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Iran

Face à la censure, l'opposition s'organise sur Twitter

par Géraud Bosman-Delzons

Article publié le 16/06/2009 Dernière mise à jour le 17/06/2009 à 09:17 TU

Internet reste la principale échappatoire vers une certaine réalité des évènements en cours depuis samedi en Iran. Les opposants à Mahmoud Ahmadinedjad, qui contestent les résultats de l’élection présidentielle de vendredi, ont envahi la Toile pour alerter l’opinion publique mondiale, laquelle leur apporte majoritairement son soutien. Twitter a même reporté une opération de maintenance dans la nuit de lundi à mardi pour laisser la tribune libre aux Iraniens. Revue d’un web en pleine ébullition.

Depuis les résultats donnant Mahmoud Ahmadinedjad vainqueur à plus de 60%, les évènements se sont accélérés en Iran. Et sur le world wide web par la même occasion. Vingt-trois millions d’Iraniens, sur une population totale de soixante-dix millions, ont accès à internet et entretiennent plus de 400 000 blogs.

Dans ce climat de violence sociale paroxystique, internet – et ses réseaux sociaux en particulier – joue un rôle moteur, drainant une opposition hétérogène bien décidée à demander des comptes à l'issue d'un scrutin pour le moins opaque.

Difficile à museler totalement et rapidement, réactif et interactif dans la transmission de l'information, le web a fonctionné à plein. Les clichés des premiers affrontements sont parvenus sans obstacles à la portée de tous.

Mais sitôt la victoire du candidat conservateur proclamée, le régime en place a cadenassé la couverture médiatique, à commencer par la presse iranienne. Reporters sans frontières dénonçait lundi la censure et la répression étatique, et dressait la liste des sites scellés par les Pasdarans (Gardiens de la Révolution). De nombreux journalistes et médias occidentaux, parmi lesquels la correspondante du Figaro, ont été interpellés, parfois violentés et expulsés. La BBC en farsi a été privée d’antenne.

Des partisans de Moussavi lors d'une grande manifestation dans les rues de Téhéran le 15 juin 2009.(Photo: AFP)

Des partisans de Moussavi lors d'une grande manifestation dans les rues de Téhéran le 15 juin 2009.
(Photo: AFP)

En parallèle, les réseaux sociaux, déjà actifs durant la campagne, se sont immédiatement mis en branle, au service de la nouvelle opposition, largement constituée d'étudiants, du pan réformateur et aisé de la société. Et donc mieux à même d’utiliser les nouvelles technologies. Ainsi la page de soutien de Mir Hossein Moussavi sur Facebook recensait-elle, mardi, près de 53 000 supporters, contre 2 700 pour Ahmadinedjad.

Les plus réactifs des internautes iraniens n’ont pas attendu la condamnation progressive de l’accès au web pour publier photos, vidéos et récits de ce dont ils étaient témoins à Téhéran.
Car déjà sur Flicker un certain DD/MM/YYYY constate amèrement : « Facebook had joined the list of other sites that had been blocked ». (Facebook a rejoint la liste des sites bloqués). Et pour cause, ce même internaute a vu sa dernière photo publiée dimanche 14…

Facebook et Youtube touchés par la censure

Nul besoin d’être un webmaster averti pour s’apercevoir que les vidéos et les images en provenance des rues persanes se sont raréfiées ces dernières 48 heures. Depuis samedi, le réseau de téléphonie mobile est partiellement brouillé, l’accès à internet censuré. Youtube et Facebook - bloqué le 24 mai dernier - ont été rendus inaccessibles. Certaines vidéos de la gigantesque manifestation de lundi ont pourtant réussi à s’afficher, en détournant les connexions classiques grâce à des serveurs alternatifs.

La direction de Facebook a fait savoir que certains des 150 000 utilisateurs avaient eu des difficultés à se connecter.

Plusieurs milliers de personnes ont rejoint les multiples groupes de where’s my vote ?, - les exaptriés iraniens s'interrogent sur ce qu'il est advenu de leur vote par procuration - une organisation qui appelle, entre autres, à des rassemblements dans les grandes métropoles du monde.

Des manifestants iraniens pro Mir Hossein Moussavi, à Francfort en Allemagne, se demandent ce qui est advenu de leur vote, 16 juin 2009.(Photo : Reuters)

Des manifestants iraniens pro Mir Hossein Moussavi, à Francfort en Allemagne, se demandent ce qui est advenu de leur vote, 16 juin 2009.
(Photo : Reuters)

Près de 20 000 internautes ont adhéré au groupe de Tehranbureau. La diaspora iranienne y est bien sûr massivement présente, mais pas seulement.

Jusqu'à lundi, date du dernier « post », ce site d’informations était une plateforme active dans la couverture des élections. Ce week-end encore, il était entretenu par l’opposition aux résultats de l’élection présidentielle : « Téhéran, cette grande ville remplie d'espoir et d'optimisme un jour plus tôt, est aujourd'hui en partie paralysée par l'épuisement, le blocage des télécommunications et une certaine incrédulité. » (13 juin).

L’info « twitterisée »

C'est donc désormais sur Twitter que l’actualité tombe à flux tendu, seconde après seconde et de façon conçise (140 caractères maximum). Cet outil, classé parmi les réseaux sociaux, combine trois avantages : l’instantanéité du SMS, l’espace de diffusion du net, mais surtout l’accessibilité à tous à une même information. « Alerte : Moussavi maintenu. 17h », annonce un abonné, bravant l’interdiction des rassemblements.

Pour le sujet « iranelection », plus de cent tweets (gazouillis en français) déferlent chaque minute. A tel point que les administrateurs du réseau ont décidé de reporter une opération « critique » de maintenance de son site internet. Elle devait intervenir dans la nuit de lundi à mardi aux Etats-Unis, donc en plein jour en Iran. Elle a finalement eu lieu à 1h30, heure de Téhéran.

En quelques jours, Twitter est devenu le principal outil de communication des manifestants, mais également une alternative sérieuse, et même assez fiable, aux médias traditionnels bridés par la censure. Sur le site de micro-blogging, les internautes n’ont pas hésité à tancer la légèreté dont a fait preuve CNN dans la couverture des premières manifestations.

Les images choc des évènements affluent par centaines, renvoyant vers autant de sites ; des vidéos, parfois censurées, par Youtube cette fois, montreraient les victimes mortellement touchées par les Bassidjis. Information, propagande ? Un peu des deux probablement.

Encore relativement accessible à Téhéran, Twitter est devenu un creuset – à ne pas surestimer cependant – pour les déçus et les farouches contestataires du scrutin incriminé.

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