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02/05/2002
France : « Nos ancêtres » n’étaient pas tous des « Gaulois »

(MFI) De plus en plus de jeunes, issus de l’immigration ou des départements d’outre-mer, peinent à se sentir concernés par l’histoire qu’on leur apprend. Pour François Durpaire, agrégé et professeur en la matière, cet enseignement tarde en effet à prendre en compte la diversité culturelle des élèves.

On sourit aujourd’hui en pensant à ces instituteurs de la IIIè République parlant de « nos ancêtres les Gaulois » aux petits élèves des anciennes colonies françaises. Mais, de nos jours, de nombreux jeunes ne se retrouvent guère davantage dans l’histoire telle qu’elle leur est racontée dans les manuels scolaires. « Un certain nombre d’élèves, des départements d’outre-mer ou issus de l’immigration, considèrent l’histoire de France comme une histoire étrangère qui ne les concerne pas et n’a pas de sens pour eux », observe François Durpaire. D’où parfois des réflexions comme celle qu’il rapporte dans son livre Enseignement de l’histoire et diversité culturelle : « Monsieur, on s’en fiche de Charlemagne. Nos ancêtres étaient des esclaves »…
Ce type de réactions, François Durpaire en a lui-même fait l’expérience. Enseignant, il exerce en effet dans un lycée de la banlieue parisienne où, si l’on prend en compte les multiples vagues d’immigration, des plus anciennes – italienne, espagnole ou portugaise – aux plus récentes – en particulier d’Asie du Sud et du Sud-Est –, 75 % des élèves sont d’origine immigrée, et un lycéen sur deux d’origine africaine ou antillaise. C’est d’ailleurs ce constat (valable dans bien d’autres établissements français) qui, raconte-t-il, lui a fait prendre conscience de l’obligation d’adapter l’enseignement de l’histoire aux Français d’aujourd’hui.


Les cultures d’origine vues comme un obstacle à l’intégration

Mais si le multiculturalisme est aujourd’hui une réalité dans de nombreuses écoles françaises, il est en revanche encore « peu pris en compte dans les orientations et les programmes scolaires ». Une lacune que l’auteur explique par « les réticences qu’il y a en France à reconnaître la diversité au sein de l’école et de la société. Les cultures d’origine sont vues comme des handicaps bloquant les apprentissages, voire comme un obstacle à l’intégration, une menace pour l’unité nationale ». Une tendance qui peut aboutir à des absurdités, comme lorsque l’on enseigne à un élève d’origine africaine que son pays, la France, était colonisateur, alors que lui-même vient d’une ancienne colonie…
Certes, reconnaît François Durpaire, l’institution scolaire a déjà démontré une certaine évolution sur ces questions. Mais les orientations définies dans les textes officiels restent encore souvent confuses, voire contradictoires, comme lorsque l’on demande de « prendre en compte la diversité culturelle tout en transmettant des valeurs communes »… Ce que chaque enseignant interprète à sa façon : c’est ainsi que dans une école de La Réunion, l’une des deux classes de CM1 étudie les étapes du peuplement de l’île quand l’autre n’entend parler que de l’histoire de la métropole (les Mérovingiens ou le traité de Verdun…) Et si F. Durpaire se réjouit de l’insertion dans les programmes de thèmes tels que la traite négrière et l’esclavage grâce à la loi du 10 mai 2001 proposée par Christiane Taubira, il remarque cependant que tous les nouveaux manuels n’accordent pas à ces sujets la place qu’ils méritent – quand ils ne les éludent pas totalement : « La mise à l’écart prolongée de cette histoire est-elle si profonde que les recommandations officielles ne suffisent pas à la faire sortir de l’oubli ? »


L’Afrique noire, grande absente des programmes d’histoire

L’absence totale de l’Afrique noire dans les programmes d’histoire de sixième et de cinquième où est étudiée la notion de civilisation est un autre « oubli » particulièrement regrettable. Car « il conforte certains dans leurs préjugés et d’autres dans le sentiment de ne pas avoir un passé aussi riche que leurs voisins », déplore François Durpaire. Or, indique l’enseignant, les jeunes originaires d’Afrique, surtout ceux nés en France qui connaissent mal leur pays d’origine, sont particulièrement demandeurs d’un enseignement concernant leur continent.
La prise en compte de la culture de l’élève peut constituer ainsi un formidable levier pédagogique. « Certains élèves qui semblent totalement désinvestis de leurs études deviennent soudain des bourreaux de travail quand il s’agit d’effectuer des recherches sur un thème qu’ils ont choisi en rapport avec leur histoire », témoigne l’enseignant. Surtout, estime-t-il, « intégrer l’histoire des groupes minoritaires à l’histoire nationale est l’une des clés pour intégrer les groupes minoritaires à la nation ». Et c’est là aussi l’un des principaux défis posés aujourd’hui à l’école française : parvenir à offrir un enseignement qui s’adresse réellement à l’ensemble des élèves dont elle a la charge, quels que soient leur milieu ou leur origine.

Enseignement de l’histoire et diversité culturelle. Nos ancêtres ne sont pas les Gaulois, par François Durpaire, co-édité par le Centre national de documentation pédagogique et Hachette Education.


Catherine Le Palud

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