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Burundi

Fabienne Hara: «C'est un pré-accord qui a été signé à Arusha»

Chercheuse à l'International Crisis Group (ICG), une organisation non-gouvernementale basée à Bruxelles, Fabienne Hara suit de près le processus de paix au Burundi et la situation politique en Afrique centrale. Elle n'est pas surprise des résultats mitigés du processus d'Arusha.
RFI: Comment analysez-vous le demi-échec de la cérémonie de signature des accords d'Arusha sur le Burundi?

Fabienne Hara: Pour nous ce n'est pas une surprise. Les thèmes qui ont poussé une majorité de partis tutsis à ne pas signer l'accord sont les même que ceux qu'ils ont avancés ces derniers mois. Un bon nombre de partis tutsis ne sont pas prêts à signer pour ne pas partager leurs privilèges et d'autres parce qu'ils estiment que la Tanzanie, qui accueille un grand nombre de réfugiés burundais, est partisane et ne peut en aucun cas être un cadre approprié pour des négociations de paix. Les partis tutsis ont aussi beau jeu d'exiger un cessez-le-feu avant la signature d'un accord, vu que les mouvements rebelles hutus ne sont pour l'instant pas prêts à entrer dans le processus.

RFI: Pourquoi Mandela a-t-il tant poussé à la signature d'un accord de paix, si les réticences étaient si importantes dans une partie de la classe politique?

F.H: On ne savait pas exactement ce qu'il avait dans la tête. Voulait-il à tout prix terminer le processus d'Arusha parce qu'il ne veut pas s'impliquer plus longtemps? Ou bien est-ce parce que ce processus à déjà coûté très cher, au détriment de la situation quotidienne de la population burundaise? La question se pose en tous cas de savoir si avec un accord aux forceps on est en pas en train de mettre en scène un échec futur. Le processus d'Arusha a été un show incroyable qui donnait à chacun des acteurs politiques une tribune pour se faire entendre. Mais on est arrivé aux limites de cette formule et il faut revenir à des négociations sous une autre forme.

RFI: Existe-t-il encore une chance de parvenir à la paix au Burundi?

F.H: Les négociations ont atteint un point de non-retour. Les mentalités ont changé. Tout le monde a à peu près intégré la nécessité de la paix et de conclure un cessez-le-feu. La pression était donc nécessaire pour que ce progrès arrive. Mais on est encore bien loin de la fin. Tout le monde est tellement soulagé de voir le processus d'Arusha finir, qu'on craint que la communauté internationale ne se désintéresse de la paix. Or elle n'est pas encore là. C'est un "pré-accord" qui a été signé à Arusha. Il manque encore trop de gens pour qu'il soit valable. Si la communauté internationale ne joue plus son rôle en faisant pression, ça ne va pas marcher. Il faut également prendre en compte la situation régionale. Il ne peut y avoir de paix tant que Kabila est là. Car il a besoin des mouvements armés, comme le CNDD-FDD qui opèrent de la RDC et dont il se sert dans sa lutte contre la rébellion congolaise.



par Propos recueillis par Christophe  CHAMPIN

Article publié le 30/08/2000

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