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Autriche

Un acte politique majeur <br>

La menace européenne d'isoler l'Autriche est un acte politique majeur. Elle a le poids d'une décision prise par 14 gouvernements dans un élan d'unanimité absolue et dans un but parfaitement louable. Refonder l'Union européenne qui s'apprête à s'élargir sur la réaffirmation des valeurs de démocratie et de respect des droits de l'homme dont la violation par Hitler a entraîné la plus grande tragédie du XXème siècle. Mais cette décision malgré son apparente simplicité et son évidente validité idéologique soulève en fait de multiples débats. Le premier ressort du traditionnel dilemme¯: la fin justifie-t-elle les moyens ? Car en déclarant le parti de Jörg Haider indésirable au gouvernement autrichien, l'Europe dénie sa légalité pourtant réelle et impose sans consultation de nouvelles règles au jeu démocratique.

On peut décider en Europe d'interdire certains partis mais encore faut il le faire dans le respect du droit. D'ailleurs diaboliser Jörg Haider a déjà réussi à le propulser au premier rang dans les sondages. De même il est vrai que lui accorder le respect lèverait un tabou pour l'Europe toute entière et attiserait les extrêmes. Et l'on en vient à un autre débat. C'est évidemment plus facile de rejeter l'extrême droite autrichienne que de rechercher les raisons de son succès. Surtout que cela imposerait de critiquer le monde politique autrichien dans son ensemble. Car c'est lui qui est au coeur de l'affaire actuelle.

Ce sont les conservateurs et les sociaux démocrates qui ont installé depuis cinquante ans un système de partage du pouvoir basé sur l'appartenance politique partout dans l'administration, la banque, l'industrie, l'école que les citoyens ont voulu rejeter. Le malheur veut que seul Haider se soit présenté pour proposer le changement.

Mais les partis traditionnels ont aussi leur part de responsabilité en ayant refusé d'évoluer. Tout comme ils ont accepté de siéger aux côtés de Jörg Haider dans le gouvernement régional de son fief de Carinthie.

Et ce constat ouvre sur une autre problématique encore. Pour que plus jamais les thèses xénophobes ou racistes ne puissent dépasser quelques cercles extrémistes restreints et sans doute irréductibles, les responsables politiques se doivent en priorité de détourner les électeurs des partis qui les professent. Traiter le mal à la racine par des actes politiques appropriés. C'est exactement ce que vient de déclarer le ministre français socialiste de l'intérieur, fortement concerné par le danger du front national. L'angélisme en matière d'immigration dit il peut faire le lit de courants xénophobes comme celui d'Haider.

Décidément la défense par l'Europe de ses valeurs fondamentales impose de se garder de toute simplification. Un chemin difficile mais plus assuré d'aboutir.



par Valérie  Lainé

Article publié le 03/02/2000