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Norvège

Elections législatives : embarras de richesse

par Piotr Moszynski

Article publié le 11/09/2009 Dernière mise à jour le 14/09/2009 à 16:33 TU

L’un des pays les plus riches au monde, la Norvège, renouvelait son parlement, ce lundi 14 septembre. Malgré son excellent bilan économique, obtenu en dépit de la crise mondiale, le gouvernement de centre-gauche risque de subir la loi de l’alternance et céder la place à une coalition de droite. Au coeur du mécontentement populaire : le partage des recettes pétrolières.

Le partage de l'argent du pétrole pèse sur le scrutin législatif qui a lieu les 13 et 14 septembre 2009 en Norvège.(Photo : AFP)

Le partage de l'argent du pétrole pèse sur le scrutin législatif qui a lieu les 13 et 14 septembre 2009 en Norvège.
(Photo : AFP)

On ne s’en rend pas toujours compte, mais la Norvège est le cinquième pays d’Europe par sa superficie, le huitième exportateur mondial de pétrole et le troisième de gaz naturel. Elle possède la cinquième flotte commerciale du monde. En revanche, elle n’est pas une puissance démographique : elle ne compte que 4,8 millions d’habitants. L’énorme richesse du pays est donc répartie sur une population relativement petite. Selon la Banque mondiale, le PIB par habitant en Norvège s’élevait en 2008 à plus de 87 000 dollars. Et le chômage ne touchait en août dernier que 3% de la population active.

Un paradis sur terre ? Presque. Cependant, les politologues évoquent les phénomènes de « malédiction du pétrole » et de « pétro-démagogie ». Le pays baigne dans l’opulence, mais les électeurs voudraient en profiter toujours plus. Ils ont donc tendance à estimer que l’utilisation des pétrodollars par les gouvernements successifs est trop parcimonieuse et à sanctionner systématiquement les sortants. Ainsi, aucun gouvernement norvégien n’a été reconduit depuis 1996.

Le trésor

La date est importante, dans la mesure où il s’agit de l’année à partir de laquelle les autorités ont commencé à mettre sagement de côté les recettes pétrolières du pays dans un fonds de pension qui totalise aujourd’hui une coquette somme de 277 milliards d’euros. Via leur fonds, les Norvégiens détiennent 1% de la capitalisation boursière de la planète, bien qu’ils ne constituent que 0,1% de la population mondiale. Ce trésor leur a permis de bien amortir la récession et freiner la montée du chômage, alors que la même crise a mis la grande majorité d’autres pays développés en réelle difficulté.

Toutefois, les sondages sont loin de prévoir une victoire électorale facile du gouvernement dirigé par le travailliste Jens Stoltenberg. Les quatre partis de droite pourraient obtenir la majorité parlementaire et faire tomber la coalition de centre-gauche sortante, malgré son bilan flatteur. Si l’on en croit les enquêtes d’opinion, une nouvelle coalition gouvernementale – celle de droite – pourrait être menée par le Parti du progrès, crédité de près d’un quart des intentions de vote et dirigé par une énergique, attractive et médiatique blonde, Siv Jensen.

Notes populistes

Le problème, c’est que le Parti du progrès joue sur des notes résolument populistes et ne fait pas l’unanimité au sein de la droite elle-même. Sa campagne se concentre sur deux thèmes : la gestion de la rente énergétique et l’immigration. Le parti se prononce en faveur des réductions d’impôts et chiffre les allègements fiscaux attendus au cours de la prochaine législature 2009-2013 à 5 milliards d’euros. En même temps, il est le seul parti à prôner l’utilisation des revenus pétroliers et gaziers pour renforcer l’Etat providence et les infrastructures du pays, tandis que les autres partis appellent à la discipline budgétaire et se gardent bien d’évoquer la possibilité de dépenser l’argent de la rente pétrolière. En effet, ils craignent un accroissement des dépenses qui pourrait conduire à la surchauffe de l’économie et à une hausse de l’inflation.

En matière d’immigration, le Parti du progrès réclame un nouveau code, écrit selon le modèle danois. La mise en œuvre du projet signifierait une réduction de l’immigration. Pas plus de cent réfugiés politiques par an ne pourraient être acceptés dans le royaume. Un tri des immigrés serait effectué en fonction de leur origine et du degré d’intégration des ressortissants de même nationalité déjà présents en Norvège. Les candidatures des analphabètes, des islamistes et des personnes sans ressource seraient refusées. Il est vrai que Siv Jensen a contribué à atténuer le discours anti-immigrés de son parti, mais elle souhaite garder le contrôle sur ce domaine en cas de succès électoral. Elle prévient d’ores et déjà que son parti n’acceptera d’entrer au gouvernement qu’à la condition de se voir confier le poste de ministre de l’Immigration et de l’Intégration.

Evoquant la liberté religieuse, le Parti du progrès se déclare favorable au renforcement du contrôle des mosquées et des écoles coraniques pour lutter contre l’« islamisation cachée » du pays. La Norvège accueille un nombre d’immigrés qui augmente chaque année, phénomène connu également dans beaucoup d’autres pays européens. Nombreux sont ceux qui viennent d’Irak et du Pakistan, mais la moitié des étrangers vivant dans le royaume sont Suédois.

En quête de compromis

Bref, le Parti du progrès n’est pas un partenaire commode et la construction d’une alliance postélectorale à droite pourrait s’avérer compliquée. Tout dépendrait, dans ce cas de figure, de compromis envisageables du côté de chaque état-major politique. Ainsi, on ne peut pas exclure l’hypothèse que même en cas de défaite de l’actuelle coalition gouvernementale, le Premier ministre travailliste sortant puisse revenir aux affaires s’il n’y a pas d’autre candidat de compromis possible. Mais, pour le savoir, il faut attendre la fin du vote de lundi.