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Histoire des Internationaux de France

Première partie : terre battue et Mousquetaires (1891-1968)

par Marc Verney

Article publié le 07/05/2008 Dernière mise à jour le 08/05/2008 à 17:08 TU

Le joueur français Jean Borotra sur le court central de Roland-Garros à Paris, le 30 juillet 1932.(Photo: AFP)

Le joueur français Jean Borotra sur le court central de Roland-Garros à Paris, le 30 juillet 1932.
(Photo: AFP)

Construit en 1928, le stade parisien de Roland-Garros fête en 2008 ses 80 ans. Voilà l’occasion de revenir sur l’histoire passionnante d’un tournoi inséparable d’une enceinte devenue au fil du temps emblématique du tennis sur terre battue : les Internationaux de France. Première partie de cette déjà longue histoire : 1891-1968.

Inventé en 1874 par un Britannique, le major Walter Clopton Wingfield, le lawn tennis débarque en France à la fin du XIXe siècle dans le sillage des touristes anglais qui séjournent le long des côtes de l’Hexagone, les beaux jours venus. La première édition d’un « championnat de France de tennis » se tient à Paris en 1891, sur les courts du Racing Club de France, dans le bois de Boulogne.

C’est un d’ailleurs un Britannique du nom de Briggs qui l’emporte devant une petite dizaine de spectateurs, « choisis et fins connaisseurs », à en croire le bulletin de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), qui a en charge l’organisation du tournoi.
S’il s’ouvre aux femmes en 1897 (elles sont trois !), le tournoi est encore réservé (jusqu’en 1924) aux joueurs hexagonaux et aux licenciés étrangers des clubs français. Les héros de ces années-là sont Français et s’appellent Vacherot, Aymé, Germot, mais surtout Decugis, qui gagnera l’épreuve huit fois en simple, quatorze fois en double et sept fois en mixte.

Stars et Mousquetaires

En 1912, Duane Williams, Américain passionné de tennis et de culture française soumet aux dirigeants de l’USFSA l’idée de lancer, parallèlement à la compétition hexagonale, un championnat du monde sur terre battue à même de concurrencer la grande épreuve de Wimbledon, qui se joue déjà sur une surface gazonnée. Joués à la Faisanderie (Saint-Cloud) sur des terrains appartenant au Stade français, ces championnats font, dès leur première édition, de l’ombre à la compétition nationale.

C’est dans ce contexte, qu’apparaît, juste avant la Première Guerre mondiale, la première « star » féminine du tennis français : Suzanne Lenglen. Echouant d’un cheveu face à Marguerite Broquedis au championnat de France 1914, Lenglen éblouit les spectateurs des championnats du monde quelques semaines plus tard en remportant la finale devant Germaine Golding.

En 1925, à la suite d’une vaste réorganisation du tennis mondial, Paris gagne le droit d’organiser de manière pérenne une compétition internationale sur terre battue au côté des Britanniques (Wimbledon), des Américains (Forest-Hill) et des Australiens. L’épreuve nationale s’ouvre alors aux joueurs non issus de clubs français et rend inutile le championnat du monde.
C’est le vrai début des Internationaux de France, qui sont organisés conjointement par le Racing Club de France et le Stade français. Dans les années vingt, l’Hexagone admire quatre tennismen exceptionnels, Henri Cochet, René Lacoste, Jean Borotra et Jacques Brugnon. Surnommés les Mousquetaires par un public qui les adule, ils vont rafler tous les honneurs dans les compétitions mondiales et surtout gagner la Coupe Davis en 1927 à Philadelphie face aux Américains emmenés par William Tilden. C’est la grande époque du tennis français.

Roland-Garros, un stade pour la Coupe Davis

Il faut donc d’urgence construire un stade pour accueillir la revanche de 1928. Ce sera une enceinte de 3,25 ha bâtie en bordure du bois de Boulogne, non loin de la porte d’Auteuil sur un terrain concédé par la ville de Paris. Le projet est mené conjointement par les présidents du Stade français et du Racing Club de France, Pierre Gillou et Emile Lesieur. Le nom du lieu est choisi par ce dernier : ce sera Roland-Garros, du nom d’un aviateur ami, premier as de la chasse hexagonale dans le conflit de la Première Guerre mondiale, tombé en 1918 à Vouziers, dans les Ardennes. C’est donc là, dans cet espace idéalement situé à l’ouest de la Capitale, que se déroulent les Internationaux de France depuis 1928.

Dans les années trente, à côté des Mousquetaires vieillissants, les champions français de Roland-Garros ont pour nom Marcel Bernard ou Christian Boussus; mais ce sont les duels terribles entre l’Anglais Fred Perry et l’Allemand Gottfried Von Cramm qui font vibrer la terre battue de la porte d’Auteuil. En 1938, juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, c’est un Américain rouquin et débonnaire, Donald Budge, qui gagne à Roland-Garros. Budge, dans la foulée, réalise le premier Grand Chelem de l’histoire du tennis (victoires en France, Grande-Bretagne, Etats-Unis et Australie).

Manque de balles !

