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Allemagne

Une flambée raciste <br> qui inquiète l'Allemagne

Depuis des mois, les actes xénophobes se multiplient en Allemagne, faisant resurgir les sombres souvenirs du nazisme. Vigilants, les Allemands décident de regarder la réalité en face.
«Je suis alarmée parce que l'Allemagne a une histoire terrible». L'Allemande Beate Winkler, directrice de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, va jusqu'à envisager la surveillance de son pays par un conseil de sages, comme l'Union européenne le fait actuellement pour l'Autriche, après l'arrivée au pouvoir à Vienne d'une coalition incluant le FPO, le parti d'extrême-droite de Jorg Haïder. Pour certains, la montée du racisme en Allemagne n'est pas nouvelle. Selon Deidre Berger, la responsable du bureau berlinois de l'American Jewish Commitee, «les statistiques prouvent qu'il n'y a pas d'augmentation». C'est d'autant plus inquiétant à ses yeux: cela montre, dit-elle, que «l'antisémitisme n'est plus tabou». Elle estime qu'en réalité la violence néo-nazie a été minimisée ces dernières années. Ce n'est pas l'avis des autorités allemandes, qui font état, aujourd'hui, d'une hausse de 10% des délits antisémites et xénophobes par rapport à 1999. Le racisme fait-il une véritable percée, ou bien est-il davantage médiatisé? Au delà du débat sur les chiffres, le phénomène est bel et bien réel, comme en témoigne l'ampleur de la mobilisation qu'il provoque. Du sommet de l'Etat jusqu'à l'homme de la rue, on prend conscience de la nécessité d'agir. Le chancelier Gerhard Schröder assure que son gouvernement «luttera avec la plus grande rigueur contre les actes xénophobes». Pour 80% des Allemands, l'extrémisme de droite est un danger qui menace de plus en plus le pays.

Cauchemar hitlérien

Agressions d'étrangers, profanations de cimetières juifs, éclosion de sites Internet néo-nazis, la situation devenait, ces derniers temps, de moins en mois supportable à une opinion hantée par le cauchemar hitlérien. Très sensible à l'image qu'elle donne d'elle même, l'Allemagne était prise d'angoisse, mais restait prostrée. C'est l'attentat à la bombe de Düsseldorf, le 27 juillet 2000, qui a fait office d'électrochoc. Cette action sanglante, dont les motivations restent mystérieuses mais qui a blessé dix étrangers, a déclenché une émotion et un mouvement de réaction touchant tous les milieux: la classe politique, les médias, de nombreuses associations et des organisations socioprofessionnelles. Que faire? Un grand débat national est ouvert. Ce qui préoccupe les dirigeants allemands, c'est que le phénomène ne touche plus seulement l'ancienne Allemagne de l'Est, là où la chute du Mur, le retard économique et le chômage pouvaient expliquer une perte des repères. Ce qui les inquiète aussi, c'est que la mémoire a du mal à franchir les générations: un sondage publié par le magazine Die Zeit montre que les deux tiers des adolescents Allemands ignorent tout de l'Holocauste.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 15/08/2000

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