par Dominique Raizon (avec AFP)
Article publié le 25/04/2008 Dernière mise à jour le 25/04/2008 à 14:04 TU
Le niveau des océans monte dès maintenant à cause du changement climatique mais à Jakarta, selon l'étude, le problème a davantage à voir avec le développement échevelé de la ville. Celle-ci, sous le poids de l'urbanisation, s'enfonce aujourd'hui et elle coulera demain. « Nous pouvons prédire exactement jusqu'où la mer va pénétrer dans Jakarta » assure JanJaap Brinkman, un spécialiste de l'organisation néerlandaise Delft Hydraulics.
Les experts estiment qu’en 2025 culminerait un cycle astronomique de marées de 18,6 années. Ce jour-là le niveau de la mer montera suffisamment pour recouvrir les zones basses de Jakarta, une mégalopole de 12 millions d'habitants : « De nombreuses inondations catastrophiques sont attendues [d’ici cette date]», assure JanJaap Brinkman.
La mer a déjà avancé à Muara Baru
Dans le quartier de Muara Baru au nord de Jakarta, un canal rempli d'eau noire et pestilentielle charriant des tonnes de déchets sépare un bidonville sur pilotis d'un concessionnaire automobile. « Si vous ne faites rien aujourd'hui sur le problème des nappes phréatiques, des quartiers de Jakarta vont s'enfoncer de cinq mètres (d'ici 2025) », met en garde JanJaap Brinkman. En 2025, affirme-t-il, « la capitale indonésienne sera globalement à un niveau de 40 à 60 centimètres plus bas qu'aujourd'hui ».
Facteur aggravant, souligne le groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), le niveau des mers aura monté, dans le même laps d’années, de cinq centimètres. Si la capitale indonésienne ne se protège pas par des digues élevées, la mer pénètrera de cinq kilomètres, submergera la vieille ville construite par les colons néerlandais. L'eau salée atteindra même le palais présidentiel.
Dans le quartier défavorisé de Muara Baru, où l'avancée de la mer est déjà visible, la population est paradoxalement confrontée à une carence en eau douce, alors que les inondations montent ici souvent jusqu'à deux mètres de haut. Les arbres sont rares et souvent morts. Sayong, une femme de 65 ans, pousse un chariot à bras contenant des jerricans d'eau douce. C'est ainsi qu'est distribuée l'eau à Muara Baru. Pour ce travail exténuant, Sayong gagne 20.000 roupies (2,2 dollars) par jour.
Une mafia de l'eau
Environ 40% de la population de Jakarta n'a pas d'accès à un réseau d'eau, explique Achmad Lanti, responsable municipal du service des eaux. La distribution de l'eau a été privatisée en 1997, mais les deux sociétés étrangères se partageant le marché ont selon lui échoué à tenir leur engagement de fournir de l'eau à 75% de la ville en 2007.
Le résultat aujourd'hui est très contrasté : certains habitants chanceux d'être branchés au réseau payent chèrement les services de l'un des deux concessionnaires. D'autres puisent l'eau de façon artisanale directement dans les nappes phréatiques. De nombreux résidents volent enfin l'eau sur le réseau, aggravant les fuites déjà nombreuses. « Parfois ce sont de simples particuliers (qui volent), parfois il s'agit d'une sorte de crime organisé, ce que j'appelle une mafia de l'eau », déclare Achmad Lanti.
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