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Russie

Alexandre Nikitine:<br><br> «<i>Le sauvetage est possible</i>»

Alexandre Nikitine, ancien commandant de sous-marin nucléaire russe accusé d'espionnage et de haute trahison par le FSB (ex-KGB) qui lui reprocha d'avoir divulgué des informations secrètes sur la flotte russe (rejets de déchets nucléaires toxiques par la marine dans la péninsule de Kola) répond aux questions de RFI. Après 10 ans passés en prison et 4 procès, Nikitine a été acquitté en avril dernier. Jean-Marie Coat l'a joint à Oslo en Norvège, dans les bureau de l'organisation norvégienne de défense de l'environnement Bellona.
RFI : Y a-t-il encore un espoir de sauver l'équipage du sous-marin ?

Alexandre Nikitine : Je crois qu'une opération de sauvetage est encore possible, si tous les moyens dont on dispose sont mis en £uvre.

RFI : De quels moyens voulez-vous parler ?


A.N. : Premièrement il faut décider qu'il faut les sauver. Parce que vous voyez, moi j'ai l'impression que les sauveteurs pensent davantage à sauver le sous-marin que l'équipage. En principe on dispose de suffisamment de moyens techniques pour récupérer l'équipage. La flotte russe possède des sous-marins autonomes de petites tailles, capables d'effectuer ce genre d'opération. Il y en a cinq environ de ce genre et je pense qu'il faut les utiliser.

RFI : Pourquoi ne sont-ils pas utilisés ?


A.N. : Difficile pour moi de répondre à cette question. Il faut la poser aux responsables de l'état-major chargés des opérations de sauvetage. A mon avis l'état-major veut remonter à la fois le bâtiment et l'équipage et pas les deux séparément.

RFI : Pourquoi ces sous-marins ne sont-ils pas équipés de capsules de sauvetage ?

A.N. : Ils possèdent une capsule spéciale de sauvetage; mais selon des sources officielles, elle est actuellement bloquée et l'équipage n'est pas en mesure de l'utiliser.

RFI : Y a-t-il un risque de contamination nucléaire ?


A.N. : Potentiellement oui. Mais au moment où je vous parle il n'y a pas de risque de radiation en dehors de l'enceinte de confinement qui est très bien protégée. Je précise que je parle pour la situation présente mais ensuite, savoir comment le réacteur va réagir, c'est encore un autre problème.

RFI : Le Koursk ne transporte pas d'ogive nucléaire selon les Russesà

A.N. : Je pense qu'on peut les croire parce que tous les sous-marins ne sont pas équipés d'ogives nucléaires et moi je crois qu'il n'y a pas d'ogive dans ce sous-marin là.

RFI : Etes-vous surpris par cet accident ?

A.N. :
Bien sur je ne m'y attendais pas, et je suis d'autant plus étonné que cette catastrophe concerne l'un des sous-marins les plus modernes de la flotte russe.

RFI : La catastrophe peut-elle être liée aux problèmes financiers que connaît actuellement l'armée russe ?

A.N. : Oui, je crois que c'est aussi une conséquence de ces problèmes. Mais ce n'est pas la seule raison. Il y a le problème de la formation des équipages, un problème de qualité des équipements, des problèmes de maintenance technique et des problèmes de sûreté des équipements. Mais moi je pense que pour la Russie , le principal problème c'est de savoir de quel type de flotte on a besoin et de quel moyen on dispose pour répondre a ces besoins. Parce que trop d'argent est dépensé pour l'entretien de bâtiments qui ne sont plus opérationnels et qui devraient être reconvertis.

RFI : Comment expliquez vous que la Russie hésite à faire appel a l'aide internationale ?

A.N. : A mon avis, la flotte du nord est assez bien équipée pour sauver l'équipage. Je ne pense pas, dans le cas présent, qu'il faille demander une aide étrangère comme lors de la précédente catastrophe du sous-marin Komsomolets au large des côtes de la Norvège. Maintenant, c'est un autre type d'opération. Le sous-marin se trouve dans les eaux territoriales russes, pas très loin des côtes et dans des eaux qui ne sont pas très profondes. Donc il y a assez de moyens pour sauver le sous-marin. Et puis on dispose de plus de temps pour agir. Tout a été fait très vite et je pense donc que c'est pour toutes ces raisons qu'ils n'ont pas appel à l'aide étrangère.

RFI : S'agit-il de protéger des secrets militaires ?

A.N. : C'est aussi une partie de l'explication. Et c'est tout à fait normal. Je crois qu'il faut demander une aide étrangère quand il n' y a pas d'autre solution. Quand il y encore des solutions possibles il faut utiliser ses propres moyens.

RFI : Est-ce qu'il y a encore un espoir pour l'équipage ?


A.N. : Je crois que oui; l'espoir c'est ce qui meurt en dernier.



par Propos recueillis par Jean-Marie  Coat

Article publié le 16/08/2000