par Danielle Birck
Article publié le 11/08/2008 Dernière mise à jour le 12/08/2008 à 09:34 TU
Le musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne a quasiment le même âge que le vélocipède : l’imposant édifice situé en hauteur au cœur de la ville a été construit en 1860, sept ans avant la présentation du vélocipède à l’exposition universelle de 1867. L’engouement pour le nouvel engin mis au point en 1861 par le Français Pierre Michaux va connaître alors son apogée, jusqu’en 1870. La défaite française à Sedan face à la Prusse interrompt alors brutalement la fabrication de ce nouveau moyen de déplacement, devenu rapidement synonyme de modernité, de progrès, de liberté et qui va se répandre en Europe (Angleterre, Allemagne, Autriche, Pays-bas, Finlande…) et aux Etats-Unis.
« Bone Shaker »
Et pourtant… si les vélocipèdes apparaissent aujourd’hui à notre regard contemporain comme des objets de design audacieux, aux courbes harmonieuses, et qui permettent enfin de se déplacer sur deux roues en pédalant, et non plus en courant comme l’exigeait son ancêtre la draisienne, il n’en reste pas moins que cet « objet de modernité » est à ses débuts un « engin rustico-technique », pour reprendre l’expression de Nadine Besse, conservateur en chef du musée. Ces nouvelles machines de bois et de métal sont très lourdes (autour de 30 kilos), peu maniables et manquent remarquablement de souplesse et d’amortisseurs… Ce qui en fait un véritable « secoueur d’os » (bone shaker). Rien d’étonnant, donc, à ce qu’une gravure représente un squelette juché sur un vélocipède… De plus, il faut les fabriquer sur mesure pour que l’usager puisse atteindre le pédalier situé sur la roue avant …
Une question, d’ailleurs, taraude le visiteur: comment diable faisait-on pour enfourcher un vélocipède ? Les explications lui font vaguement comprendre que c’est par l’arrière en prenant appui sur le moyeu de la petite roue, une fois le véhicule lancé… Cela deviendra plus concret un peu plus tard, au sous-sol, dans la partie d’exposition permanente consacrée aux cycles, où un prototype spécialement réalisé pour le musée permet de s’y essayer…
Entre temps, on aura circulé au milieu d’une trentaine de vélocipèdes, des pièces souvent uniques issus de collections privées et publiques de France, Grande Bretagne et Pays-bas, offrant un échantillon représentatif des modèles conçus par les principaux fabricants, avec une présence importante de la région Rhône-Alpes, véritable berceau du cycle en France. Même si l’histoire du vélocipède a commencé dans l’atelier parisien d’un serrurier en voiture, Pierre Michaux, qui eut (lui ou son fils ?) en 1861 l’idée qu’on peut qualifier de géniale de fixer des manivelles et des pédales au moyeu avant d’une draisienne. Mais, moins génial, il ne pensa pas à déposer un brevet et son invention lui échappera : le premier brevet déposé officiellement pour un vélocipède à pédales le sera en 1866 par un Français exilé aux Etats-Unis, Pierre-Nicolas Lallement.
Le vélocipède à vapeur |
Le vélocipède à vapeur, l’ancêtre du solex en quelque sorte, a été fabriqué au début des années 1870 (vraisemblablement en 1873). Il est l’aboutissement des recherches menées par son inventeur, l’ingénieur et constructeur Louis Guillaume Perreaux, pour motoriser des vélocipèdes. Le modèle exposé, unique, a été prêté par le musée de l’Ile de France, à Sceaux. |
L’esprit d’une époque
L’industrie du vélocipède se développe. On peut parler de fabrication en série à partir de 1866. D’autant que ce nouveau moyen de locomotion s’inscrit dans l’esprit d’une époque, où se mêlent la rationalisation de la fabrication industrielle et celle du temps des loisirs, sous l’influence des Saint-Simoniens. Le vélocipède apparaît comme un instrument de démocratisation des loisirs : on peut l’acheter à crédit et l’organisation de courses va en accélérer la diffusion, tout comme le lancement de journaux spécialisés, comme Vélocipède Illustré. Des associations, des clubs se créent, la publicité s’appuie sur le vélocipède, le prince impérial l’adopte, les femmes s’en emparent, sous le regard goguenard et grivois des hommes et des caricaturistes qui s’en donnent à cœur joie …
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