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Iran

Mahmoud Ahmadinejad investi mais contesté

par Monique Mas

Article publié le 05/08/2009 Dernière mise à jour le 06/08/2009 à 02:07 TU

Après les semaines de contestation qui ont suivi sa réélection le 12 juin dernier, après les manifestations de rues des réformateurs et les critiques en rafales des conservateurs, après une répression jugée exagérée - même en Iran - et une parodie de procès pour étayer sa théorie du complot international, Mahmoud Ahmadinejad a finalement reçu l’adoubement du guide suprême, Ali Khamenei. Il a prêté serment ce 5 août pour un deuxième mandat de président. Mais la cérémonie d’investiture a été glaciale. Et pas seulement en raison du raidissement occidental face à ses diatribes provocantes. Il a fini aussi par lasser en Iran où les ténors conservateurs et réformateurs de la République islamique se disputent le pouvoir.

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, lors de la cérémonie d'investiture, à Téhéran, le 5 août 2009.(Photo : Reuters)

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, lors de la cérémonie d'investiture, à Téhéran, le 5 août 2009.
(Photo : Reuters)

 
Mahmoud Ahmadinejad a dû se passer des messages de félicitations qui affluent généralement du monde entier en pareille occasion. De Washington à Berlin en passant par Londres, c'est la froideur qui a prévalu, sans vraiment démonter le « président élu » ainsi qu'il se trouve désigné par une diplomatie américaine marquant ostensiblement un service minimum. Comme à son habitude, Mahmoud Ahmadinejad a voulu retourner la situation à son avantage.

Une victoire en demi-teinte à défaut de plébiscite

D’après Mahmoud Ahmadinejad, la répugnance des Occidentaux à saluer son élection est une preuve supplémentaire du complot international qui explique selon lui la contestation de ses résultats à la présidentielle. Un score de presque 63%, trop beau pour être vrai, même si de l’avis des spécialistes, le populisme d’Ahmadinejad fonctionne encore suffisamment dans l’électorat populaire pour lui donner de bonnes chances de l’emporter. S’est-il risqué à bourrer les urnes pour pouvoir revendiquer un plébiscite ? Ses adversaires l’assurent.

C’est modestement vêtu, en fils de forgeron, mais le verbe haut du gardien de la Révolution, que Mahmoud Ahmadinejad sillonne les villes et les campagnes où il thésaurise le vote populaire en promettant que l’argent du pétrole va finir par améliorer l’ordinaire des Iraniens. Jusqu’à présent, le licencié es Transports de l'université de Téhéran est surtout parvenu à faire grimper l’inflation de quelque 23,6% dans un pays pétrolier où les prix de la sauce tomate montent aussi vite que ceux de l’essence et des produits raffinés qui manquent en permanence.

Son mentor, le guide suprême se fait distant

A défaut de pouvoir scier la branche Ahmadinejad à laquelle il s’accroche lui aussi depuis que le petit homme issu du peuple a fait la surprise à la présidentielle de 2005, le guide suprême, Ali Khamenei, a validé lundi 3 août sa réélection. « Je nomme cet homme courageux, travailleur acharné et intelligent à la présidence de la République », a-t-il déclaré en affirmant que « le vote ferme et sans précédent des Iraniens pour le président reflète leur approbation du bilan du gouvernement sortant ». Il a toutefois refusé à Ahmadinejad le baisemain d’allégeance.

Ali Khamenei a désormais des raisons de s’inquiéter du goût d’Ahmadinejad pour la provocation, mais aussi pour un pouvoir où il est assuré du concours des Gardiens de la Révolution, la milice idéologique du pays, et de leurs supplétifs Bassidji. Pour autant, la partie ne s'annonce pas non plus très facile pour Ahmadinejad qui a même dû écouter les conseils du guide suprême et renoncer au vice-président qu'il s'était choisi en juillet.

Ahmadinejad a dû accepter la démission du vice-président qu'il venait de nommer, Rahim Mashaie, le père de sa bru. Et c'est d'ailleurs pour ce népotisme bien plus que pour les propos conciliant de Mashaie vis-à-vis des peuples israéliens et américains que les conservateurs lui ont cherché querelle. Mais on sait que la partie de bras de fer n’est pas finie.

Théorie du complot et aveux télévisés

Avec ses bavures mortelles, la répression aussi a fini par porter ombrage à Ahmadinejad. Le guide suprême refusant d'assumer le déficit moral d'une brutalité un peu trop voyante qui a également touché certaines familles de dignitaires, Ahmadinejad a donc partiellement vidé les prisons. Plus d'une centaine de manifestants de l’opposition ont été relâchés tandis qu'une centaine d’anonymes et de politiciens réformateurs étaient déférés devant le tribunal révolutionnaire, le 1er août.

Dans une allusion explicite aux révolutions dites de velours qui ont marqué l’Europe de l’Est ces dernières années, le tribunal révolutionnaire a finalement produit un show-médiatique à usage interne et externe, à grand renfort d'aveux télévisés pour étayer la théorie du complot international qui sert de leitmotiv à Mahmoud Ahmadinejad. Ce procès des « traîtres à la nation » va reprendre le 6 août, au lendemain de son investiture.

Le vote de confiance n'est pas assuré

Ancien gouverneur de la province d'Ardebil (Nord-Ouest) devenu maire de Téhéran en 2003, Ahmadinejad n’a plus à démontrer son habileté à gravir les échelons d’une République islamique dont il revendique l’étendard. Mais dans les mosquées aussi, les Iraniens ont pu constater qu'Ahmadinejad irrite plus que de raison certains hommes de religion avec ses sorties enflammées de fou de Dieu laïc.

Boycotté par ses prédécesseurs réformateurs et contrarié par ses rivaux conservateurs, Mahmoud Ahmadinejad peut prendre pour argent comptant l’avertissement du guide suprême : « Les adversaires en colère et blessés vont, durant les quatre prochaines années, s'opposer au gouvernement ». Encore va-t-il devoir former un cabinet d’ici deux semaines et obtenir un vote de confiance des députés. La partie n’est pas gagnée.