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Burkina Faso

Procès David Ouédraogoß: la fin de l'impunité

Des militaires de la garde présidentielle reconnus coupables d'avoir séquestré et torturé à mort le chauffeur du frère du président burkinabé ont été condamnés à de lourdes peines. C'était à l'issue d'un procès particulièrement attendu par les Burkinabé.
Le tribunal militaire de Ouagadougou a condamné le 18 août 2000 à de lourdes peines de 10 à 20 ans trois militaires de la garde présidentielle poursuivis en même temps que deux autres soldats (qui ont été acquittés) dans «l'affaire David Ouédraogo» pour coups mortels, blessures volontaires et séquestration. Cette affaire remonte à fin 1997 lorsque David Ouédraogo, alors chauffeur de François Compaoré (frère cadet du président burkinabé) et trois de ses collègues tous accusés de vol d'argent chez leur patron sont conduits dans les locaux du régiment de sécurité présidentielle. Après plus d'un mois et demi de détention et de tortures, David Ouédraogo meurt le 18 janvier 1998 à l'infirmerie de la présidence. Il est enterré par les militaires de la garde présidentielle à l'insu de sa famille qui n'en sera informée que par les révélations de la presse. Le procès était particulièrement attendu par les Burkinabés, à cause d'une part de l'implication des proches du président Blaise Compaoré et d'autre part de son lien avec l'affaire Norbert Zongo qui a plongé le Burkina dans une crise sans précédent. En effet, le journaliste Norbert Zongo enquêtait sur cette affaire et réclamait justice avant d'être assassiné le 13 décembre 1998. Et, quatre des cinq militaires qui comparaissaient avaient été désignés «suspects sérieux» par une commission d'enquête indépendante sur l'assassinat du journaliste.

Devant un tribunal militaire dirigé par des juges civils, des hauts gradés de la sécurité présidentielle comme le chef d'état-major particulier de la présidence, le lieutenant-colonel Gilbert Diendéré, l'aide de camp du président, le commandant Boureima Kiéré ou encore son médecin personnel et medecin-chef de l'infirmerie de la présidence, le colonel Nazinigouba Ouédraogo, François Compaoré, et son épouse se sont succédés à la barre pour témoigner. François Compaoré avait été inculpé de «meurtre et recel de cadavre» par un juge civil mais aucune accusation n'a finalement été retenue contre lui par le tribunal militaire chargé du dossier quand, en mars 1999, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Ouagadougou s'était déclarée «incompétente» pour traiter le dossier. Durant les trois jours du procès, un public acquis à la cause du Collectif contre l'impunité a assisté aux débats sous haute surveillance grâce à des hauts parleurs installés dans la cour du tribunal. Et c'est dans le calme qu'il a accueilli le verdict. Les militants du Collectif contre l'impunité qui réclamaient l'inculpation de François Compaoré ont porté en triomphe l'avocat des parties civiles, maître Bénéwendé Sankara pour avoir relevé «des incohérences» dans les propos du frère du président.

La tenue du procès sur l'affaire David Ouédraogo marque la début de la fin de l'impunité tant réclamée au Burkina Faso depuis l'assassinat du journaliste Zongo. «C'est le début du commencement. Nous avons gagné une bataille, il reste la guerre c'est-à-dire gagner le procès de Norbert Zongo» déclare maître Sankara, également avocat des ayant-droits du journaliste assassiné. «J'ai la pleine conviction que les deux affaires sont liéesß: on le démontrera en temps opportun, a ajouté Me Sankara. Selon le commissaire du gouvernement, Abdoulaye Barry, «ce verdict va apaiser le climat politique, pas parce que ces militaires ont été condamnés mais au regard du bon déroulement du procès».
«Avant la tenue du procès beaucoup d'hypothèses ont été construites autour de certaines personnes. Ce procès a été l'occasion pour chacun de venir s'expliquer publiquement et librement, même certains témoins qu'on croyait fortement impliqué dans la réalisation des faits», a ajouté Abdoulaye Barry. Dans la même logique, maître Youssouf Baadhio, l'un des avocats de la défense pense que ce procès a une fonction cathartique. En février dernier, une commission nationale avait recensé environ 75 crimes de sang résultant du fait de la violence politique restés impunis. Dans le cadre d'un processus de réconciliation nationale, le gouvernement s'est engagé à élucider tous ces crimes dont plusieurs relèvent de coups d'Etat comme l'assassinat de Thomas Sankara en 1987. En outre, le gouvernement a fixé au 6 novembre, le début des procès pour les crimes économiques.



par Alpha  Barry

Article publié le 21/08/2000