par Agnès Rougier
Article publié le 17/04/2009 Dernière mise à jour le 04/05/2009 à 12:38 TU
L’analyse des agriculteurs et des différents acteurs de la réserve de biosphère de la Pendjari était juste : la population augmente et la zone d’occupation contrôlée (ZOC) dédiée à l’agriculture durable ne suffit plus à nourrir tout le monde. Il a donc fallu diversifier les activités et trouver des solutions alternatives, comme la chasse. Si l’Afrique de l’Ouest est la région d’Afrique qui détient le plus grand nombre des sous-espèces spécifiques de la région, ce patrimoine a été longtemps mis en danger par un pillage caractérisé, au profit de pays étrangers. L’organisation de territoires de chasse a donc apporté une rigueur de gestion efficace et une remontée notable du nombre d’animaux sauvages.
L’Afrique de l’Ouest est la région d’Afrique qui abrite le plus grand des bubales d’Afrique, le plus grand de tous les damalisques du continent, le buffle des savanes ou le cobe de Buffon. Petite ou grande, la chasse pratiquée dans la région est entendue comme un moyen de gérer les ressources naturelles. Les organisateurs de cette chasse contrôlée distinguent la « grande chasse », ou chasse au gros gibier (lions, buffles, hippopotames ou antilopes etc) et la « petite chasse » (phacochères, pintades et autres gibiers à plumes !).
Pourquoi y chasse-t-on le gros gibier ?... Pour rééquilibrer la faune sauvage ! En effet, la population augmentant, les villages, routes et pistes s’accroissent eux aussi, et en parallèle, les zones vraiment sauvages et isolées rétrécissent. En conséquence, d’une part, la densité des animaux sauvages n’arrive plus à se réguler naturellement, d’autre part, les prédateurs peuvent être tentés par des troupeaux qui leurs serviraient de garde-manger !
Dans la réserve de biosphère de la Pendjari, comme dans toutes les réserves de biosphère de l’Unesco, il existe un « cœur » - appelé aussi aire centrale - où l’intervention humaine sur la faune et la flore est interdite. Et comme la réserve de la Pendjari communique également avec les parcs W et Arli (W.A.P.), qui fonctionnent suivant le même principe, les animaux, qui s’y sentent protégés, croissent et se multiplient allègrement.
La vaste réserve de la Pendjari compte elle-même plusieurs aires centrales (zones en vert foncé sur la carte ci-dessous).
Mais quand les animaux sauvages traversent la rivière Pendjari, au sud du parc, ils arrivent dans la zone cynégétique (zone en jaune pâle sur la carte) et se transforment en gibier pendant la période de chasse, entre décembre et mai.
La zone cynégétique de la réserve (cf zone en vert clair sur la carte) mesure 5 000 km² et est bordée par la chaîne de montagnes de l’Attakora, au sud, et la rivière de la Pendjari, le long du parc au Nord.
En traversant la réserve de biosphère avec son directeur, Djafarou Ali Tiomoko, nous découvrons à chaque coup d’œil un groupe d’antilopes, gibiers des humains, mais aussi des lions !
Directeur de la Réserve de biosphère de la Pendjari
« Les herbivoires et les carnivores cohabitent. »
Trois zones de chasse sont accessibles en bordure de la réserve. On y accède par Batia au sud, par Porga au nord - ouest et par Konkombri au nord - est.
Ce sont des zones de chasse privée, exploitées par des guides de chasse professionnels, qui sont les concessionnaires de ces zones, sous le contrôle de l’Office d’Etat en charge de la gestion de la réserve.
Mais pourquoi a-t-on besoin d‘abattre des animaux ? N’y a-t-il pas assez de prédateurs pour exercer une régulation naturelle ? Patrick Martin, guide de chasse, répond qu'il existe « une surpopulation d’animaux, parce que c’est le seul endroit de la région où il reste de l’espace… »
Guide de chasse
« La démographie s'accroît tellement dans la sous-région que les animaux sauvages viennent se concentrer ici, d'où une surpopulation qui n'existait pas avant. »
A Konkombri, on chasse le buffle… ou le lion
La zone cynégétique de Konkombri couvre 47 000 Ha. Konkombri est l’une des cinq zones de grande chasse au Bénin. Sur l’ensemble du territoire béninois, les quotas de chasse annuels sont autour d’une centaine de buffles, 5 lions, et par espèce d’antilopes (céphalophe, cob de fassa, bubale…) entre 75 et 100, ce qui fait au total un millier d’animaux par an.
Mais comment les guides peuvent-ils connaître le nombre exact d’animaux à abattre par espèce ? Tout simplement, en les comptant.
« Tous les deux ou trois ans, on vérifie en avion les comptages faits à pied chaque année. »
La zone de Konkombri est exploitée par deux guides de chasse. Ce sont les guides qui créent eux-mêmes leur campement (très accueillant à Konkombri) et engagent le personnel local pour la remise en état des pistes, le travail de pisteur, et l’accueil des clients. Sur le campement, une vingtaine de personnes travaillent ainsi de manière saisonnière.
Un tourisme de riches !...Mais sachant que le prix d’un permis de chasse au Bénin est de 458 € ; que la taxe d’abattage pour un lion représente 2 686 € et pour un buffle, 610 € ; sachant que le tarif d’un guide pour un chasseur pendant une semaine est de 5 950 €… Les chasseurs qui peuvent se permettre ces dépenses sont nécessairement fortunés !
En discutant avec les travailleurs saisonniers, on s’aperçoit qu’ils aimeraient bien avoir eux aussi l’occasion de chasser, mais pour cela, ils devraient être formés : «… il faut apprendre à tirer ! », disent-ils. Mais du côté des guides, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Mais des retombées sur la population villageoise de la réserve
Dans le cadre de la gestion de la réserve de biosphère dans son entier, il y a nécessairement quelques retombées sonnantes et trébuchantes de cette chasse privilégiée sur les villageois de la région. D’abord, toute la viande d’animaux abattus est redistribuée gratuitement dans le voisinage, livrée directement dans les villages.
Ensuite, 30% de la recette est reversé à l’association villageoise de gestion des ressources en faune. Enfin, les divers taxes et permis apportent un peu d’argent dans les caisses de l’état.
Un outil qui fonctionne, semble-t-il
Et au-delà des retombées financières et en nature non négligeables, depuis une dizaine d’années, grâce à l’implication des villageois dans la gestion générale de leur réserve, le nombre d’animaux ne cesse de croître : c’est signe de réussite. En contrepartie, une régulation semble donc nécessaire.
Si l’on remarque que les concessionnaires de la chasse privée au gros gibier sont des guides européens et leurs clients aussi, majoritairement, les populations de la Pendjari commencent à prendre les choses en main, en proposant à une clientèle moins fortunée de venir chasser dans les « réserves de chasse villageoise ».
Pour en savoir plus :
Consulter le site de la Réserve de biosphère de la Pendjari