par Nicolas Falez
Article publié le 28/05/2009 Dernière mise à jour le 28/05/2009 à 21:47 TU
Zahra Rahnavard (d), épouse de l'ancien Premier ministre iranien Mir Hosein Musavi, devant les sympathisants du candidat présidentiel dans un stade à Téhéran, le 23 mai 2009.
(Photo : Reuters)
« J’aimerais savoir pourquoi ils n’ont pas qualifié une seule femme », s’interroge Fatemeh Karoubi, à propos des quarante-deux candidatures féminines écartées par le Conseil des Gardiens de la Constitution, l’organe chargé de faire le tri parmi les « candidats à la candidature », pour les élections en Iran.
A 63 ans, Fatemeh Karoubi participe activement à la campagne de son mari, Mehdi Karoubi. Elle fut vice-ministre des Affaires sociales à l’époque du président réformateur Mohammed Khatami et dirige aujourd’hui un journal féminin. Fatemeh Karoubi s’indigne ouvertement de certaines inégalités dont les Iraniennes sont victimes, fustigeant un système dirigé par des hommes qui sont les seuls « censés rapporter l’argent au foyer et qui n’engagent donc pas de femmes à des postes de responsabilité ».
Autre femme, autre épouse, autre militante : Zahra Rahnavard, mariée à Mir Hossein Mousavi, le deuxième candidat appuyé par la mouvance réformatrice (il a notamment reçu le soutien de l’ancien président Khatami). Après la Révolution de 1979, Zahra Rahnavard fut la première femme nommée doyenne d’une université iranienne « et c’est le président Ahmadinejad qui l’a fait limoger », raconte la chercheuse Azadeh Khian, professeure de sociologie politique à l’Université Paris VII. Récemment, Zahra Rahnavard a condamné les opérations de police visant des femmes jugées « mal voilées » au regard de la législation iranienne (imposant le foulard islamique à toutes les femmes) : « c’est la forme la plus laide et la plus grossière de condescendance envers les femmes », explique-t-elle.
L’enjeu de la participation
Deux femmes en première ligne, donc. Portant le message de leurs maris-candidats à l’électorat féminin, à savoir : même dans le cadre de la République islamique il y a une marge de manœuvre pour l’amélioration de la situation des femmes en Iran. « C’est une première et cela montre un changement dans la société iranienne », note l’universitaire Azadeh Khian. Au-delà de ce message, il y a aussi l’enjeu de la participation.
En effet, la plupart des observateurs notent qu’un taux de participation bas favorise le camp des « durs », incarné par Mahmoud Ahmadinejad et Mohsen Rezai. Alors qu’une participation élevée draine le vote des Iraniens les moins favorables à l’idéologie de la République islamique et donc plutôt enclins à voter pour l’ouverture et les réformes que prônent Mir Hossein Mousavi ou Mehdi Karoubi. Un phénomène observé lors des derniers scrutins : « En 1997 les femmes ont voté massivement pour Mohammed Khatami », explique Azadeh Khian « et en 2005, c’est leur désaffection qui a permis la victoire de Mahmoud Ahmadinejad ».
Quatre années qui ont été marquées par le recul du droit des femmes. « En deux ans, plus de cent femmes qui ont participé à la campagne pour l’égalité des droits ont été condamnées à des peines de trois mois à quatre ans de prison ferme » , déplorait l’avocate iranienne et prix Nobel de la Paix Shirin Ebadi dans une récente interview au journal Le Monde. Une période également marquée par un projet de loi contesté pour la protection de la famille, « en réalité pour la protection des hommes », note la spécialiste Azadeh Khian avant d’ajouter que « la mobilisation des femmes, islamistes comme laïques a permis d’empêcher que ce projet devienne réalité ».
« L'électorat féminin a une place prépondérante dans les élections en Iran. »