par RFI
Article publié le 20/05/2009 Dernière mise à jour le 21/05/2009 à 13:04 TU
Albadé Abouba : Le président ne touchera pas à la Constitution parce qu’il y a la proposition d’une nouvelle Constitution. Donc, je ne vois pas en quoi on peut reprocher au président de la République, Tandja Mamadou d’avoir violé les dispositions de la Constitution actuelle dès lors que la changer, c’est proposer au peuple une nouvelle Constitution qui lui est loisible d’accepter ou de rejeter.
RFI : Oui, mais les adversaires du projet disent que : « Vous jouez sur les mots et que vous faites quelque chose de pire qu’une modification : vous annulez la Constitution actuelle ».
Albadé Abouba : Mais, nous ne jouons pas sur les mots. Et puis, de toute façon, la même Constitution a annulé aussi quatre autres Constitutions, à ce que je sache. Maintenant, ceci étant, le président Tandja n’a jamais rien demandé à personne. Ce n’est pas du président Tandja qu’est venue l’idée de prolonger son mandat. C’est à l’occasion de la pose de la première pierre de la raffinerie de Zinder que la population de Zinder est sortie massivement. Et à l’occasion, ils ont exprimé leurs vœux de voir le président Tandja continuer son mandat.
Les populations reconnaissent que le président a bien travaillé. Et le président a engagé des chantiers qui sont exceptionnellement importants pour l’Etat nigérien. Et c’est tout à fait normal qu’ils lui reconnaissent ses qualités. Il vaut mieux qu’ils lui reconnaissent de son vivant que de lui faire une belle apologie funèbre après sa mort, comme cela s’est vérifié avec ses prédécesseurs. Ils ont exprimé le vœu que le président Tandja continue son mandat.Mais il est évident qu’à travers la Constitution actuelle, c’est quasiment impossible. Et tel qu’il a prêté son serment, il n’a pas voulu violer son serment. Par contre il dit, « puisque c’est ce que vous voulez, exprimez-le à travers un autre texte. Mais celui-là sur lequel j’ai prêté serment, je ne le toucherai pas ». Donc voilà, l’idée sur laquelle est partie l’élaboration de la nouvelle Constitution qui va être soumise au référendum et à la sanction du peuple.
RFI : Les adversaires du kazartche (continuité en langue haoussa) sont d’autant plus choqués par l’initiative du président que celui-ci avait juré sur le Coran qu’il ne toucherait pas à la Constitution.
Albadé Abouba : Oui, mais c’est réel, il a juré sur le Coran. Alors, comment, lui qui a juré sur le Coran, peut-on lui prêter des intentions de parjure, par ceux-là même qui n’ont jamais juré sur rien du tout. C’est lui qui est conscient de l’importance du serment qu’il a prêté. Et c’est pour cela qu’il a dit qu’il ne touchera pas à la Constitution, telle qu’en tout cas, on lui a soumise.
RFI : Mais pouvez-vous dire qu’en annulant cette Constitution, il ne touche pas à celle-ci ?
Albadé Abouba : Oui, mais on ne l’annule pas, on la remplace. Je crois qu’il y a quand même une certaine nuance.
RFI : Est-ce qu’on ne joue pas sur les mots ?
Albadé Abouba : Mais la Constitution en elle-même, c’est un ensemble de mots.
RFI : Au niveau régional, la Cedeao dit que le Niger ne respecte pas un protocole qu’il a signé il y a huit ans qui interdit de modifier la Constitution dans les six mois qui précèdent un scrutin.
Albadé Abouba : Mais je pense que l’institution en tant que telle, par principe effectivement, elle peut exprimer ses préoccupations. Mais nous connaissons très bien les pays qui composent la Cedeao et nous savons l’histoire de chacun de nos pays. Donc, à ce niveau, je pense qu’il vaut mieux d’abord balayer suffisamment devant sa porte avant de s’occuper de celle du voisin.
RFI : Voulez-vous dire qu’il y a des arrière-pensées politiques de la part de vos voisins ?
Albadé Abouba : C’est possible.
RFI : Et à quels pays pensez-vous en particulier ?
Albadé Abouba : Laissez-moi ne pas vous répondre sur ce point.
RFI : Des pays francophones ?
Albadé Abouba : Cela n’a aucune importance.
RFI : Sur le fond, Monsieur le ministre, pourquoi le président tient-il absolument à briguer un troisième mandat ?
Le président nigérien Mamadou Tandja a procédé le 5 novembre 2007 à la pose de la première pierre donnant ainsi le coup d’envoi de la construction du deuxième pont à Niamey.
(Photo : site officiel de la présidence de la République du Niger)
RFI : Alors qu’est-ce qu’il y a dans ce projet de texte ? Il y a l’idée qu’on aille à une élection présidentielle en novembre prochain pour que le président brigue un troisième mandat ou il y a l’idée que le président prolonge son mandat actuel et qu’on ne vote pas avant 2011 ou 2012 ?
Albadé Abouba : Il y a deux options qui sont proposées. Je préfère voir d’abord à travers les débats au niveau des différentes régions, pour voir l’option qui a été retenue et nous retiendrons la formule que la majorité des populations nous aura suggérée.
RFI : Et vous, personnellement, quelle est la formule que vous préférez ?
Albadé Abouba : Moi je préfère la formule que retiendra la majorité de la population et la majorité de nos militants.
RFI : Et quelle sera à votre avis cette formule ?
Albadé Abouba : Je pense très sincèrement que formule de prolongation du mandat serait la mieux indiquée pour la bonne et simple raison que cela répondrait aux vœux exprimés et cela permettrait en deux ou trois ans au président de parachever ses œuvres qu’il a déjà initiées.
