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Madagascar/Entretien

Andry Rajoelina : «Je ne suis pas assoiffé de pouvoir»

Article publié le 24/06/2009 Dernière mise à jour le 24/06/2009 à 18:08 TU

Dans une interview exclusive accordée à RFI, le président de la haute autorité de transition évoque longuement le cas du chef de l’Etat déchu Marc Ravalomanana, non sans ambiguïté. Il assure qu’il pourrait le « gracier », tout en l’accusant de vouloir reprendre le pouvoir par la force. Andry Rajoelina affirme que la Constitution sera réformée et « soumise au peuple ». Il n’écarte pas que cette révision lui permette d’être candidat à la présidentielle. L’intégralité de cet entretien est diffusée ce jeudi dans l’émission Médias d’Afrique, présentée par Alain Foka, à 13 h 33 TU en Afrique et 21 h 33 TU sur l’ensemble du réseau. A retrouver également sur rfi.fr.

Alain Foka : Pourquoi, dans la médiation en cours, n’acceptez-vous pas l’idée d’amnistie pour que le jeu politique soit ouvert ?

( Photo: AFP )

( Photo: AFP )

Andry Rajoelina : Vous savez, l’amnistie est un acte du pouvoir législatif. En tant que président de la haute autorité, je n’ai pas le droit de signer l’amnistie. Je ne suis pas contre l’amnistie mais il faut respecter les règles de l’art.  […] La communauté internationale nous a demandé de déclencher un processus pour que la gestion de la transition soit inclusive, participative et efficace. A ce moment-là, nous avons accepté de nous mettre autour d’une table afin qu’on puisse intégrer les autres et gérer la transition ensemble. Mais l’autre mouvance voulait qu’il rentre, qu’il soit amnistié et qu’il participe à l’élection. Mais ce n’est pas dans l’intérêt de la population. Alors, comme les intérêts personnels ont primé, la médiation a échoué.  […]

A.F. : Vous pouvez gracier Ravalomanana…  

A.R. : Je peux gracier Ravalomanana.

A.F. : Pourquoi ne le faites-vous pas ? 

A.R. : Je pourrais le faire. Je pourrais gracier le président mais il y a une grande différence entre l’amnistie et la grâce présidentielle.

A.F. : Allez-vous tripatouiller la Constitution afin de pouvoir avoir l’âge de vous présenter aux prochaines élections ?  

A.R. : La mission de la haute autorité de transition consiste à créer des conditions qui permettront d’asseoir les bases d’une IVème République, c’est-à-dire la réalisation d’élections libres, transparentes et équitables. Mais il faut d’abord passer par la Constitution. Donc nous allons organiser les assises nationales, couronnées par les assises régionales. Et à ce moment-là, c’est le peuple qui décidera de l’avenir de Madagascar.

A.F. : Monsieur le président, vous savez très bien si vous voulez être candidat ou pas, si vous allez retoucher la Constitution. On met beaucoup de choses sur le dos du peuple. Est-ce que vous serez candidat et est-ce que vous allez vous arranger pour modifier la Constitution ?  

A.R : La question n’est pas là. Ce qui est vraiment important pour nous, c’est la réussite de notre pays, le développement de Madagascar. […] Je ne suis pas du tout assoiffé de pouvoir. Etre président ou pas, être candidat ou pas, ce que je sais c’est que je veux participer pleinement au développement de notre pays. […] La Constitution sera modifiée. C’est clair. Parce que c’est la base même de la démocratie. Il y aura beaucoup de choses qui seront discutées à travers la Constitution, et pas seulement l’âge.

Hamad Makaïla (correspondant de Médias d’Afrique au Tchad) : Allez-vous repousser les échéances électorales comme en Côte d’Ivoire?

A.R. : […]  Lors de l’assise qui s’est déroulée, il y a un mois et demi de cela, nous avons réduit le délai de la transition de 24 mois à 17 mois, 18 mois. Nous sommes encore prêts à faire des efforts, mais il faut que la communauté internationale nous aide à organiser des élections libres, transparentes et qu’elles ne soient pas contestées par la population […] Notre souhait aujourd’hui est d’organiser des élections le plus tôt possible. Mais il faut d’abord passer par plusieurs étapes. […] On a parlé de la Constitution, qui est la source même du soulèvement populaire et de la contestation. […] Et pour changer la Constitution, il faut recueillir justement les revendications et les souhaits du peuple malgache. […] La seule solution pour dénouer la crise, et je l’ai toujours dit, ce sont les élections. Laissons le peuple choisir son président.

A.F. : Et permettre aussi à tout le monde de participer à ces élections ?

A.R. : Oui, mais justement la question est de savoir si celui qui a commis des actes criminels et qui a pillé la richesse du pays peut se présenter aux élections ? Je pose juste la question, et à tout un chacun de répondre. 

Salif Sanogo (correspondant de Médias d’Afrique au Mali) : Avez-vous peur des représailles si l’un de vos prédécesseurs revenait au pouvoir ?  

A.R. : Aujourd’hui, il y a des gens qui sont assoiffés de pouvoir, il y a des gens qui sont même prêts à venir reprendre le pouvoir avec des mercenaires, tout le monde en parle. Et monsieur Ravalomanana, c’est ce qu’il est en train de faire. Il est en train de téléphoner, d’appeler ses partisans qui se réunissent dans l’enceinte qui s’appelle Magro en centre-ville, et il leur dit qu’il sera bientôt de retour, avec des militaires, qu’il va bientôt reprendre le pouvoir. Ce qui est vraiment désolant dans tout cela, c’est qu’il est prêt à reprendre le pouvoir quitte à entraîner la guerre civile à Madagascar.