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Culture

Trente bougies pour le Centre Georges Pompidou

par Danielle Birck

Article publié le 30/01/2007 Dernière mise à jour le 30/01/2007 à 18:32 TU

(Source : Wikipedia)

(Source : Wikipedia)

Le 31 janvier 1977, un nouveau lieu dédié à l’art contemporain ouvrait ses portes à Paris, trois ans après la mort de celui qui l’avait voulu, le président Georges Pompidou. L'édifice, résolument d’avant-garde et construit en plein coeur de la capitale par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers suscitait alors de violentes critiques. Trente ans plus tard, le pari est tenu : «Beaubourg» s’est intégré au paysage, le Centre ne désemplit pas, le musée trop à l’étroit va s’implanter en Chine et un «Centre Pompidou bis», actuellement en construction, verra le jour fin 2008 à Metz, dans l’est de la France.

Le président Valéry Giscard d'Estaing prononce le discours d'inauguration du centre, le 31 janvier 1977. (Source : Centre Pompidou)
Le président Valéry Giscard d'Estaing prononce le discours d'inauguration du centre, le 31 janvier 1977.
(Source : Centre Pompidou)

«Ici l’esprit des hommes nourrira les hommes» : C’est en termes très lyriques que le président Valéry Giscard d’Estaing inaugure le Centre Georges Pompidou, ce 31 janvier 1977. Il sera ouvert au public deux jours plus tard. Entre-temps l’architecte italien Renzo Piano, venu présenter le projet conçu et réalisé  avec Richard Rogers, son compère britannique, aura essuyé les huées de l’assistance. Qu’on qualifiât d’«Usine» leur construction, passe encore : le centre devait être un lieu vivant, un «catalyseur d’activités» disait Renzo Piano, à l’époque. Mais «Usine à gaz» ou «raffinerie de pétrole» relevait de l’incompréhension, voire du mépris. Il faudra du temps pour que les passions s’apaisent et que le nombre de visiteurs réduise au silence les détracteurs d’un projet qualifié alors «d’élitaire». Et que l’on cesse de demander à  l’architecte de construire des édifices «sans tuyaux»… Le poète, lui, avait tout compris dès le début: «Moins donc un monument, que, s’il me faut inventer ce mot : un moviment », écrivait Francis Ponge en 1977, traduisant, en fait, le propos de Renzo Piano: «Ce n’est pas un monument au sens physique, c’est une action. C’est un monument non formel, mais plutôt de comportement. Je crois que là, il y a un message  très important qu’il (le président Georges Pompidou) a voulu laisser à la France. L’idée, c’était plutôt de mettre dans le centre de Paris, tel qu’il est, (…) un outil pour l’échange, pour l’information». Quant à Richard Rogers, il résumait le projet de façon plus lapidaire en évoquant «quelque chose entre Times Square et le British Museum»…

Double défi et pari tenu

Quoiqu’il en soit, la construction de ce lieu, tel qu’il avait été voulu dès le début des années 70 par son instigateur, le président Georges Pompidou, était un véritable pari et relevait du défi, comme le résume trente ans plus tard, l’actuel directeur du Centre Pompidou, Bruno Racine : «Le pari du président Pompidou c’était de créer un lieu unique où l’on rassemblait toutes les formes de la création – arts plastiques, cinéma, littérature, etc. – ce qui n’existait pas et est encore, de nos jours, unique ». Pari double, puisqu’il s’agissait aussi «de réconcilier la France, la société française et la création de son temps, car il y avait un divorce entre les artistes, les arts vivants et la société, y compris la société cultivée». Georges Pompidou se disait, lui, «frappé du caractère conservateur du goût français, particulièrement de ce qu’on appelle l’élite».

Vue du hall principal du Centre Pompidou. (Source : Centre Pompidou)
Vue du hall principal du Centre Pompidou.
(Source : Centre Pompidou)

Trente ans plus tard, la fréquentation du centre Pompidou est là pour dire que le fossé est, sinon comblé, du moins pas mal remblayé. Depuis son ouverture, le Centre a accueilli 180 millions de visiteurs, avec une moyenne annuelle qui ne se dément pas d’un peu plus de 5 millions, dont les trois quarts pour la bibliothèque publique d’information (la BPI) – ce qui explique que la proportion de touristes y soit moins élevée  que pour le Louvre ou Orsay - et un quart pour le Musée d’art moderne et le Centre de création  industrielle. «Un public un peu plus féminin, souligne Bruno Racine, un peu plus diplômé également, relativement jeune  - un peu moins de 35 ans -  ce qui veut dire qu’au cours de ces 30 ans il n’a cessé de se renouveler.» Mais pas question de se reposer sur ses lauriers, d’où une série d’actions envisagées vis-à-vis du jeune public et des adolescents avec notamment la création d’un espace spécifique pluridisciplinaire. Une réflexion menée avec la participation des étudiants de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI). L’année 2007 verra aussi la première édition d’un festival international pour jeune public, le FI’ART.

Cette année du trentenaire sera aussi marquée par la réouverture intégrale du Musée, après deux ans de travaux  et avec des espaces totalement repensés, aussi bien pour l’étage historique que pour l’étage contemporain.

Pompidou en Chine

Avec quelque 59 000 oeuvres, l’ensemble musée et centre de création possède une des plus importantes collections publiques au monde sur la création du XXe siècle. Bien sûr, il n’est pas question d’exposer en  totalité, faute d’espace, d’où les prêts à l’étranger, pour des expositions, mais aussi  des opérations de décentralisation et même d’exportation, avec la construction d’un Centre Pompidou bis à Metz et une future implantation en Chine, à Shangaï.

