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Syrie

La mort du «Bismarck» du Moyen-Orient

Hafez el Assad, l'homme qui tenait la Syrie d'une main de fer depuis près de trente ans, aura perdu son dernier combat. Cet homme, d'une exceptionnelle intelligence, qui pesait, soupesait et calculait les rapports de force au Moyen Orient et à travers la planète, avait réussi à tirer parti des faiblesses de ses adversaires comme de ses alliés. Kissinger, qui l'avait beaucoup pratiqué dans les années soixante-dix et ne cachait pas son admiration pour celui qu'il surnommait le « Bismarck du Moyen Orient », avait énoncé cette maxime : «au Proche-Orient, aucune guerre ne peut se faire sans l'Egypte, mais aucune paix n'est possible sans la Syrie».

Hafez el Assad, qui calculait la moindre de ses actions, s'est pourtant trompé d'une semaine dans ses calculs : son fils Bachar devait être officiellement adoubé le 17 juin en tant que successeur par le congrès du parti Baath. Mais la mort est venue frapper sept jours trop tôt pour que le président Assad puisse peser de tout son poids en faveur de Bachar, contesté dans certains milieux dirigeants.

Pour le régime syrien, la disparition de son leader pouvait difficilement tomber à un plus mauvais moment :

- La succession est loin d'être consolidée, malgré la décision hâtive prise par le parlement syrien, quelques heures à peine après la mort du président, de modifier la constitution pour permettre à Bachar, qui n'a pas l'âge requis, de se porter candidat.
- Le processus de paix avec Israël, en panne depuis l'interruption des négociations en janvier dernier, était sur le point de repartir.
- Le retrait israélien du Liban a privé Damas d'une carte essentielle pour faire pression sur l'Etat hébreu par l'intermédiaire du Hezbollah.

Pourtant, les adversaires du défunt chef de l'Etat n'ont pas vraiment de motif de se réjouir. Cela vaut pour les Palestiniens qui ont toujours redouté -à juste titre- la volonté d'Assad de les instrumentaliser à des fins purement syriennes. Dans leurs difficiles négociations avec Israël, les amis de Yasser Arafat n'ont rien à gagner à l'affaiblissement de la Syrie. Quant à Israël, la perte de son ennemi préféré est franchement une mauvaise nouvelle. Assad était dur, mais prévisible. On connaît le diable qu'on perd, on ne sait ce qui viendra après. Une période d'instabilité risque à présent de s'ouvrir en Syrie, avec les risques de débordements que cela comporte. Mais même si tel n'est pas le cas, il est peu probable que les successeurs d'Hafez el Assad (son fils Bachar ou d'autres) disposeront de la même marge de man£uvre que celui-ci pour faire les concessions qui s'imposeront tôt ou tard. Cela retardera d'autant la conclusion d'un accord de paix. Et l'expérience l'a maintes fois prouvé, le statu quo, au Proche-Orient, risque rapidement de dégénérer en tension régionale.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 10/06/2000

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