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Bois

Du cœur à l’ouvrage : Chefs d’œuvre des Compagnons du Devoir

par Caroline Lafargue

Article publié le 30/03/2009 Dernière mise à jour le 31/03/2009 à 12:43 TU

© Musée des Arts et Métiers

© Musée des Arts et Métiers

C’est une orgie de bois, de fenêtres, escaliers, portes et meubles, ouverts et tronqués qui s’offre au visiteur de l’exposition Du cœur à l’ouvrage – Chefs d’œuvre des Compagnons du Devoir, présentée jusqu’au 23 août 2009 au Musée des Arts et Métiers de Paris. Une exposition qui constitue l’ultime volet d’un triptyque incluant deux autres manifestations accueillies en parallèle par le Palais de la Découverte, Matériau et Savoir-faire et modernité.

Il y a là matière à glaner quelques secrets de menuiserie et d’ébénisterie. Du cœur à l’ouvrage  retrace en effet six siècles de l’histoire de la menuiserie, depuis ses débuts au XIVe siècle, lorsque les charpentiers laissèrent la place aux menuisiers, appelés à fabriquer des pièces de bois d’intérieur, donc plus « menues ».

Origine du "chef d'oeuvre"

Art Nouveau© Musée des Arts et Métiers

Art Nouveau
© Musée des Arts et Métiers

Cet abrégé de menuiserie repose sur 25 chefs d’œuvres qui ont demandé des centaines d’heures de travail à plus de 200 aspirants compagnons. Car avant de qualifier la perfection absolue d’œuvres picturales, littéraires ou encore cinématographiques, le terme « chef d’œuvre » est né dans les corporations, désignant la preuve de l’excellence que doit présenter l’apprenti pour être reçu compagnon.

L’exposition met en évidence l’évolution technique de la menuiserie, du classique tenon-mortaise renforcé par des ferronneries sur un coffre du Moyen-Age, à la colle omniprésente dans la menuiserie depuis le XIXè siècle, en passant par les chevilles de bois reprises à la gouge sur un confiturier Louis XIII.

Bureau Louis XIV© Musée des Arts et Métiers

Bureau Louis XIV
© Musée des Arts et Métiers

 
Entre le coffre médiéval en chêne rustique et le chiffonnier Art Nouveau tout en courbes, le visiteur doit s’attarder sur le style Louis XV, qui représente l’acmé du savoir menuisier. « Le style Louis XV a énormément marqué la menuiserie avec les portes cochères en arrondi. C’est l’arrivée des premiers cintres en menuiserie, avant les portes étaient droites ! », raconte Emilien Créchet, le jeune compagnon en charge des visites de l’exposition. Le siècle des Lumières voit aussi le développement de la marqueterie qui atteint des sommets de virtuosité, en utilisant une cinquantaine de bois exotiques.

L'homme et la matière 

Commode Art Nouveau© Musée des Arts et Métiers

Commode Art Nouveau
© Musée des Arts et Métiers

A travers la progression esthétique de la menuiserie, l’exposition Du cœur à l’ouvrage  retisse aussi la relation entre le menuisier et le bois, aussi tortueuse que le fil d’un chêne champêtre. Comment domestiquer ce bois qui bouge en permanence et réagit à son environnement ? Le menuisier a fait du chemin depuis la Renaissance par exemple, époque à laquelle il travaillait le cœur pourtant indomptable du bois, qui a l’incorrigible défaut de se fendre en séchant.

Dans le sillage de l’industrialisation au XIXe siècle, apparaissent les produits dérivés du bois. Autant de solutions pour prévenir les sautes d’humeur imprévisibles du matériau. Le contre-plaqué et le latté font les délices des menuisiers Art Déco et donnent cette esthétique assez neutre de l’époque. Plus tard pendant les Trente Glorieuses, c’est le formica, célébrissime stratifié, qui est à l’honneur, souvent revêtu de couleurs franches. Aujourd’hui, le mélaminé et le médium trônent toujours sur les établis.

Bureau Art Nouveau© Musée des Arts et Métiers

Bureau Art Nouveau
© Musée des Arts et Métiers

La menuiserie évolue en même temps que les matériaux, et la multiplication des produits dérivés du bois. Alors verra-t-on le jour où la menuiserie se fera sans bois ? « Tous les jours on nous propose de nouveaux matériaux, systèmes d’assemblages et nouvelles colles. Par exemple, le corian, cette résine qui sert à faire des plans de travail et qui remplace le bois. Mais je pense qu’il n’y a pas de danger que le bois disparaisse, parce que les gens y sont  attachés.. Quand les visiteurs arrivent dans l’exposition, on les sent apaisés, personne n’est agressif, le bois tempère l’atmosphère et régule l’hydrométrie, on ne peut pas s’en passer ! », assure Emilien Créchet. Ouf…