Sida
A quand les médicaments pour tous?<br> <br>
Le problème de l'accès aux médicaments contre le sida dans les pays en développement est à nouveau au centre du débat à l'occasion de la conférence mondiale de Durban. Intérêts financiers des laboratoires pharmaceutiques contre souffrances de millions d'êtres humains sans ressources, où est la solution?
Entre dix et quinze mille dollars par an et par personne: c'est le prix actuel d'une trithérapie. Une telle somme dépasse évidemment, et de loin, les capacités budgétaires des pays en développement. Ces tarifs exorbitants représentent l'un des principaux obstacles à l'accès aux soins, notamment sur le continent africain. Les progrès réalisés ces dernières années dans les pays occidentaux grâce aux combinaisons de molécules n'ont pas profité aux populations des régions pauvres. Des voix s'élèvent de plus en plus pour dénoncer cette injustice. Et surtout, pour alerter sur les risques d'anéantissement de certains pays africains où le sida fait des ravages. Selon Peter Piot, directeur d'Onusida, il serait nécessaire d'arriver à une baisse des prix des médicaments de l'ordre de 75%.
Marché noir ou baisse des prix
C'est dans ce contexte que cinq grandes firmes pharmaceutiques ont annoncé en mai 2000, par la voix de l'ONU, leur intention d'engager des discussions en vue "d'améliorer la distribution des soins et des traitements liées au VIH/sida dans les pays en développement". En bref, il s'agirait surtout de baisser les tarifs des molécules anti-VIH. Deux mois avant la conférence mondiale de Durban sur le sida, cette annonce a pu être ressentie comme une tentative de calmer le jeu à un moment les laboratoires étaient mis sur la sellette. Face à toutes les attaques dont elles faisaient l'objet, il était impensable et politiquement incorrect pour les firmes de rester dans une logique totale de marchés et de profits sans tenir compte du désastre humain en cours dans les pays africains notamment.
En agissant ainsi les laboratoires essaient aussi de se prémunir contre les risques de voir se développer un marché noir des médicaments génériques qui leur échappe totalement. L'accord sur les droits de propriété intellectuelle conclu dans le cadre de l'OMC, permet en effet à un pays, en cas d'urgence sanitaire, de fabriquer des copies de spécialités grâce aux "licences obligatoires" et d'effectuer des "importations parallèles" de médicaments en provenance d'Etats qui utilisent ce système et où ces derniers sont moins chers (Brésil, Thaïlande par exemple). Donc de casser le monopole des firmes détentrices des brevets. Une pratique facilitée par la proposition récente de Bill Clinton d'assouplir l'application de la loi protégeant les brevets des médicaments contre le sida en Afrique subsaharienne.
Intérêts financiers et image de marque
En s'engageant sur la voix de la baisse des prix, les laboratoires courent par contre le risque de dévoiler la marge bénéficiaire très importante (estimée à environ de 80%) qu'ils prennent par rapport au coût de fabrication des molécules. C'est une des raisons qui ont retardé longtemps leur décision d'envisager d'appliquer des tarifs moins élevés au Sud. Mais aujourd'hui, ils choisissent la moins mauvaise des solutions pour préserver à la fois leurs intérêts financiers et leur image. D'autant que le marché africain ne représente quasiment rien (1%) pour les firmes pharmaceutiques par rapport à celui des pays du Nord (Europe, Amérique, Japon).
Certes, l'annonce de Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Glaxo Wellcome, Merck and Co et F. Hoffmann La Roche, est un premier pas encourageant. Mais elle reste pour l'instant au niveau de la déclaration d'intention. Reste à savoir sur quelles molécules et combinaisons de molécules les mesures vont porter, qui sera concerné, dans quels pays, comment, pendant combien de temps... D'autre part, la baisse des prix des médicaments n'est pas la solution universelle. Les systèmes de santé des pays en développement souffrent de nombreuses autres carences qui rendent l'accès aux soins difficile. Toutes ces questions seront au centre des discussions à la conférence mondiale de Durban. Une bonne occasion de tester la volonté de trouver des solutions des différentes parties concernées, notamment des laboratoires et des gouvernements des pays africains.
Marché noir ou baisse des prix
C'est dans ce contexte que cinq grandes firmes pharmaceutiques ont annoncé en mai 2000, par la voix de l'ONU, leur intention d'engager des discussions en vue "d'améliorer la distribution des soins et des traitements liées au VIH/sida dans les pays en développement". En bref, il s'agirait surtout de baisser les tarifs des molécules anti-VIH. Deux mois avant la conférence mondiale de Durban sur le sida, cette annonce a pu être ressentie comme une tentative de calmer le jeu à un moment les laboratoires étaient mis sur la sellette. Face à toutes les attaques dont elles faisaient l'objet, il était impensable et politiquement incorrect pour les firmes de rester dans une logique totale de marchés et de profits sans tenir compte du désastre humain en cours dans les pays africains notamment.
En agissant ainsi les laboratoires essaient aussi de se prémunir contre les risques de voir se développer un marché noir des médicaments génériques qui leur échappe totalement. L'accord sur les droits de propriété intellectuelle conclu dans le cadre de l'OMC, permet en effet à un pays, en cas d'urgence sanitaire, de fabriquer des copies de spécialités grâce aux "licences obligatoires" et d'effectuer des "importations parallèles" de médicaments en provenance d'Etats qui utilisent ce système et où ces derniers sont moins chers (Brésil, Thaïlande par exemple). Donc de casser le monopole des firmes détentrices des brevets. Une pratique facilitée par la proposition récente de Bill Clinton d'assouplir l'application de la loi protégeant les brevets des médicaments contre le sida en Afrique subsaharienne.
Intérêts financiers et image de marque
En s'engageant sur la voix de la baisse des prix, les laboratoires courent par contre le risque de dévoiler la marge bénéficiaire très importante (estimée à environ de 80%) qu'ils prennent par rapport au coût de fabrication des molécules. C'est une des raisons qui ont retardé longtemps leur décision d'envisager d'appliquer des tarifs moins élevés au Sud. Mais aujourd'hui, ils choisissent la moins mauvaise des solutions pour préserver à la fois leurs intérêts financiers et leur image. D'autant que le marché africain ne représente quasiment rien (1%) pour les firmes pharmaceutiques par rapport à celui des pays du Nord (Europe, Amérique, Japon).
Certes, l'annonce de Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Glaxo Wellcome, Merck and Co et F. Hoffmann La Roche, est un premier pas encourageant. Mais elle reste pour l'instant au niveau de la déclaration d'intention. Reste à savoir sur quelles molécules et combinaisons de molécules les mesures vont porter, qui sera concerné, dans quels pays, comment, pendant combien de temps... D'autre part, la baisse des prix des médicaments n'est pas la solution universelle. Les systèmes de santé des pays en développement souffrent de nombreuses autres carences qui rendent l'accès aux soins difficile. Toutes ces questions seront au centre des discussions à la conférence mondiale de Durban. Une bonne occasion de tester la volonté de trouver des solutions des différentes parties concernées, notamment des laboratoires et des gouvernements des pays africains.
par Valérie Gas
Article publié le 07/07/2000