Projection du Centre Pompidou de Metz. (Source : Elévation ouest © CA2M / Shigeru Ban Architects Europe & Jean de Gastines)
Projection du Centre Pompidou de Metz.
(Source : Elévation ouest © CA2M / Shigeru Ban Architects Europe & Jean de Gastines)

La première pierre de «Pompidou Metz» a été posée en novembre 2006 et le bâtiment de 5 000m2 conçu par les architectes japonais Shigeru Ban et français Jean de Gastines, devrait ouvrir au public à la fin de 2008.

Quant à la priorité donnée à la Chine pour une première implantation de Pompidou à l’étranger – ce sera donc Shangaï, après l’échec des pourparlers avec Hong-Kong – Bruno Racine la justifie par «une importance croissante de ce pays dans tous les domaines, car la Chine ne s’affirme pas seulement comme un acteur majeur de la politique internationale ou de l’économie mondiale, mais aussi de la création artistique. Avec une explosion de cette scène artistique internationale, car les artistes chinois sont maintenant reconnus et – malheureusement pour nous – leurs œuvres coûtent de plus en plus cher. Ma conviction, ajoute Bruno Racine, c’est que dans les vingt ans qui viennent, de la même manière qu’il y a  quarante ans, on est passé d’un point de vue européen ou français, à un point de vue où l’Amérique comptait beaucoup plus, nous allons voir des pays comme la Chine, l’Inde ou d’autres affirmer leur point de vue. Nous devons nous préparer à ce mouvement, et la meilleure manière c’est d’être présent sur place et de les accompagner avec des projets de coopération».

Bruno Racine, président du Centre Pompidou. (Photo : Philippe Biancotto)
Bruno Racine, président du Centre Pompidou.
(Photo : Philippe Biancotto)

A ceux qui s’inquiètent des conditions posées au Centre pour réaliser cette implantation en Chine, Bruno Racine répond que cela se fera progressivement et signale «une très grande ouverture de la part de nos partenaires chinois qui sont très désireux de nous voir réaliser des expositions et proposer des actions  culturelles. La question essentielle porte plutôt sur les modalités juridiques, il n’y a pas de précédent dans le droit chinois, et donc nous essayons de mettre au point une formule, par définition novatrice, et qui permettra  à cette expérience de se concrétiser dans la durée, sachant que dans l’intervalle, nous pouvons programmer de nombreux événements, ce que nous allons faire dès cette année».

L’IRCAM s’apprête aussi à fêter ses trente ans

L'Institut de recherches et coordination accoustique/musique (Ircam). (Source : Ircam)
L'Institut de recherches et coordination accoustique/musique (Ircam).
(Source : Ircam)

Tous les arts se devaient d’être représentés au sein du Centre Georges Pompidou. Ce sera chose faite à la fin de 1977 avec l’inauguration du bâtiment qui abrite l’IRCAM, l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique. Fondé en 1970 par le compositeur et chef  Pierre Boulez – qui le dirigera jusqu’en 1992 – l’Ircam  devient alors le quatrième département du Centre Pompidou, avec le Musée d’art moderne, la Bibliothèque publique d’information (BPI) et le centre de création industrielle (CCI) qui sera ensuite rattaché au Musée. Les locaux de l'Ircam, en grande partie souterrains et qui vont s’agrandir au fil des années, sont également signés par Renzo Piano. L’Ircam ne sera pas non plus épargné par les critiques : on parlera de «Concorde souterrain». «Ce qui n’est pas gentil, ni pour le Concorde, ni pour l’Ircam», déclare alors Pierre Boulez, qui tient à préciser que «l’Ircam est un grand atelier de création, souterrain à cause du bruit. Pour expérimenter les sons et les instruments, on a besoin d’être complètement isolé». Ajoutant que l’Ircam et son bâtiment font partie du Centre Pompidou, ouvert à tous. «Donc, conclut-il, l’Ircam n’est pas ce puits profond où les créateurs s’isolent, mais participe, au contraire, de cette opération en faveur de la musique du 20ème siècle et plus généralement de la culture».

Dirigé par Frank Madlener depuis janvier 2006, l’Ircam est aujourd’hui le plus grand centre de recherche publique dans le monde dédié à la recherche scientifique et à la création musicale. Il ouvre ses portes chaque année au mois de juin à l’occasion du festival Agora et des rencontres technologiques Résonnances. A l’occasion des trente ans du Centre Pompidou, l’Ircam s’inscrit au croisement de la musique avec toutes les disciplines, au travers de plusieurs manifestations placées sous le signe de l’utopie. L'Institut sera notamment présent dans la grande salle du Centre Pompidou, dans le cadre de l’exposition consacrée à l’écrivain Samuel Beckett, de mars à juin 2007.

Utopie ?

Renzo Piano et Richard Rogers, architectes du Centre Pompidou. (Photo : AFP)
Renzo Piano et Richard Rogers, architectes du Centre Pompidou.
(Photo : AFP)

«Beaubourg» relevait aussi de l'utopie… Et comme toute utopie, jamais entièrement réalisée. En témoigne ce regret de Renzo Piano et de Richard Rogers, qui auraient souhaité que l’accès au Centre soit entièrement libre – des portes d’entrée ont dû être fermées pour des raisons de sécurité - et gratuit. «Mais  j’espère, nous dit Renzo Piano, qu’on puisse revenir à un bâtiment plus ouvert dans lequel on ne paye pas d’entrée. Vous savez, ajoute-t-il, les temps sont durs, mais on espère toujours en un monde meilleur»…