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Biodiversité

Madagascar, lieu privilégié d’étude en écologie tropicale

par Agnès Rougier

Article publié le 07/01/2008 Dernière mise à jour le 17/03/2008 à 11:22 TU

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Pas moins des 80% de plantes et d’animaux recensés à Madagascar n’existent nulle part ailleurs, ce qui fait de cette île un lieu privilégié pour l’étude de la biodiversité en milieu insulaire. A Morondava, sur la côte ouest de Madagascar, vingt-cinq étudiants de 3ème cycle, sélectionnés sur dossier, et vingt-et-un professeurs, se sont réunis en décembre 2007 pendant deux semaines, à l’occasion de la 5ème Ecole Thématique en Ecologie Tropicale (ETET), pour étudier la faune et la flore sur le thème Insularité et biodiversité. Reportage.

Arrivée sur Morondava : où la rivière se jette dans le Canal du Mozambique.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Arrivée sur Morondava : où la rivière se jette dans le Canal du Mozambique.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

C’est en 2000 que les écoles thématiques ont vu le jour, dans le cerveau fertile de chercheurs en écologie, Luc Abbadie et Souleymane Konaté, co-fondateurs des ETET, et de Marta Andriantsiferana, professeur à l’université d’Antananarivo et organisatrice malgache. L’objectif de ces écoles thématiques ? Perfectionner des techniques, et nouer des relations et des collaborations, non pas de faire des découvertes scientifiques. En créant ces écoles mobiles, les chercheurs ne voulaient surtout pas organiser un enième colloque, mais plutôt susciter des rencontres interdisciplinaires, l’écologie étant de fait à la croisée des disciplines. En décembre 2007, ils ont choisi, avec Marta Andriantsiferana, professeur à l’université d’Antananarivo et organisatrice malgache, la région du Ménabé comme lieu d’étude, où des écosystèmes très différents se côtoient, où la faune et la flore sont spécifiques.

Geneviève Ramakavelo, une biologiste sur le terrain cherche les ostracodes (petits crustacés arthropodes).(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Geneviève Ramakavelo, une biologiste sur le terrain cherche les ostracodes (petits crustacés arthropodes).
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Pour ces 46 botanistes, entomologistes, mammalogistes et autres écologues, professeurs et élèves -tous d’origines géographiques diverses (Bénin, Seychelles, Mali, Sénégal, France…) et confrontés à des écosystèmes différents-, les deux semaines d’étude à l’Ecole thématique ont été intenses. La première semaine s’est déroulée dans la petite ville de Morondava, à l’embouchure de la rivière éponyme, entre la mangrove et le canal du Mozambique : une semaine consacrée aux cours théoriques, donnant aux étudiants des clés de recherche et d’analyse à mettre en pratique sur le terrain la semaine suivante. Chaque soir, tout le monde se retrouvait pour une table ronde, à l’hôtel Renala, les pieds dans le sable, où l’on débattait d’écologie appliquée et de problèmes liés plus généralement à la biodiversité. Certains étudiants ont pu reprocher à l’organisation d’être un peu chaotique : des cours intervertis ont été, un ou deux professeurs ont été remplacés mais, le dimanche matin, tout le monde était fin prêt pour le départ en brousse.

La forêt et la mer comme terrain d’étude

La seconde semaine, le groupe s’est scindé en deux, pour suivre des projets différents. Deux tiers des étudiants sont partis dans la forêt de Kirindy, à 40 km (3h de piste !) au nord de Morondava. A Kirindy, les stars étaient les lémuriens, animaux strictement malgaches, fruits d’une évolution sans concurrence, mais aussi les moustiques, les mouches, et les grenouilles... Tous différents, là-bas, des espèces connues ailleurs. Le tiers des chercheurs restant a quitté Morondava en bateau pour rallier, plus au sud, Bélo-sur-Mer, un village inaccessible par la route en ce début de saison des pluies.

