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Cinéma et Partition

Maurice Jarre : «traduire en musique ce que la caméra ne peut pas montrer»

par Pascal THIBAUT

Article publié le 12/02/2009 Dernière mise à jour le 30/03/2009 à 12:46 TU

Berlin fête Maurice Jarre. Le Festival remet à l’un des plus grands compositeurs de musique de films un Ours d’or d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Maurice Jarre a à son actif environ 150 compositions dont de nombreuses pour des classiques du 7e art.

Maurice Jarre.(Photo : Pascal Thibaut/ RFI)

Maurice Jarre.
(Photo : Pascal Thibaut/ RFI)

A 84 ans, Maurice Jarre porte toujours beau. Le compositeur est arrivé la veille de Californie (Etats-Unis) et enchaîne interview sur interview dans un salon du luxueux Hôtel de Rome à Berlin. La personne chargée de la presse est étonnée de l’intérêt des médias et souligne, histoire de flatter l’heureux élu, que beaucoup de demandes n’ont pas pu être satisfaites.

Accompagné de sa femme, qui le soutient lorsqu’il quitte la pièce, Maurice Jarre se prête au jeu patiemment et avec beaucoup de gentillesse. Sa voix a perdu en sonorité au contraire de sa musique mais les souvenirs restent intacts.

Pour la première fois, la Berlinale rend hommage à un compositeur de musiques de film en lui remettant un Ours d'or d'honneur. Une profession qui, contrairement aux stars du grand écran, vit dans l’ombre. Maurice Jarre avec plus de 150 compositions à son actif fait d'ailleurs partie des rares compositeurs très connus. Et si le grand public ne connaît pas toujours son nom, il connaît au moins sa musique, à commencer par celle de Docteur Jivago. La collègue suisse qui interviewe Maurice Jarre avec RFI admet humblement ne jamais avoir vu le film mais connaître comme beaucoup sa bande originale. Pour le directeur du festival du film de Berlin, Dieter Kosslick, « elle fait partie de l’histoire du cinéma ». « Maurice Jarre a écrit la musique de films qui se sont gravés dans notre mémoire acoustique », souligne, pour sa part, le patron de la cinémathèque allemande, Rainer Rother.

« Je suis très fier de recevoir ce prix. C’est une récompense prestigieuse et internationalement reconnue »,  admet, de son côté, Maurice Jarre.

Docteur JivagoLawrence d’ArabieLa route des Indes, Le Cercle des poètes disparus ou encore Paris brûle-t-il ? : au total Maurice Jarre a écrit la musique de nombreux classiques du cinéma. Sa collaboration avec David Lean fut particulièrement fructueuse. Nominé neuf fois aux Oscars, le Français recevra par trois fois la prestigieuse récompense.

© Warner Bros Pictures

© Warner Bros Pictures

Qu’est-ce-qu’une bonne musique de film ? Pour Maurice Jarre, « elle permet de traduire ce que le réalisateur ne peut pas ou ne veut pas montrer avec sa caméra. Par exemple, dans La route des Indes de David Lean, poursuit le compositeur, il y a une scène où l’héroïne traverse un jardin plein de statues oniriques. D’un coup, des rêves sexuels montent en elle. La musique peut traduire ces sentiments mieux que la caméra ». David Lean, Luciano Visconti, Alfred Hitchcock ou John Frankenheimer : Maurice Jarre a travaillé avec les plus grands et surtout à Hollywood à partir des années 1960. La carrière de ce Lyonnais avait commencé en France. Après une formation de musicien et de chef d’orchestre, il travaille au Théâtre National Populaire dans les années 1950 aux côtés de Jean Vilar et compose de nombreuses musiques pour des mises en scène. Ses débuts au cinéma sont concommittants avec une composition pour Hôtel des Invalides de Georges Franju en 1952.

Le succès de la bande originale de Lawrence d’Arabie, dix ans plus tard, scelle la collaboration de Maurice Jarre avec le réalisateur David Lean et lui ouvre les portes d’Hollywood. Après avoir visionné pendant plusieurs jours les rushs du film, le compositeur dispose de six semaines pour écrire deux heures de musique. Une tâche surhumaine qui le contraindra ensuite à se reposer en Suisse où il dispose aujourd’hui d’un pied à terre, en plus de sa résidence aux Etats-Unis.

« J’ai refusé beaucoup de propositions, parfois déjà en lisant le scénario qui me paraissait trop faible. Vous savez, il vaut mieux aller voir un bon film au cinéma et écouter de la bonne musique plutôt que d’écrire pour un film qui n’en vaut pas la peine. Avec des maîtres comme Alfred Hitchcock ou David Lean, en revanche, l’inspiration ne pose pas grand problème », raconte Maurice Jarre.

David Lean qui, d'une certaine manière, l'accompagnera ce jeudi soir pour la remise de ce prix d'honneur puisque c'est avec la projection de Lawrence d'Arabie, le film qui a lancé la carrière internationale de Maurice Jarre que se refermera la cérémonie. 

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