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Corée du Sud

L’ancien président Roh Moo-hyun voulait mourir pour échapper aux pressions

par Stéphane Lagarde

Article publié le 24/05/2009 Dernière mise à jour le 24/05/2009 à 09:48 TU

Un portrait de l’ancien président Roh Moo-hyun exposé lors de ses obsèques, samedi 23 mai.(Photo : Reuters)

Un portrait de l’ancien président Roh Moo-hyun exposé lors de ses obsèques, samedi 23 mai.
(Photo : Reuters)

L’ancien président de la République de Corée du Sud de 2003 à 2008 s’est apparemment donné la mort, samedi, en sautant dans un ravin proche de son domicile. Agé de 62 ans, Roh Moo-hyun dont une partie de la famille est soupçonnée d’être impliquée dans un scandale de corruption avait laissé un mot à l’attention de ses proches ne cachant pas son désespoir et sa « honte ».

Les téléviseurs « pleurent » et la Corée est sous le choc. A l’annonce de la nouvelle, les principales chaînes du pays ont interrompu leurs programmes reprenant les mots employés par l’ancien chef du secrétariat présidentiel : « Le président Roh a sauté d’un rocher, dans la montagne derrière le village de Bongha. » Premier président sud-coréen à retourner dans son village natal après la fin de son mandat en février 2008, Roh Moo-hyun était un habitué de ces promenades sur le mont Ponghwa situé à 200 mètres de son domicile.

Le drame est survenu à 6h40, juste avant l’arrivée des premiers randonneurs. L’ancien chef de l’Etat a demandé une cigarette à son garde du corps, puis il a disparu dans le ravin devant lui, effectuant une chute de près de 30 mètres. Selon un responsable de l’hôpital de Pusan (deuxième ville du pays) où son décès a été prononcé, la mort a été provoquée par des blessures à la tête. 

« La vie et la mort ne font qu’un ».

Pour bon nombre de ses partisans rassemblés samedi après-midi au centre de Séoul, il ne fait aucun doute que cette mort est liée aux pressions médiatiques et surtout judiciaires que subissait l’ancien avocat devenu président. « Je ne peux même plus lire de livres », aurait écrit Roh Moo-hyun dans une note laissée à l’attention de ses proches et citée par la télévision publique KBS. Ne soyez pas tristes, la mort et la vie ne sont-elles pas la même chose ? Incinérez-moi ! » Ce désespoir affiché fait suite aux poursuites judiciaires engagées contre une partie de sa famille.

La mort de Roh Moo-hyun survient le jour même où son épouse devait se présenter à nouveau devant les enquêteurs. L’ex-Première Dame, son fils, ainsi que l’une de ses nièces sont soupçonnés par la justice d’avoir perçu des versements jusqu’à 6 millions de dollars de la part d’un riche fabricant de chaussures. Son frère aîné a été incarcéré pour la même affaire. Le mois dernier, Roh lui-même avait été invité à répondre aux questions des enquêteurs autour de ce scandale devenant alors le troisième président sud-coréen convoqué par le Parquet, après les anciens généraux Chun Doo-Hwan et Roh Tae-woo, condamnés à mort en 1995, suite à une affaire de pots-de-vin et finalement graciés en 1997. Un interrogatoire qui a profondément marqué celui qui s’était fait élire en 2003, sur un programme anti-corruption justement ! Le 22 avril dernier, l’ancien chef de l’Etat n'avait cessé d’écrire sur son blog personnel : « J’ai honte face à mes concitoyens, disait-il, (…) je suis désolé de vous avoir déçu ».

« Monsieur Propre »

Preuve que l’ex-président a conservé une certaine popularité, les messages de sympathie des internautes n’ont pas cessé d’affluer toute la journée sur le site présidentiel. Sur la page d’accueil, où désormais défile un bandeau noir, certains évoquent les réformes entreprises sous sa présidence. Ancien défenseur des droits de l’homme, Roh Moo-hyun est issu d’un milieu pauvre, ce qui lui a valu d’être très populaire, notamment parmi les plus jeunes. C’est en partie la jeune génération qui a contribué à son élection grâce à un soutien massif via des « textos » envoyés sur les téléphones portables. 

Roh Moo-hyun se place dans la droite ligne de la politique de son prédécesseur Kim Dae-jung. Il restera comme celui qui a contribué à renforcer le système de protection sociale et surtout comme l’un des artisans du rapprochement avec Pyongyang suite à la tenue du deuxième sommet inter-coréen en octobre 2007. Menacé par une procédure d’« impeachment » quelques mois après son élection, l’ancien « Monsieur Propre » autoproclamé de la politique coréenne a vu sa popularité s’effriter en fin de mandat. Déchiré entre ses idéaux et l’amer réalité de la politique, l’ancien président de centre-gauche sera rapidement confronté à ses propres faiblesses. Jugé incapable sur les dossiers économiques par les milieux d’affaires, confronté à l’envolée du chômage chez les jeunes, sa politique est au final sanctionnée par un retour au pouvoir des conservateurs.

L’actuel président, Lee Myung-bak s’est d’ailleurs employé depuis son arrivée à la tête de l’Etat à faire tout le contraire de son prédécesseur en matière économique et diplomatique. Déplorant un « incident triste et tragique » le président Lee a toutefois demandé à son gouvernement de préparer des funérailles « avec le respect et conformément au protocole prévu pour un ancien président. »

Selon de nombreux éditorialistes, cette disparition aura de toute façon des conséquences sur la vie politique sud-coréenne. Sans même attendre les régionales de 2010, « son décès devrait accentuer la sympathie pour les partis libéraux, sapant le soutien de l’actuel gouvernement conservateur », estime ainsi le directeur de l’Institut pour le leadership présidentiel cité par l’AFP. Il pourrait aussi contribuer à renforcer l’influence des syndicats, en pleine bataille sur le projet de réforme du droit du travail.     

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