par Nicolas Falez
Article publié le 19/05/2009 Dernière mise à jour le 19/05/2009 à 21:04 TU
Samuel Ghiles Meilhac est chercheur à l’IRIS ( Institut des relations internationales et stratégiques ) et à l’EHESS ( Ecole des hautes études en sciences sociales ) à Paris.
Emmanuel Navon est professeur de Relations internationales à l’Université de Tel Aviv.
Le président américain (d) et le Premier ministre israélien (g) dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, le 18 mai 2009.
(Photo : Reuters)
Emmanuel Navon : Cette rencontre a été préparée avec beaucoup de soin par les conseillers respectifs du président américain et du Premier ministre israélien. Par conséquent, on a évité une situation embarrassante de désaccord publique entre les deux dirigeants.
Samuel Ghiles Meilhac : L’unique priorité du Premier ministre israélien c’est le nucléaire iranien. Le conflit israélo-palestinien est secondaire. Alors que Barack Obama a dit tout au long de la conférence de presse que les deux questions doivent être menées de front.
RFI : Que sait-on des intentions de Barack Obama ?
Samuel Ghiles Meilhac : Elles devraient prendre corps le 4 juin prochain au Caire. Ce jour-là, dans la capitale égyptienne, le président des Etats-Unis pourrait annoncer les grandes lignes d’un nouveau plan de paix. Est-ce que Barack Obama exigera d’Israël l’arrêt complet de la colonisation ? Est-ce qu’il exigera du gouvernement israélien qu’il s’engage publiquement en faveur d’un Etat palestinien, c’est toute la question.
Emmanuel Navon : Le président Obama proposera une approche régionale : une normalisation entre le monde arabe et Israël assortie de la reconnaissance par Israël d’un Etat palestinien. Mais il faut aussi que la pression s’exerce sur les Palestiniens pour qu’ils renoncent au droit au retour (des réfugiés).
RFI : Benyamin Netanyahu peut-il faire des concessions ?
Samuel Ghiles Meilhac : La question s’est posée dès la formation du gouvernement issu des élections législatives de février dernier . Benyamin Netanyahu est coincé entre l’allié stratégique américain et sa coalition composée de partis de droite, d’extrême-droite et de religieux.
Emmanuel Navon : La coalition de Benyamin Netanyahu est éclectique. Aujourd’hui elle inclut le Parti travailliste favorable à une solution à deux Etats. C’est vrai qu’il y a aussi le parti Israël Beitenou d’Avigdor Lieberman mais il ne s’oppose pas idéologiquement aux compromis territoriaux. La question est plutôt de savoir si les conditions sont aujourd’hui réunies pour faire des concessions.
RFI : La « relation spéciale » entre Israël et les Etats-Unis est-elle fragilisée ?
Samuel Ghiles Meilhac : Pour la première fois, on assiste à de véritables craquements dans la relation spéciale qui unit Israël aux Etats-Unis depuis une quarantaine d’années. On est à un moment où l’agenda diplomatique des Etats-Unis est contradictoire avec celui d’Israël. La priorité américaine, c’est la réconciliation avec le monde arabo-musulman et cette réconciliation passe par des avancées diplomatiques dans le dossier israélo-palestinien. Mais il faut aussi considérer les différentes strates du pouvoir américain : il peut se produire, comme dans le passé, que des parlementaires américains s’expriment pour défendre la position israélienne. Et là, il peut y avoir une dissonance entre la politique que veut mener le président américain et les autres échelons du pouvoir.
Emmanuel Navon : Cette relation a connu beaucoup de hauts et de bas. Avec des bas pendant la présidence de Jimmy Carter ou de Bush-père. Je ne pense pas que nous sommes dans une phase de confrontation. Il y a un courant aux Etats-Unis qui remet en cause cette alliance avec Israël. Reste à savoir quelle est aujourd’hui l’influence réelle de cette tendance.
RFI : L’Iran est-il la clé ?
Samuel Ghiles Meilhac : Le point positif pour Benyamin Netanyahu, c’est ce calendrier : Barack Obama se donne jusqu’à la fin 2009 pour faire aboutir les discussions avec les Iraniens. Pour les Israéliens, cela veut dire que si les négociations n’aboutissent pas alors l’option militaire sera de nouveau sur la table.
Emmanuel Navon : Beaucoup dépendra des résultats obtenus par l’administration américaine dans son dialogue avec l’Iran. Malheureusement, nous avons des raisons de ne pas être optimistes.
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