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Koweït

L'intraitable Saddam Hussein

Mégalomane, paranoïaque, ses rêves de grandeur sont une succession d'échecs. Ses provocations guerrières ont conduit son pays au bord de la ruine. Mais après vingt et un ans de pouvoir, Saddam Hussein est toujours là.
Il ne décroche plus lui-même le téléphone, même pour répondre aux chefs d'Etat. Saddam Hussein garde en mémoire le raid aérien contre le général tchétchène Doudaïev, repéré par les Russes grâce à son appareil satellitaire. Il sait aussi que c'est avec un portable piégé que les Israéliens ont tué l'activiste palestinien du Hamas, Yahia Ayyache. Le président irakien a la hantise du complot. CIA, Mossad, missile guidé, conjurés de l'intérieur, la mort peut venir de partout. Lui-même, pour parvenir au pouvoir, a usé de techniques similaires. D'où cet instinct de survie qui frise la paranoïa. Ses portraits géants sont sur tous les murs de Bagdad, mais on ne le voit lui-même dans aucune manifestation, il n'habite aucun de ses palais somptueux, vivant dans ses bunkers secrets. Cela ne l'empêche pas de diriger l'Irak, ou plutôt ce qu'il en reste, puisque le nord et le sud du pays sont sous haute surveillance américano-britannique depuis la guerre du Golfe.

En 1990, l'invasion du Koweït déclenche les passions autour de ce dictateur mégalomane, qui se compare à Saladin, le vainqueur des Croisés, originaire comme lui de Tikrit, ou encore à Nabuchodonosor, le roi de Babylone qui conquit Jérusalem. Tyran sanguinaire pour les Occidentaux, il terrorise son peuple, torture ses opposants, réprime les Kurdes (5 000 personnes gazées à Halabja). A la tête de la "quatrième armée du monde", il vient surtout d'envahir le Koweït, qu'il considère comme la 19ème province de l'Irak. Véritable héros pour les peuples arabes, il tient tête à l'Occident, défie l'impérialisme américain, et rend sa fierté à une nation arabe humiliée par Israël. Il a opportunément conquis le Koweït, richissime émirat pétrolier assis sur sa rente et détesté des pauvres.


«Le gouverneur de Bagdad»

L'aventure prend fin sous un déluge de bombes et de missiles guidés au laser, l'Irak est mis sous embargo, son armement sous tutelle, et c'est un Saddam diminué que les coalisés laissent finalement en place. On le surnomme ironiquement "le gouverneur de Bagdad". Ce qui ne l'empêche pas, peu de temps après, d'envoyer ses soldats rescapés mater la révolte kurde au nord du pays, avant que Washington n'interdise aux avions irakiens de prendre l'air.

Sa volonté de conquête avait déjà échoué dix ans plus tôt, lorsqu'il avait lancé ses troupes contre l'Iran de Khomeiny. A cette époque, les mêmes Occidentaux le soutenaient dans cette guerre d'usure meurtrière qui dura huit années. Ils voyaient en lui un rempart contre la contagion intégriste.

A ces deux guerres dévastatrices, il faut ajouter aujourd'hui neuf ans d'un embargo ruineux et une longue série de frappes aériennes américaines et britanniques. Le bilan est désastreux mais à 63 ans, Saddam Hussein s'accroche toujours, aussi tenace que dans sa jeunesse, lorsque d'attentat en emprisonnement, d'évasion en intrigues, sa lutte pour le pouvoir finit, moyennant un putsch, par se concrétiser en juillet 1968. A cette époque, le parti Baath, qui prône le socialisme et l'unité arabe, accède au pouvoir par un coup de force. Véritable homme fort du régime, mais officiellement numéro deux aux côtés du président Al-Bakr, Saddam attendra 1979 pour s'octroyer les pleins pouvoirs. Son ambition: grâce à ses richesses pétrolière, faire de l'Irak le pays phare du monde arabe, un modèle de développement économique et social. Aujourd'hui, il ne reste rien de ces projets grandioses. Isolé, affaibli, Saddam Hussein règne sur un pays morcelé. Malgré tout, il conserve ce qui est sans doute l'essentiel à ses yeux: le pouvoir.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 01/08/2000

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