Insecte rouge et noir de Bélo sur l'île de Madagascar.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Insecte rouge et noir de Bélo sur l'île de Madagascar.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

A Bélo-sur-Mer, la population Vezo se consacre strictement à la pêche et à la construction de goélettes à deux mâts : un artisanat hérité d’une famille de marins réunionnais et bretons, venus monter une école de charpenterie de marine  en 1850. C’est donc la mer qui était au centre des préoccupations de ce groupe-là, en particulier les retombées d’une pêche toujours plus importante, sur les fonds marins, les coraux, les stocks de poissons, ainsi que la possibilité de créer sur place, dans cet endroit magnifique aux allures de bout du monde, un tourisme respectueux des hommes et de l’environnement.

Certes ces étudiants de l’école thématique d’Ecologie tropicale ne manquaient ni d’attention ni de curiosité, mais leurs conditions d’étude se sont avérées souvent difficiles. Dans ce pays, aux routes difficilement praticables, mieux valait ne pas oublier le microscope ou la lampe frontale en partant en brousse. Les moustiques, nombreux, ne faisaient que la joie des entomologistes. La chaleur était intense et la pluie rafraîchissante n’arrivait toujours pas. Côté travaux pratiques, il fallait malgré tout respecter le cahier des charges : recueillir pendant la journée des organismes afin des analyser, le soir venu, dans un laboratoire de brousse, à la lumière des lampes de camping, pour vérifier ses hypothèses.

Bélo sur Mer : au petit matin, une goélette marchande croise une pirogue de pêcheurs.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Bélo sur Mer : au petit matin, une goélette marchande croise une pirogue de pêcheurs.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


Emergence de nouveaux projets

De l’avis général, le temps d’étude fut trop court, mais l’expérience, très positive : l’accueil chaleureux de la population, l’émergence de projets chez les villageois de Bélo, l’enthousiasme des botanistes au fil de leurs découvertes forestières ont pris le pas sur quelques menues frustrations ou désappointements, pouvant être liés, par exemple, à la mort des moustiques anophèles lors du trajet de retour de Kirindy !

Forêt de Kirindy : Gros lézard ou petit iguane ? Voici un magnifique représentant des 300 espèces de reptiles endémiques à Madagascar.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Forêt de Kirindy : Gros lézard ou petit iguane ? Voici un magnifique représentant des 300 espèces de reptiles endémiques à Madagascar.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

L’objectif de l’Ecole thématique a été atteint : des projets communs, visant des problèmes d’écologie à Madagascar, sont en route ; des thèses en co-tutelle entre des universités du continent, l’université d’Antananarivo et les universités françaises sont d’ores et déjà planifiées. Autant de projets d’actualité qui attendent désormais des financements. Les ponts sont donc jetés pour une recherche scientifique pluridisciplinaire sur l’écologie africaine, et ces ingrédients forment une ouverture bienvenue pour la science malgache qui se sent parfois bien loin du reste du monde scientifique.

Qui accueillera l’Ecole Thématique l’année prochaine ? Rien n’est encore sûr, mais on murmure que le Ghana, peut-être…

Coucher de soleil dans la forêt de Kirindy, à 40 km au nord de Morondava.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Coucher de soleil dans la forêt de Kirindy, à 40 km au nord de Morondava.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La première école thématique a vu le jour, en 2000, à Lamto (Côte d’Ivoire), une zone de savane désormais transformée en station de recherche en Ecologie, dont Souleymane Konaté est aujourd’hui le directeur.

Depuis, le CNRS, l’Institut Français de la Biodiversité, le CIRAD notamment, et les universités africaines dont l’université Cheick Anta Diop de Dakar, soutiennent l’action des ETET. Ce soutien a permis aux organisateurs de faire voyager l’Ecole thématique dans cinq pays différents d’Afrique, avec l’objectif constant d’initier des réseaux de chercheurs pour prolonger le travail des écoles.

Pour en savoir plus :

http://www.etet2006.free.fr

http://www.millsonia.free.fr/ETET2007.html

Audio

Atelier des Sciences

Ecole Thématique en Ecologie Tropicale

Reportage.

14/01/2008 par Agnès Rougier