Après l’interruption de la guerre, où le stade est utilisé à des fins artistiques et de propagande, les Internationaux de France reprennent le 19 mai 1945. Contrairement à Wimbledon, touché à seize reprises par les bombes, l’enceinte de la porte d’Auteuil est restée préservée des combats. Seules manquent alors les balles. Il faut « rafistoler », regonfler celles qui ont servi avant-guerre… C’est seulement en 1946 que Roland-Garros retrouve un peu de son lustre : en finale, le Français Marcel Bernard, confronté au tennisman à lunettes Jaroslav Drobny, Tchécoslovaque au style régulier et quasi mathématique, l’emporte dans une atmosphère d’anthologie.

Un mois de juillet particulièrement torride en 1947 conduit les autorités du tennis à modifier le calendrier de la saison 48. Le tournoi de Paris retrouve très vite les dates traditionnelles qui sont toujours celles d’aujourd’hui : de la fin mai au premier dimanche de juin. Dans cette période de l’immédiat après-guerre, ce sont les Américains, avec Budge Patty, Pancho Gonzales ou Frank Parker, qui imposent leur style sur la compétition.

Dans les années cinquante à soixante, le professionnalisme attire de plus en plus de joueurs « amateurs » qui ne peuvent plus dès lors s’inscrire à Roland-Garros. Loin devant un tennis hexagonal en crise, de nouveaux espoirs Européens mais surtout Australiens s’imposent : Ken Rosewall est surnommé « le petit maître de Sydney » par une presse charmée par un jeu encore montré aujourd’hui en exemple dans toutes les écoles de tennis.
Pourtant en 1968, au beau milieu des « événements » du mois de mai, la révolution du tennis professionnel va bouleverser le monde jusqu'alors bien ordonné de la terre battue…

Consulter la deuxième partie: l’ère «open», de 1968 à aujourd'hui (lire)

La terre battue, reine des courts de Roland-Garros

Extrait de l’ouvrage La fabuleuse histoire de Roland-Garros par Patrice Dominguez, avec Thibaut Fraix-Burnet et Julien Bourhis (Plon/FFT, avril 2008):
« Les deux instigateurs du projet (du stade de Roland-Garros, Emile Lesieur et Pierre Gilllou, NDR), savent pouvoir compter sur Charles Bouhana, véritable alchimiste de la conception des courts en terre battue. Son entreprise se charge donc de préparer les courts du nouveau stade. Il faut aussi songer à se prémunir contre le mauvais temps. L’idée de disposer une bâche au-dessus du court est vite abandonnée. "Il a paru plus simple aux organisateurs d’avoir recours à l’installation d’un réseau de canaux souterrains, disposés à cinquante centimètres de profondeur sous la surface du court, canaux destinés à absorber en quelques secondes toute trace de pluie, peut-on lire dans la revue Tennis et Golf. Les expériences qui ont été faites prouvent en effet que la surface du court s’assèche avec une prodigieuse rapidité". Par-dessus ce réseau, Bouhana stabilise le sous-sol par le biais d’une couche de pierres servant également de filtre, puis applique une couche de gravillons, une autre, épaisse d’une vingtaine de centimètres, de gros mâchefer, une troisième de mâchefer, fin celui-là, et pour finir la chape de calcaire. Reste la touche finale, la brique pilée, issue de la propre briqueterie de Charles Bouhana, saupoudrée à la surface pour donner aux courts leur fameuse couleur ocre. Cette dernière n’est pas uniquement là pour le ravissement des yeux ; elle sert avant tout à augmenter le confort du joueur dans ses appuis comme dans ses glissades ».

A lire également :

La fabuleuse histoire de Roland-Garros (Patrice Dominguez, avec Thibaut Fraix-Burnet et Julien Bourhis), préface d e Christian Bîmes, président de la Fédération française de tennis, Plon/FFT, avril 2008, 35 euros.
Publié à l’occasion du 80e anniversaire du stade de Roland-Garros, ce livre, passionnant de bout en bout, largement illustré, revient sur la construction de cette enceinte sportive parisienne mythique, qui héberge les Internationaux de France depuis 1928.

Roland-Garros à la une de l’Equipe, diffusion Hachette Livre, 25 euros. Un coffret plutôt original, dans lequel on trouve la reproduction des vingt unes historiques du quotidien sportif consacrées à Roland-Garros et un petit livret de trente-deux pages dans lequel est relatée l’histoire de la compétition.

La saga des Mousquetaires (Fabrice Abgrall et François Thomazeau), Calmann-Levy, mai 2008, 19,90 euros.
Sous-titré « La belle époque du tennis français », le livre revient sur l’épopée peu commune de quatre tennismen hexagonaux à la fin des années vingt et au début des années trente. En effet, le 10 septembre 1927 à Philadelphie, la France remporte pour la première fois la Coupe Davis grâce à des joueurs de légende, plus connus sous le surnom de Mousquetaires. Jusqu'en 1932, sans interruption, Henri Cochet, René Lacoste, Jean Borotra et Jacques Brugnon vont rafler les victoires dans la célèbre épreuve par équipe et incarner l'âge d'or du tennis français.

Plus d’informations :

Le site internet de Roland-Garros (lire)