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Espace

Le plus grand chantier de l'espace

Enfin ! Le départ, mardi 31 octobre du premier équipage de la future station spatiale internationale (ISS) marque un tournant dans l'aventure spatiale. Deux spationautes russes et un américain sont du voyage. C'est le premier aboutissement d'un projet au budget pharaonique, qui a accumulé retards et polémiques.
«Expedition One» : le 31 octobre, le commandant américain William Sheperd, l'ingénieur de bord russe Sergueï Krikalev et son compatriote Youri Gidzenko, s'envolent de Baïkonour à bord d'un vaisseau Soyouz. Objectif : habiter pour la première fois la station spatiale internationale, l'héritière de la vieillissante station Mir. Les trois spationautes doivent y arriver le 1er novembre et y séjourner quatre mois afin de travailler sur les autres opérations d'assemblage de la station. Le retour sur Terre est prévu à bord d'une navette américaine tandis que Soyouz devrait rester arrimé à l'ISS pour servir de « canot de sauvetage » aux futurs équipages.

L'arrivée de ces spationautes constitue un événement dans l'histoire de l'ISS. Jusqu'en juillet dernier, les deux bidons qui composent l'essentiel de la charpente de la station se sentaient bien seuls, là-haut, en orbite, à quelque 400 kilomètres d'altitude. Mais l'élément russe Zvezda, (le module d'habitation) les a rejoints, rendant ainsi possible la présence humaine. Ce module a été lancé par la fusée Proton et permet donc l'occupation permanente d'ISS dont l'achèvement est prévu en 2005. Les trois premiers spationautes ne vont pas chômer. Leurs tâches consistent essentiellement à poursuivre les opérations d'assemblage. Ils devront réceptionner des panneaux solaires géants transportés par navette ainsi que le module américain Destiny qui servira de laboratoire.

Il est prévu que les équipages suivants accueillent, jusqu'à la fin de la construction, quelque trente-cinq navettes et vaisseaux (Progress ou Soyouz) pour ce qui semble être le plus grand chantier de l'espace.

Un laboratoire de luxe

Cette mission est d'autant plus attendue par la communauté scientifique que les frasques de l'ISS alimentent depuis longtemps la chronique. ISS, qui n'a toujours pas de nom officiel, est le fruit de la coopération de seize nations. Elle a cinq partenaires : les Etats-Unis, la Russie, l'Europe, le Japon et le Canada. Quatre fois plus grande que Mir, l'ISS a fait exploser tous les records budgetaires : il avoisinerait les 100 milliards de dollars !

Le lancement de cette opération débute en 1984. Le président américain Ronald Reagan décide de lancer une station spatiale habitée pour un coût de 8 milliards de dollars. Les spécialistes comparent aussitôt cet ambitieux projet à celui de Kennedy dans les années 1960 de décrocher la lune. Calculette en main, au fil des mois, les scientifiques dénoncent ce projet «pharaonique». Ce gouffre, affirment-ils, va porter préjudice à la recherche déjà en mal de crédits.

Mais l'internationalisation du projet permettra aux Etats-Unis, en partageant l'addition avec leurs partenaires, de réduire partiellement leurs dépenses et de calmer l'opinion publique. Le projet est révisé à maintes reprises, il est relancé en 1993 avec l'arrivée des Russes, professionnels mais démunis. Les retards s'accumulent, les budgets ne sont pas tenus. La presse dénonce les avaries. Bref, la NASA, dont c'est l'un des derniers grands projets, considère que l'abandon de ce projet équivaudrait pour les Etats-Unis à devenir «une puissance de deuxième ordre».

Les détracteurs du programme dénoncent son prix exorbitant et parlent de laboratoire de luxe au-dessus de nos têtes. Leurs interrogations portent sur les réelles retombées scientifiques. Le projet a pris quatorze ans de retard et son prix initial a décuplé. Mais avec l'arrivée des premiers spationautes dans cette station internationale, c'est toute la question de la présence de l'homme dans l'espace qui est posée.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 30/10/2000