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Gabon/ Environnement

Les chutes de Kongou, une pomme de discorde

par Pauline Simonet

Article publié le 16/11/2007 Dernière mise à jour le 02/12/2008 à 17:57 TU

Les chutes de Kongou dans le nord-est du Gabon.(Photo : Pauline Simonet/ RFI)

Les chutes de Kongou dans le nord-est du Gabon.
(Photo : Pauline Simonet/ RFI)

Les chutes de Kongou, dans le Nord-est du Gabon, font l’objet d’une querelle entre les défenseurs de l’environnement et le gouvernement qui a choisi ce site pour la construction d’un barrage hydroélectrique nécessaire à l’exploitation de la mine de fer de Belinga, récemment confiée à des entreprises chinoises. Un très beau site, au cœur d’un parc national dans la forêt gabonaise, récemment converti à l’éco-tourisme.

La pirogue secouée par les eaux agitées du fleuve Ivindo transporte des hommes inquiets. Assis côte-à-côte à l’avant de l’embarcation, Jacques et Rodrigue indiquent de leurs bras le chemin à travers les rapides en direction des chutes de Kongou. Firmin tient le moteur et zigzague entre les rochers. Tous trois sont des Bakotas, natifs du village de pêcheurs de Loa Loa, niché au bord du fleuve, dans le nord-est du Gabon. Devenus guides pour la Figet, Fondation internationale Gabon écotourisme, créée en 2000, ils emmènent des touristes dans un campement installé en plein cœur de la forêt qui surplombe les chutes dans le parc national de l’Ivindo.

Ces chutes d’eau, parmi les plus belles et les plus importantes d’Afrique, ont fait une entrée fracassante dans l’actualité gabonaise il y a quelques mois. Ce site a en effet été retenu par le gouvernement pour la construction d’un barrage en vue de fournir l’énergie nécessaire à l’exploitation de la mine de fer de Belinga, non loin de là, récemment confiée à des entreprises chinoises. Comme la plupart des habitants de la région, Firmin, Jacques et Rodrigue, qui ne disposent que d’informations parcellaires sur le futur barrage hydroélectrique, craignent de perdre leur emploi et de voir leur environnement dégradé.

En amont des chutes, les piroguiers indiquent l’endroit où une route, en cours de construction par les Chinois, devrait aboutir sur les rives de l’Ivindo. Autre passager de la pirogue, Gilles Christian Mangongo, chef de brigade de l’Environnement de la région nord, effectue une mission pour son ministère. « Beaucoup de gens parlent de Kongou, donnent leur avis, sans jamais y avoir mis les pieds. Je m’y rends aujourd’hui pour les voir de mes propres yeux », explique-t-il, soudain interrompu par un vol bruyant de perroquets gris. « Que ce soit à Kongou ou ailleurs, l’important est que les infrastructures se fassent de la meilleure façon possible, poursuit-il. Il faut que les études d’impact sur l’environnement soient réalisées ». Ce qui n’est pas le cas pour l’instant.

Singe au nez blanc

A l’approche de la première chute importante, d’où s’échappe un vrombissement tonitruant, la pirogue effectue un virage à droite pour atteindre la rive du fleuve. Depuis la cime des arbres, des singes au nez blanc accueillent de leur cri les visiteurs du campement. Bien d’autres espèces, comme des éléphants, potamochères, gorilles ou chimpanzés, peuplent la forêt. Il s’agit d’une zone préservée. Trois à quatre heures sont nécessaires pour atteindre les chutes en pirogue depuis la ville principale la plus proche, Makokou.

Depuis l’évocation du futur barrage hydroélectrique, les habitants craignent une forte perturbation de leur environnement. « La pêche est autorisée en amont des chutes, et nous avons peur des conséquences du barrage sur la quantité de poissons que nous pourrons pêcher », explique Rodrigue. Inondations, perte de biodiversité, disparition d’espèces endémiques, les craintes sont nombreuses et illustrent un déficit de communication de la part du gouvernement. « Nous ne sommes pas opposés à la construction d’un barrage. Ce que l’on demande, c’est plus de transparence », clame Guy Bertin Mpion, assistant gérant de la Figet. « Si c’est ce site qui est définitivement retenu, nous voulons avoir des explications sur les raisons de ce choix, sur le type de barrage qui va être construit, et nous voulons nous assurer que les conséquences à court, moyen et long terme ont été évaluées », poursuit-il.

Préservation contre développement

Kongou est un complexe de chutes. Un dédale de bras, de cascades et de rapides qui s’étendent sur 1,5 kilomètres de long et deux kilomètres de large. Des îlots séparent les différentes chutes les unes des autres. La plus impressionnante atteint près de quarante mètres de haut. En aval des chutes, le fleuve est recouvert d’une délicate mousse blanche, issue du brassage des eaux. Les Organiations non gouvernementales locales de défense de l’environnement préconisent un autre site, plus au sud : la chute de Tsengué-Lélédi dont la configuration, plus simple, se prêterait mieux selon elles à l’aménagement d’un barrage hydroélectrique ou d’une centrale.

Mais le ministère des Mines a pour l’instant sélectionné le site de Kongou, plus proche du gisement de Belinga, qui permet de faire des économies sur l’acheminement de l’énergie jusqu’à l’exploitation. Et, même si les chutes se trouvent dans un parc national, la loi gabonaise prévoit la possibilité de déclasser certaines parties des parcs en cas d’impératif économique.

« Le débat ne doit pas être « préservation contre développement », estime l’émissaire du ministère de l’Environnement. Ce pays a besoin de l’exploitation du fer et donc de nouvelles sources d’énergie, mais ce serait une erreur de penser que le développement n’a pas de prix.  La construction d’un barrage n’est pas une petite affaire. Il n’est pas trop tard pour bien faire », conclut-il.