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Afrique de l'Ouest

Une chasse communautaire également ouverte aux touristes

par Agnès Rougier

Article publié le 17/04/2009 Dernière mise à jour le 06/05/2009 à 10:12 TU

Qu'il soit petit ou gros, tout gibier mérite d'être protégé. L’Afrique de l’Ouest s'attelle avec rigueur à l’exploitation durable de ses ressources. Une gestion qui passe entre autre par une planification des deux types de chasse, privée et communautaire. La chasse aux phacochères, pintades et autres gibiers à plumes n'échappe donc pas à la réglementation. L'objectif ? Assurer la protection des réserves naturelles de la biosphère tout en faisant face aux besoins grandissants d'une population croissante.

 

A la Pendjari, les habitants des onze villages -situés dans la zone d’occupation contrôlée (ZOC) de la réserve de biosphère- se sont organisés pour mettre en place la gestion d’une chasse communautaire, également ouverte aux touristes.

Des zones de chasse, sous contrôle des populations, ont été créées autour des villages : pour conduire à bien ces programmes, les réserves de chasse villageoise autogérées (les "Revica") travaillent avec les Associations villageoises de gestion des ressources en faune (les "Avigref").

Ce sont les populations villageoises elles-mêmes -à la fois conscientes de l’importance de la réserve et confrontées à des nécessités quotidiennes- qui sont à l’origine du dispositif. Djafarou Ali Tiomoko, directeur de la réserve de biosphère de la Pendjari, estime qu'il était inévitable de trouver de nouvelles sources de revenus : « Les espaces agricoles s’avérant insuffisants, explique-t-il, les réserves villageoises de chasse ont été mises en chantier. Il y a même des villages qui ont décidé de réduire la superficie de coton conventionnel ! »

Djafarou Ali Tiomoko

« On a compris qu'il fallait trouver des activités alternatives à l'agriculture; les activités de chasse contrôlée en font partie. »

17/04/2009 par Agnès Rougier

Carte des zones de protection de la réserve de la Pendjari.© T.K.Buttschardt/ Arli Natitingou 2003.

Carte des zones de protection de la réserve de la Pendjari.
© T.K.Buttschardt/ Arli Natitingou 2003.

Organisation villageoise

Un grand nombre  d’anciens braconniers ont été recrutés pour travailler dans la réserve. Ils ont une parfaite maîtrise du terrain.Aujourd'hui, ces véritables spécialistes touchent des primes qui peuvent atteindre de 3 000 à 10 000 FCA pour leur travail. IIs récupèrent, en outre, la viande nécessaire pour satisfaire les besoins des villages.

Réunion des chasseurs et autres membres de la Revica de Porga.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Réunion des chasseurs et autres membres de la Revica de Porga.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La tâche que se partage une trentaine de membres actifs de l'association à Porga est rigoureusement organisée et diversifiée au gré des saisons. Chaque responsable recrute, le moment venu, son équipe.

Avant l'ouverture de la chasse, les villageois pratiquent les feux précoces pour débroussailler et préparer le terrain.

Puis, début décembre, les équipes chargées de l’aménagement et de la surveillance veillent à la remise en état des pistes, sous la direction même des pisteurs.

De la mi-décembre jusqu'au mois de mai, pendant la période de la chasse, pisteurs, rabatteurs et chasseurs sont mobilisés.

Daniel, responsable de la Revica de Porga.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Daniel, responsable de la Revica de Porga.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Puis, dès lors que la chasse est officiellement fermée, en mai, des riverains sont désignés pour  patrouiller et dissuader les braconniers : « On [les] fait sortir de la zone et on les paie », explique Daniel, responsable de la Revica de Porga.

Le petit gibier pullule

A la Pendjari, on chasse les tourterelles, gangas, poules de roches, canards siffleurs, perdrix ou pigeons des rôniers mais aussi phacochères, céphalophes, et babouins.

Au palmarès des gibiers préférés des chasseurs : les francolins, les pintades, les canards armés et les phacochères.

L’accueil des chasseurs

Pour des raisons économiques, les clients de la réserve de Porga sont principalement européens : il faut payer pour chasser, et la population locale n'en a pas les moyens : depuis 2004, il en coûte 20 000 FCFA par chasseur et 3 000  FCFA par jour pour le rabatteur.

Les chasseurs, qui peuvent arriver par Cotonou (Bénin) ou Ouagadougou, réservent en général pour une semaine, et trouvent facilement à se loger dans les hôtels de la zone.

La chasse commence à 6 heures du matin, les chasseurs sont d’abord véhiculés, puis marchent ensuite vers les points d’eaux et les bas fonds, où ils ont l’assurance de trouver le gibier en fonction de l’heure. La chasse s’arrête pendant les heures chaudes, reprend vers 15h puis à 19h, on replie.

Agrandir la clientèle, une nécessité

Grâce aux recettes des années précédentes, le travail de remise en état des pistes peut commencer début décembre. Malheureusement, la clientèle varie selon les années. Il arrive que le total des recettes ne soit pas suffisant pour réaliser l’intégralité des travaux prévus.

Mais, comment assurer une promotion importante en Europe -là où niche la clientèle potentielle- quand les associations villageoises africaines ne disposent pas de budget suffisant pour assurer leur promotion ? L'idéal serait, pour les représentants de ces réserves, de pouvoir se déplacer en Europe afin d'être représentés sur les divers salons de la chasse ou de la nature.

Créer des points d’eau pour chasser plus longtemps

Un autre handicap tient à la durée de la saison de chasse. Pour améliorer le fonctionnement de la chasse autogérée, il faudrait pouvoir prolonger la saison de chasse jusqu'à la fin mai. 

La mare Bali, l'une des seules mares persistantes pendant la saison sèche.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La mare Bali, l'une des seules mares persistantes pendant la saison sèche.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Actuellement, dès début février, les mares et points d’eau s’assèchent; or, c'est là précisément que les animaux se réunissent pour s'abreuver… et que les chasseurs s’embusquent !

Cette difficulté a été évoquée à Porga, lors de la réunion des membres de l’association de chasse villageoise et de l’association villageoise de gestion de la faune. Le président de l’Avigref interpelle Daniel, le responsable de la chasse autogérée, à ce sujet.

Président de l'Avigref de Porga

« Le manque de points d'eau disperse les animaux. »

17/04/2009 par Agnès Rougier

Pour remédier à cet état de fait, qui occasionne un important manque à gagner, les membres des Revica demandent des aides financières et logistiques afin d'ouvrir de nouveaux points d’eau.

Autogestion : des retombées financières… et en nature

Néanmoins cette chasse sous contrôle est globalement positive à plusieurs titres. Les Réserves de chasse villageoises autogérées occasionnent des retombées économiques et financières non négligeables vers les populations locales.

S’y ajoute l’apport en viande de chasse : au minimum, la moitié du gibier tué par les chasseurs revient à la population, et cette viande est vendue ensuite très peu chère dans les villages environnants.

Et en terme de bénéfice, cette organisation, au-delà des ressources qu’elle draine, permet clairement d’assurer une meilleure protection des ressources naturelles. La meilleure preuve ? Les populations animales sont en croissance dans toute cette zone.

Vers l'article : Chasser pour nourrir les hommes et protéger la biosphère

Pour en  savoir plus :

Site de la Réserve de biosphère de la Pendjari