RFI : Et dans ce scénario, on ne voterait pas à la fin de cette année mais en 2011 ou en 2012 ?
Albadé Abouba : oui, c’est une hypothèse aussi.
RFI : Mais monsieur le ministre, est-ce que vous ne craignez pas que les oppositions soient si fortes lors de ce référendum que vous le perdiez ?
Albadé Abouba : Si nous perdons le référendum, nous en tirerons les conséquences. C’est cela aussi la démocratie. Et je pense le fait de perdre un référendum ce n’est pas une honte mais seulement il faut également militer, sensibiliser les populations pour la portée historique de cette consultation puisqu’à la limite, ce sont ces mêmes populations qui l’ont suggérée.
RFI : L’opposition envisage l’hypothèse qu'on n’aille même pas jusqu’à ce référendum et qu’entre temps le président comparaisse devant la Haute cour de justice pour trahison. Qu’en pensez-vous ?
Albadé Abouba : Oui, mais, il aura trahi qui ? Sur quelle base ? Parce que c’est très facile d’utiliser des gros mots. Mais le président n’a pas violé la Constitution. Le président n’a pas commis de parjure. Je ne vois pas en vertu de quoi quelqu’un va se proposer de déférer le président devant la Haute cour de justice. Et en plus, il faut que les gens soient un peu réalistes. Certains justement qui le déclarent, eux , ils ont déjà violé la Constitution. Et si tentés que les articles de la Constitution se valent, quel sort il faut leur réserver ? Est-ce qu’ils se sont posé la question ?
RFI : Albadé Abouba, d’anciens alliés du président comme Adamou Djermakoye disent que jusqu’à présent, Mamadou Tandja a fait un quasi sans fautes et qu’il a été le garant de l’unité nationale mais que maintenant il va diviser le pays ?
Albade Abouba : Je connais très bien le président Adamou Djermakoye. IL a de très grandes qualités. Et l’une de ses principales qualités aussi c‘est de dire le contraire de ce qu’il pense.
RFI : mais tout même, il y a eu plusieurs dizaines de milliers de Nigériens dans la rue. Il y a deux semaines pour protester contre le nouveau projet du président, est-ce que de fait ce projet ne va pas provoquer une cassure dans le pays ?
Albadé Abouba : Non, je ne pense pas. Le fait d’exprimer ses appréciations ou ses opinions par rapport à une situation donnée, cela ne peut pas être fondamentalement l’origine d’une fracture ou d’une division de la communauté nationale. Sauf ceux qui dès le départ, auraient des arrière-pensées pour d’autres objectifs.
RFI : est-ce que vous ne craignez pas qu’au terme d’une situation chaotique, l’armée sorte de ses casernes ?
Albadé Abouba : Nous ne pouvons présager de rien mais ce qui est certain c’est que l’armée nigérienne fait la démonstration de ses qualités d’armée républicaine. L’armée nigérienne sait pertinemment tous les efforts que le gouvernement et particulièrement le président Tandja a consacrés pour lui redorer le blason et la mettre dans les conditions optimales de fonctionnalité.
Mais il y a effectivement toujours des semeurs en eau trouble, donc des gens qui seraient tentés plus ou moins de faire des appels du pied à l’armée. Nous le savons. D’autres auraient même pris des contacts avec un certain nombre ce personnes. Mais qu’à cela ne tienne. Je pense que l’armée nigérienne dans sa globalité a toujours démontré sa loyauté aux institutions de la République. C’est un arbitre effectivement mais nous, nous avons la responsabilité de ne pas justement créer les conditions de chaos pour ouvrir les portes à l’intervention de l’armée.
RFI : Qui sont ces hommes qui ont pris contact avec l’armée ?
Albadé Abouba : Laissez l’histoire les dévoiler toute seule.
RFI : Jusqu’à présent, la CDS de Mahamane Ousmane et l’ANDP d’Amadou Djermakoye étaient de votre côté, aujourd’hui, ils s’opposent au kazartche à votre projet, est-ce que vous n’allez pas vous retrouver très isolé ?
Albadé Abouba : Non. A priori , les partis politiques en tant que tels, je pense que , même en leur sein, le débat est ouvert et je sais de quoi je parle. Je pense qu’un parti comme la CDS, un parti très démocratique où les opinions sont très bien exprimées. Je pense que c’est le manque d’information et le manque de communication et le manque surtout de disposer de documents qui avait fait peut être précipiter certains dans des déclarations. Peut être beaucoup d’entre eux regrettent à la limite de les avoir diffusées.
RFI : Au sein de votre parti, il y a aussi les partisans de Hama Amadou qui sont contre ce projet, est ce que cela ne vous affaiblit pas ?
Albadé Abouba : Non, je pense que c’est leur droit aussi d’exprimer autrement leur sentiment. C’est peut être aussi un déficit de communication. Dans tous les cas, il y aura toujours des détracteurs et des adversaires. Mais c’est cela même qui fait un peu la saveur de la démocratie.
RFI : est-ce que tout cela n’est pas une aventure politique très risquée ?
Albade Abouba : Mais la politique par définition, c’est des risques permanents qu’il faut courir. Mais ce n’est pas de l’aventurisme non plus. Je pense qu’il y a nuance.
RFI : Mais vous êtes sûrs de gagner ?
Albadé Abouba : Nous ne soumettons pas un référendum pour perdre. Nous espérons et souhaitons de gagner.
RFI : Mais vous êtes sûrs ?
Albadé Abouba : On n’est jamais sûr de rien en politique mais nous espérons. Et nous sommes optimistes, nous pensons que le référendum ou la prochaine Constitution seront votés.
Entretien réalisé par Christophe Boisbouvier de RFI
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