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Littérature & Anniversaire

Simone de Beauvoir, première féministe moderne

par Benoît Ruelle

Article publié le 07/01/2008 Dernière mise à jour le 11/01/2008 à 16:16 TU

© AFP

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Née à Paris le 9 janvier 1908, autrement dit il y a cent ans, et décédée le 16 avril 1986, reçue seconde à l’agrégation de philosophie en 1929 derrière... Jean-Paul Sartre, philosophe, écrivain, militante, chroniqueuse, éditrice, Simone de Beauvoir a exercé son métier d’intellectuelle de multiples façons. Mais que reste-t-il de son oeuvre en 2008 ? Portrait, chronologie et pistes à suivre dans la foultitude de publications qui accompagnent cet anniversaire, constituent les 3 piliers de ce dossier spécial.  

En 1986, quand Simone de Beauvoir mourut, la philosophe Elisabeth Badinter déclara : « Femmes, vous lui devez tout ! ». Elisabeth Badinter rendait ainsi hommage à l’auteur du Deuxième Sexe et célébrait l’écho que cet essai fondateur allait connaître dans le monde entier. Mais que reste-t-il de Simone de Beauvoir en 2008 ? Que reste-t-il de cet écrivain, victime de la consécration du Nouveau Roman et de la dévalorisation d’une littérature « engagée » plus référentielle que poétique, qui n’a pas vraiment trouvé la place qui lui revient dans l’histoire littéraire de son époque ?

Simone de Beauvoir fut philosophe. Cofondatrice avec Sartre, en 1945, de la revue Les Temps modernes, c’est elle qui, en France, découvrit Hegel et le fit découvrir à Sartre, tandis qu’il était pris par la guerre. Et quand elle écrit, en 1947, Pour une morale de l’ambiguïté, elle décrit le nihiliste, l’aventurier, l’esthète et, au-delà de ces types moraux, en revient à l’éthique existentialiste, conquête permanente de la liberté et volonté de maintenir vivant le projet libre, contre tout esprit de sérieux, tout reniement de la liberté au profit de valeurs ou de fins jugées absolues. La morale existe pour celui qui veut, au sein même des équivoques en ambiguïtés humaines, se construire et se faire.

Mais plus qu’un philosophe, Simone de Beauvoir fut d’abord un écrivain. Comme si, pour citer Pascal, « la vraie philosophie se moquait de la philosophie ». Dans son Autoportrait à soixante-dix ans, repris dans Situations X, Sartre avoue ne pas avoir la « curiosité des  gens ». Simone, elle, voulait se faire exister pour les autres en leur communiquant le goût de sa propre vie. Les livres ont d’ailleurs été « la grande affaire » de sa vie, à égalité avec l’écriture qui consiste à en produire. Elle les a « aimés passionnément », a éprouvé pour eux « un respect religieux ».

© DR

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Bien sûr, on ne peut pas évoquer la figure et l’œuvre de Simone de Beauvoir sans parler du féminisme et de cette Bible du féminisme qu’est Le Deuxième sexe. L’essai ne faisait partie d’aucune vague féministe et n’était le manifeste d’aucun mouvement. Sa publication, en 1949, a précédé de vingt ans la naissance du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) en France, et de plus de dix ans la parution aux Etats-Unis de la deuxième oeuvre féministe importante du XXème siècle, La Femme mystifiée de Betty Friedan. Le livre va faire scandale et ce scandale aidant, 22 000 exemplaires du premier tome vont s’enlever en une semaine. Deux millions d’exemplaires seront vendus en langue anglaise. Et Le Deuxième sexe figure pendant un an en tête des ventes au Japon. Simone de Beauvoir a 37 ans. C’est la première fois qu’une femme - et une philosophe - ose revendiquer, non pas quelques droits pour quelques femmes, mais l’égalité absolue, et aborder les problèmes de la liberté sexuelle, de la maternité et de l’avortement, sans oublier l’exploitation ménagère.

« On ne naît pas femme, on le devient ». On signifie difficilement plus en si peu de mots. Manifestement, l’écrivain a prêté la main à la philosophe. C’est le second tome du Deuxième sexe, celui de la sexualité féminine, qui va mettre le feu aux poudres. Quelques exemples : Julien Gracq dénonce « la stupéfiante inconvenance du ton » du livre. Camus déclare que ce livre est « une insulte au mâle latin ». François Mauriac pense que « nous avons littéralement atteint les limites de l’abject ». La communiste Jeannette Thorez-Vermeersch y voit une « insulte aux ouvrières ». Et le livre est mis à l’index par le Saint Office de Rome. Mais Beauvoir fait preuve aussi d’une audace théorique. Elle ose traiter de deux approches culturelles du sujet : le marxisme et la psychanalyse, deux sœurs ennemies, irréconciliables.

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Que reste-t-il de Simone de Beauvoir en 2008 ? Le Deuxième sexe sans aucun doute et ses Mémoires qui, au-delà du témoignage, montre magnifiquement l’écrivain qu’elle fut. Un écrivain épris de liberté, version moderne du bonheur. Mais plus généralement, il reste une pensée  de l’altérité. Comme si l’écrivain avait cherché à résoudre cette contradiction, celle qui découvre que si l’autre n’est pas sujet, il n’a pas d’histoire. On rappellera d’ailleurs que Simone de Beauvoir avait songé à appeler Le Deuxième sexeL’Autre.

Lorsqu’elle a reçu le prestigieux prix Holberg, le 3 décembre 2004, à l’université de Bergen, Julia Kristeva prononça un discours intitulé « Thinking about liberty in dark times », autrement dit « Penser la liberté en temps de détresse ». Simone de Beauvoir reste sûrement une des femmes parmi tant d’autres, mais une des toutes premières s’entend, qui peuvent nous y aider.

La couverture du livre de Danièle Sallenave, Castor de guerre.(©Gallimard)

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