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Réfugiés

L’UE lance le retour des réfugiés afghans

L’Union européenne vient de débloquer une enveloppe budgétaire conséquente destinée au rapatriement des réfugiés afghans. Une politique vivement critiquée par certains en raison du climat d’insécurité économique et politique de l’Afghanistan et de l’afflux de réfugiés que connaît déjà ce pays.
Depuis plusieurs mois, la Commission européenne hésitait à donner son feu vert au rapatriement des réfugiés afghans. Les raisons de ses doutes étaient multiples, notamment la menace d’une guerre en Irak et la difficile situation climatique en hiver. Le plan de rapatriement, qui a finalement été adopté mardi, propose le retour des réfugiés présents en Europe sur une «base volontaire», sans pour autant exclure les «retours forcés» pour les Afghans qui n’ont pas demandé, ou obtenu, le droit d’asile. Il sera doté en 2003 d’une enveloppe de sept millions d’euros destinée à assurer la prise en charge des réfugiés lors de leur arrivée en Afghanistan, notamment le financement de structures d’accueil et des frais de transport jusqu’à leur destination finale. Ce plan, qui prévoit le retour d’environ 1 500 Afghans par mois, devrait débuter au cours des prochaines semaines.

Les pays de l’Union européenne qui ont accueilli de nombreux réfugiés afghans demandaient depuis plusieurs mois à pouvoir organiser leur retour. Beaucoup d’entre eux sont entrés de manière illégale et il est du coup difficile de donner un chiffre précis, les estimations allant de 100 000 à 400 000 réfugiés afghans pour l’Union européenne. Face à l’afflux constant de nouveaux réfugiés, certains pays comme la France ont décidé d’adopter des décisions drastiques. En novembre 2002, les autorités françaises choisissaient ainsi de fermer le camp de Sangatte, situé dans le Nord du pays, qui accueillait notamment de nombreux Afghans. Beaucoup d’entre eux continuent depuis à errer dans cette région, dans l’espoir de réussir à parvenir en Angleterre, un pays dans lequel les conditions d’accueil leur sont beaucoup plus favorables. Et plusieurs organisations de défense de droits de l’Homme avaient dénoncé début avril la volonté du ministère français de l’Intérieur d’organiser des vols groupés vers l’Afghanistan. Abandonnée par les autorités françaises, cette mesure a en revanche été appliquée par les Britanniques qui ont expulsé, voilà quinze jours, une trentaine de demandeurs d’asile afghans.

La sécurité se dégrade

L’initiative concertée des différents pays européens devrait donc permettre d’harmoniser les conditions dans lesquelles les retours de réfugiés vont être organisés. Plus que le cadre légal ou financier, certaines organisations dénoncent le moment choisi pour lancer ces opérations de rapatriement. La section française d’Amnesty International rappelle ainsi que ce pays connaît encore une très grande instabilité politique et économique. Dans un communiqué publié mardi, elle a exprimé ses craintes au sujet de la décision européenne qui risque de confronter les réfugiés «à une situation insoutenable». L’organisation souligne notamment le manque de sécurité dans certaines zones du pays et l’absence de cohérence au niveau de la gestion du retour des réfugiés. Et elle craint que la communauté internationale «ne fasse le choix de sacrifier la réintégration des réfugiés et la reconstruction à long terme de l’Afghanistan».

Leurs craintes découlent notamment de récents rapports onusiens particulièrement alarmants. Le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en Afghanistan, Lakhdar Brahimi, a ainsi expliqué mardi devant le Conseil de sécurité que la situation se dégradait dans ce pays, menaçant la paix et l’avenir du pays. «Tout le processus est mis à l'épreuve par la détérioration de la sécurité provoquée par les harcèlements et intimidations quotidiens, les accrochages inter-ethniques et entre factions, l'augmentation des activités d'éléments liés aux talibans ainsi qu'à la drogue», a-t-il déclaré. Une tension croissante qui a amené la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua) à suspendre jeudi toutes ses missions dans le sud du pays. Trois de ses démineurs avaient été blessés par balles quelques jours auparavant dans la province de Zabul.

La politique de l’Union européenne risque en fait également de provoquer un afflux massif de réfugiés depuis deux pays voisins de l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iran, dans lesquels près de quatre millions d’Afghan vivent en exil. Le nombre de retour a déjà considérablement augmenté au cours de la semaine dernière avec une moyenne de 3 000 retours par jour, la plupart d’entre eux venant du Pakistan. Le mois de mai correspond traditionnellement au plus haut mois de retour puisqu’il coïncide avec le début des récoltes agricoles. Plus de 400 000 Afghans étaient ainsi revenus lors du mois de mai 2002. Un chiffre qui pourrait être beaucoup plus important cette année si le Pakistan et l’Iran ne ressentent plus l’obligation d’offrir une aide humanitaire aux réfugiés afghans après la décision de l’Union européenne.



par Olivier  Bras

Article publié le 09/05/2003