par Dominique Raizon
Article publié le 10/07/2008 Dernière mise à jour le 18/07/2008 à 14:17 TU
« Le paysage a continuellement évolué au fil des ans. Le mont devait être passablement dénudé il y a vingt siècles, lorsque s’y déployait Bibracte, une ville que César définit comme ‘de beaucoup la plus grande et la plus riche’ dans son Bellum Gallicum (I,23) », explique Vincent Guichard à la fois directeur des recherches archéologiques à Bibracte et du site même. Car, précise-t-il, « aux heures de sa pleine prospérité, la capitale des Eduens occupait alors un cinquième de la superficie du mont Beuvray », estimée quant à elle à quelque 1 000 hectares.
Bibracte est, aux yeux des archéologues, un représentant parfait des oppida, ces vastes agglomérations fortifiées qui parsemaient l’Europe moyenne aux IIè et Ier s. avant notre ère. « La ville est ceinturée d’une fortification monumentale, longue de 5 kilomètres, formée d’un rempart armé de poutres et parementé de pierres (murus gallicus), précédée d’un fossé », souligne le chercheur. Mais, les recherches récentes ont montré que le site était en fait initialement ceinturé par un rempart beaucoup plus important : « des prospections extensives dans les campagnes proches montrent l’existence de véritables agglomérations satellites de l’oppidum, notamment aux sources de l’Yonne », à 4 kilomètres des remparts de Bibracte, poursuit-il.
Directeur de recherche et du site de Bibracte
« Bibracte était une ville de 5000 à 10 000 habitants. Elle faisait une dizaine de kilomètres de diamètre. »
A ce jour Bibracte n’a livré que 10% de ses secrets
A ce jour pourtant, seuls 10% de ces 200 hectares occupés ont fait l’objet de fouilles archéologiques et Anne Flouest, géologue et paléoclimatologue, en appelle à l’imagination : « L’espace, aujourd’hui couvert des sapinières et de futaies de hêtres, était tout à fait modelé autrement par les Gaulois. Bibracte était probablement une sorte d’acropole comportant des fossés, des talus et des espaces urbanisés. Plusieurs emplacements bombés, portant peu de traces d’architecture, laissent penser qu’ils étaient réservés aux réunions. En d’autres endroits, l’oppidum est traversé par plusieurs voies qui structurent l’urbanisme », fait-elle remarquer en arpentant les chemins en forêt.
« Les constructions gauloises n’avaient rien à envier en complexité, voire même en ornementation, aux architectures urbaines à pans de bois de la fin du Moyen-Age ».
Haut lieu de différents épisodes importants de la guerre des Gaules, Bibracte garde l’empreinte des influences de l’envahisseur romain et les dégagements des vestiges permettent de mesurer cet impact progressif.
Dans une première phase, fin du IIe siècle/début du Ier s. av.J.-C., l’architecture n’utilise que la terre et le bois. De cette période, les vestiges enfouis sont ténus et les scientifiques se penchent sur les pollens piégés dans les tourbières pour enquêter sur l’environnement. En revanche, les archéologues ont pu dégager des maisons spacieuses de plan romain, plus récentes, qui font écho aux techniques de construction méditerranéennes introduites à partir du milieu du Ier s. av. J.-C., à quelques mètres d’une fontaine maçonnée à l’époque romaine.
Paléontologue, climatologue
« C’est un site important car on y voit bien le passage de la ville gauloise, en terre et en bois, à la ville romaine avec ses murs en pierre et ses toits de tuile rouge ».
« Au moment où la ville est créée, on est à moins de 200 kilomètres des limites de l'Empire romain. »
« Les queules »
«Cette belle forêt, qui habille les flancs du mont Beuvray n’a rien d’« historique », souligne Vincent Guichard, qui poursuit : « même si, à l’époque, la ville comprenait certainement des îlots de forêts protégées, de bois sacrés en quelque sorte ». De la mémoire du passé, restent cependant, ici et là, quelques « queules », vestiges de haies plessées, abandonnées qui ont repris leur liberté pour redevenir des arbres. Ces haies étaient constituées de jeunes pousses de hêtres, jadis déviées de leur croissance pour empêcher le bétail de passer. Associées aux pâturages, elles occupaient la plus grande partie du sommet du mont avant la Première Guerre mondiale et correspondaient à l’héritage d’antiques pratiques culturales, en vigueur dès le néolithique, et encore d’actualité du temps des Gaulois... Techniquement, les branches des hêtres, entrelacées à l’horizontale, se redressaient à angle droit pour poursuivre leur croissance, créant de la sorte un effet de chandelier. Entre les hêtres, d’autres essences étaient plantées à intervalles réguliers, destinées quant à elles à croître en hauteur : ainsi, les souches des premiers s’étoffaient en largeur, tandis que houx et noisetiers prenaient de la hauteur, constituant ainsi des barrières infranchissables pour les animaux.Sous la végétation, affleurent des bribes du passé qui pallient largement l’absence de sources écrites et qui permettent de visualiser le mode de vie de ces populations. Ainsi, à Bibracte, divers outils et fours destinés à fabriquer ou fondre des alliages de métaux ont été mis à jour par les archéologues.
S’il semble que les Gaulois ne faisaient qu’un usage parcimonieux de l’écriture, les vestiges témoignent de leur savoir-faire relatif à l’exploitation minière des richesses du site et de leur habileté à travailler les métaux dans des ateliers. D’autres vestiges, plus sophistiqués, tels que fibules à décor d’applique, coupe italique à vernis rouge ou bien encore rivet incrusté d’émail ou pendeloque-amulette avec galet de quartz etc témoignent d’une maîtrise de la céramique et du verre.
En somme, résume Vincent Guichard, « le sous-sol de Bibracte, prolixe en informations, permet de relire le passé et de rectifier l’idée selon laquelle sans les Romains, les Gaulois auraient continué à survivre tant bien que mal dans de sombres huttes. »
« L’Europe du nord des Alpes était totalement organisée, mise en valeur et exploitée de manière intensive, avant l’arrivée des Romains. »
Bibracte et le mont Beuvray en 6 dates |
(extrait de l’ouvrage d’Anne-Marie Romero, Archéologie d’une ville gauloise, Bibracte)
- 150 av. J.-C. (au plus tard)
- 15 av. J.-C. (environ) Fondation d’Autun - Augustodunum, qui marque le déclin de Bibracte. |
Pour en savoir plus :
Du celte Mar (« noir ») et Vand (« montagne »), le massif français du Morvan est situé en Bourgogne (est) -aux confins des départements de l’Yonne, de la Nièvre, de la Côte d’Or et de la Saône et Loire.
Mont-Beuvray
St Léger sous Beuvray - 71990
Téléphone renseignement : 03 85 86 52 35
Télécopie : 03 85 82 58 00
Site internet : http://www.bibracte.fr/index.php
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