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Santé/Justice

Le laboratoire Pfizer indemnise les victimes d'essais médicaux au Nigeria

par Marion Urban

Article publié le 04/08/2009 Dernière mise à jour le 05/08/2009 à 09:04 TU

Le géant pharmaceutique américain Pfizer a signé un accord avec l'État de Kano, au nord du Nigeria pour verser des indemnisations d'un montant de 75 millions de dollars (52 millions d'euros) aux victimes d'essais d'un médicament contre la méningite distribué en 1996 au moment d'une épidémie.

En avril 1996, lors d'une triple épidémie de méningite, de rougeole et de choléra, le laboratoire Pfizer aurait testé de façon illégale sur les enfants un antibiotique, le Trovan Floxacine et aurait utilisé un médicament standard contre la méningite, le ceftriaxone, à forte dose.

11 enfants seraient morts à la suite de ces essais: 5 auraient pris le premier produit, 6 le second. 189 enfants auraient subi des séquelles de l'utilisation de ces médicaments: cécité, surdité, paralysies et dommages cérébraux.

L'épidémie avait fait près de 11 000 victimes.

Des enfants cobayes

C'est en décembre 2000 que le quotidien américain The Washington Post avait publié une enquête rapportant le témoignage de parents d'enfants tombés gravement malades après l'utilisation de l'un des deux médicaments.

Le Trovan, alors en phase de développement clinique, avait été distribué aux parents -parmi eux de nombreux analphabètes- sans qu'ils aient été informés de la nature de l'expérimentation, en plein "pic" de l'épidémie.

Mis en cause, le laboratoire Pfizer avait rejeté les accusations des Nigérians, affirmant que les enfants étaient simplement victimes de la maladie et que les protocoles internationaux avaient été respectés.

Le Trovan, mis sur le marché américain en 1997 pour des traitements de maladies autres que la méningite, a réduit son champ de prescriptions deux ans plus tard en raison de ses effets secondaires, notamment sur le foie. L'antibiotique est interdit en Europe.

La publication de l'enquête du Washington Post suscita des manifestations et le ministre nigérian de la Santé créa un comité d'enquête sur les activités de Pfizer. Le rapport ne fut jamais publié.

L'affaire rebondit

En mai 2006, le Washington Post revient à la charge en exhumant le rapport du comité d'experts nigérians. Le document est explicite et conclut à de graves violations de la loi nationale et des conventions internationales.
Les parents des 200 enfants cobayes n'ont pas été avertis des conditions de l'expérimentation. Les agents de santé se seraient contentés de poser la question : Voulez-vous participer à un programme de recherche ? Sans autre explication.

Le laboratoire aurait aussi fondé son expérimentation sur un accord passé avec comité éthique de l'hôpital de Kano, et non pas avec l'autorisation des autorités sanitaires de l'État.

Le médecin nigérian référent de Pfizer, chargé de superviser l'expérimentation, n'aurait pas reçu toutes les données de l'équipe de chercheurs américains.

Plusieurs plaintes sont alors déposées au nom des familles contre le laboratoire américain et contre l'État nigérian qui n'a pas protégé ses citoyens. L'État de Kano et le gouvernement fédéral portent le cas devant la justice américaine.

Refus d'être vaccinés

En 2003, une campagne de vaccination contre la poliomyélite dans l'État de Kano se heurtent à la méfiance des habitants. La rumeur court sur Internet que le vaccin anti polio ferait partie d'un complot occidental pour réduire la population musulmane mondiale. Les imans appellent au boycott.
Échaudés par les expérimentations du Trovan, les gens refusent les doses qu'on leur propose gratuitement. Les vaccins seront renvoyés à l'étranger pour qu'ils soient testés -une décision qui choqua à l'époque- avant qu'ils soient à nouveau autorisés.

Un fonds d'indemnisation

L'accord conclu entre le laboratoire pharmaceutique américain et les autorités de l''État de Kano implique que celui-ci renonce à des poursuites judiciaires.

En échange, l'inventeur du Viagra versera 30 millions de dollars (20,8 millions d'euros) pour des programmes de santé, choisis par le gouvernement de Kano dans les deux prochaines années. Il remboursera 10 millions de dollars (6,9 millions d'euros) correspondant aux dépenses engagées par l'État nigérian.
Pfizer ouvrira un fonds à hauteur de 35 millions de dollars (24,2 millions d'euros) pour répondre aux demandes d'indemnisations fondées.

Les plaintes individuelles continuent de courir devant le tribunal international de commerce, basé à New York. L'État nigérian réclame, quant à lui, 9 milliards de dollars (6 milliards d'euros) au laboratoire pharmaceutique.

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