz environnementale », poursuit-il. Les personnes exposées à des concentrations moins fortes de sulfure d’hydrogène peuvent souffrir d’irritations des yeux, de la gorge, avoir une toux douloureuse et le souffle diminué…
A long terme, les personnes ayant inhalé ce gaz peuvent éprouver de la fatigue, perdre l’appétit, avoir des maux de tête, perdre la mémoire et subir des vertiges. Autant de symptômes dont se sont plaints les 100 000 habitants d’Abidjan résidant près des sites où les déchets du Probo Koala ont été déversés. Ces victimes se sont réunies dans un collectif de 30 000 personnes pour poursuivre Trafigura en justice à Londres, où se trouve le siège social de cette société.
Les analyses scientifiques des Pays-Bas ont été faites à partir de prélèvements opérés à Abidjan. Elles ont été ordonnées par la justice néerlandaise, dans le cadre d’un autre procès qui s’est ouvert en juin 2008 à Amsterdam contre Trafigura, le capitaine du Probo Koala, la ville d’Amsterdam et la société de traitement de déchets qui opère dans le port d’Amsterdam. Autant de personnes morales et physiques qui vont devoir répondre de leur responsabilité, à des degrés divers, dans le scandale du Probo Koala. Trafigura est notamment accusée par le parquet néerlandais d’avoir falsifié des documents officiels et procédé à une exportation illégale de déchets toxiques.
C’est un revers très sérieux pour Trafigura, qui dément toute infraction depuis le début de l’affaire, et demande aux victimes de « prouver » qu’elles ont bien été intoxiquées par les eaux usées du Probo Koala. Cet élément de preuve, aujourd’hui, pourrait tout changer pour les victimes.
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