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20/08/2004
Il y a 60 ans, la libération de la France
La presse libérée, la presse renaissante


(MFI) La Libération et l’immédiat après-guerre, en 1944-45, ont vu la renaissance intégrale de la presse française : une situation sans précédent qui a profondément marqué l’évolution future de ce secteur.

Quelques semaines après le débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, l’insurrection populaire est déclenchée à Paris le 18 août. A cette date, la presse parisienne de la collaboration devient muette, ses principaux responsables quittent la capitale. Tandis que les combats se déroulent dans les quartiers de Paris, les journaux commencent à reparaître : le 21 août L’Humanité, Combat ou Libération sont parmi les premiers à se manifester, rejoints les jours suivants par la quasi-totalité des journaux de la Libération.
La plupart des titres sont nouveaux : ils sont issus de la foisonnante presse clandestine qui s’est développée à partir de 1940 dans la résistance (l’un des pionniers s’appelle, précisément, Résistance) et émanent de ses nombreuses tendances et groupes politico-militaires. Au prix de nombreux sacrifices humains, car la répression allemande est implacable, certains de ces titres ont atteint au fil des années des tirages considérables, tel Défense de la France qui franchit la barre des 400 000 exemplaires en 1944. L’Humanité, autre gros tirage de la presse clandestine, est un cas à part : l’organe du Parti communiste français est le seul titre d’avant guerre à avoir basculé, dès 1939, dans la clandestinité. Les autres, qui repaîtront en 1944, comme Le Figaro, L’Aube, ou Ce Soir, s’étaient sabordés lors de la défaite.

Une parution planifiée à l’avance

La subite parution, au grand jour, de ces « nouveaux » quotidiens, les 21 et 22 août, n’a rien de spontané. Depuis des mois, voire des années, on préparait cette phase sous l’égide des organismes unifiés de la résistance et du Gouvernement provisoire de la République française, du général de Gaulle. La liste des journaux autorisés à paraître a été fixée, et il est prévu que les installations et les imprimeries de la presse d’occupation seraient investies et reprises à leur compte par les nouveaux organes, ce qui est fait sous les obus, au prix de grands dangers notamment pour assurer leur diffusion.
Les Parisiens découvrent donc cette nouvelle presse, dont les titres sont éloquents : « Paris brise ses chaînes », annonce Libération le 22 août, tandis que la manchette du Parisien Libéré clame : « La victoire de Paris est en marche ». Le 23, L’Humanité appelle « tout Paris aux barricades », et le 24 c’est Franc-Tireur qui affirme : « Cette fois, Paris fait la guerre ». Le 25 (Front National) : « Paris aujourd’hui acclame De Gaulle », l’homme de Londres venant en effet de faire son entrée à Paris.
Le papier a été contingenté, tous les journaux doivent donc se contenter d’une page recto-verso. L’information est dense : on y suit la progression des combats et l’approche de Paris où elle va faire son entrée de la division du général Leclerc, cartes et photos à l’appui ; on y donne des informations sur la vie internationale, on y publie les communiqués de la résistance ou des syndicats, et on évoque les problèmes – cruciaux pour la population – du ravitaillement, de l’électricité ou du gaz. Et il y a bien sûr, outre les reportages dans Paris, ces éditoriaux au ton lyrique d’une « presse neuve dans une France libre » (Le Parisien). C’est un certain Albert Camus qui rédige l’article devenu fameux, à la « une » de Combat, le 24 août : « Paris fait feu de toutes ses balles dans la nuit d’août. Dans cet immense décor de pierres et d’eaux, tout autour de ce fleuve aux lourds flots d’histoire, les barricades de la liberté une fois de plus se sont dressées… »
Lyrisme, ferveur, enthousiasme : c’est une période d’émotion et d’espoir pour les artisans de cette presse qui entend faire table rase du passé. Dans l’esprit qui est celui de l’époque, le renouveau doit passer avant toute chose, dans le secteur de la presse comme ailleurs, par une politique d’épuration qui touche d’abord les anciennes publications de « la presse de trahison » ou de la « presse indigne ». Leurs biens sont officiellement confisqués et transférés aux nouveaux journaux, tandis que des responsables de presse et des journalistes de la collaboration sont jugés et, pour nombre d’entre eux, condamnés à mort.


Utopies et réalités

Reste à définir la physionomie de la nouvelle presse. Dans la résistance, ses promoteurs ont eu tout le loisir de faire des plans sur l’information du futur, qu’ils souhaitaient soustraire à l’influence des coteries politiques et des financiers, et dont la toute neuve liberté doit être au service des véritables intérêts publics. Camus est de ceux -mais ils sont nombreux - qui ont théorisé sur cette presse du… lendemain : « que voulions-nous ? Une presse claire et virile, au langage respectable », rappelle-t-il avec force à ses confrères. La Fédération nationale de la presse française diffusera, en octobre 1945, une « Charte de la presse » qui reprend un certain nombre de ces idées généreuses qui vont s’avérer si difficiles à mettre en œuvre.
Mais la pression économique comme les circonstances vont précipiter une évolution peu conforme aux grandes utopies de la résistance. Passé le temps des effusions, la presse résistante, souvent produite par des journalistes dilettantes et dominée de fait par les partis politiques, a le plus grand mal à assurer sa survie économique et bon nombre de titres vont disparaître ou être absorbés. Le retour de la publicité dans la presse, au début des années 50, va à la fois conforter la situation économique de journaux jusque là restés très fragiles, et parachever la normalisation d’une presse au profil définitivement commercial.
Quelques journaux ont pu toutefois subsister : c’est le cas du Parisien Libéré qui fait, sous la direction de Claude Bellanger, le choix judicieux de réaliser un grand journal populaire de qualité dont la formule va réussir à s’imposer et à survivre. Les autres grands titres nationaux issus de la libération (1) seront L’Humanité, Le Figaro et, comme son nom ne l’indique pas, France-Soir, dont l’histoire est significative : dès l’automne 44, l’équipe de Défense de la France recrute un professionnel chevronné en la personne de Pierre Lazareff, qui a mené le Paris-Soir d’avant-guerre au succès. Rentré des États-Unis, Lazareff imprime sa marque au quotidien qui sera rebaptisé France-Soir et dont le groupe Havas s’assure progressivement le contrôle. L’éviction, houleuse, des fondateurs de Défense de la France permet à Lazareff de consolider la formule d’un quotidien populaire, volontiers racoleur, où toutes les ficelles sont mises en œuvre pour attirer le lecteur… si bien que France-Soir devient le tout premier journal de France dont le tirage dépassera le chiffre magique du million d’exemplaires.
L’autre grande aventure issue de l’après-guerre est celle du Monde. Sa création, le 11 décembre 1944, a été voulue par le Général De Gaulle qui souhaitait voir naître un quotidien de qualité, largement ouvert à l’information internationale et à l’analyse. Hubert Beuve-Méry prend la tête du journal qui affirme aussitôt son indépendance, au prix de nombreux accrochages avec le pouvoir. Et on peut observer que Le Monde, grâce à son souci d’autonomie (qui conduira à la création de la première société des rédacteurs actionnaire d’un quotidien) et à sa qualité rédactionnelle est sans doute resté le journal le plus fidèle aux idéaux de la résistance, sans en être, c’est le paradoxe, directement issu.

(1) Également issus de la libération, il faut citer bien sûr les grands quotidiens régionaux, comme Sud-Ouest, Ouest-France, Le Dauphiné Libéré ou La Voix du Nord

Thierry Perret


La Radio : reconstruction et reprise en main

(MFI) La presse écrite a été le média par excellence de la clandestinité, pendant la seconde guerre mondiale. Il en a été tout autrement de la radiodiffusion, où les actions de résistance ont essentiellement consisté à préparer, au cœur même de la radio nationale – étroitement surveillée par les Allemands et dominée par les collaborateurs – l’avènement de la victoire. Là aussi les plans étaient prêts, des programmes ont même pu être enregistrés, au nez et à la barbe de l’occupant, dans le cadre du Studio d’art et d’essai, dirigé à Paris par Pierre Schaeffer.
Jean Guignebert, en charge de l’information dans le gouvernement provisoire, est chargé de relancer la radio libérée dès les premiers jours de l’insurrection parisienne. La tâche est ardue et dangereuse, matériellement presque impossible d’autant que les Allemands ont rendu inutilisables les émetteurs. Après trois jours de silence, la Radiodiffusion de la Nation française émet le 22 août un simple message d’annonce, diffuse l’hymne national et des programmes musicaux avant de commencer réellement à produire, le 24 : ce sont les premiers reportages sur les combats dans Paris, l’entrée des chars de la division Leclerc, la diffusion des discours des dirigeants de la résistance et du général de Gaulle, le 25 août à l’Hôtel de ville. Travail exaltant, difficile et aussi quelque peu ingrat : car les difficultés de réception de la radio sont immenses dans une ville où l’électricité est devenue rare (les transistors n’existent pas encore), et l’on ne sait guère, à vrai dire, qui écoute…
La situation se consolidera très progressivement, au plan technique, cependant que les programmes retrouvent une allure normale au bout de quelques semaines. Mais surtout l’évolution de la Radiodiffusion française fait l’objet, très rapidement, d’une reprise en main des nouvelles autorités qui n’entendent plus laisser d’autonomie éditoriale aux responsables et aux journalistes. Finalement Jean Guignebert sera écarté de la tête de la Radio pour laquelle on ressort, intacte, la législation élaborée par le régime de Vichy. L’affaire est entendue : jusqu’aux années 80, l’audiovisuel est un monopole qui reste sous contrôle étroit de l’État, un monopole entamé toutefois par les radios « périphériques », captées en France, et dont l’audience ira s’accroissant.

T. P.




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