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Afrique

Francophonie et politique : le mariage ambigu

Un symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone se déroule actuellement à Bamako, au Mali. Eclairage sur le mariage entre francophonie et politique.
De notre envoyé spécial à Bamako

L'ampleur de la réflexion engagée sur le bilan des pratiques démocratiques en francophonie pourrait faire croire à un consensus. Tout au moins à un consensus minimum sur le tournant politique pris par l'organisation francophone ces dernières années. Mais au moment où se faisaient entendre à Bamako les « sérieuses réserves » de certaines délégations gouvernementales sur la définition même de la démocratie, Roger Dehaybe, administrateur général de l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF), devait en convenir : « la francophonie politique est encore l'objet de débats ».

Autrement dit, certains parmi ses membres continuent à souhaiter que la francophonie se cantonne aux secteurs de l'éducation et de la culture dans ses activités et ses concertations. Mais « peut-on parler d'éducation et de culture sans parler de développement, et de développement sans parler de politique » souligne Roger Dehaybe. La chose, semble-t-il, ne va pas encore de soi. Et le champ d'action de la francophonie en matière politique reste, dans tous les cas, limité à l'exigence du compromis entre les positions de ses Etats membres. D'où le subtil distinguo entre « ce que la francophonie peut faire et ses prises de position et les débats que nous pouvons avoir entre nous ».

D'où également l'impératif qui, espèrent ses responsables, fait aussi l'originalité de l'institution francophone : l'adjonction à toute déclaration de politique générale, comme celle élaborée à Bamako, d'un programme d'action qui présente le versant « coopération » (et pour certains le seul réaliste) des prises de position politiques. Le plan d'action de Bamako ne pose pas, ainsi, de difficulté particulière, s'agissant de réitérer un soutien aux institutions et aux acteurs de la démocratie, et de rappeler ou re-préciser tout l'ensemble des actions concrètes déjà lancées en la matière.

Il en va autrement de la déclaration de Bamako, dont la rédaction aura avancé au pas, voire à la virgule. On aura ainsi noté l'hostilité d'un pays comme la Tunisie à envisager la question délicate de l'ingérence dans la politique des Etats francophones. On aura savouré la position vietnamienne refusant de faire le lien entre démocratie et pluralisme. On aura assisté à des débats s'étirant en longueur après une proposition d'amendement, consistant à demander la création d'une structure francophone dédiée aux ONG, destinée à exercer une « vigilance », voire une « surveillance » sur les processus politiques des Etats membres.

Pourtant sous le manteau opaque du consensus, la francophonie politique aura su montrer un corps bien vivant. Les débats en table-rondes sur la vie politique, les élections, la culture démocratique ou les relations avec les institutions internationales auront permis de parler de choses très concrètes : faut-il ou non accorder un statut aux anciens chefs d'Etat ? Vers quelle formule, en suivant quels exemples, s'orienter en matière de financement des partis politiques ? Comment améliorer la constitution des états-civils, préalables à toute élection sérieuse ? Si la façade institutionnelle est apparue encore figée, la parole, elle, court en liberté, et permet d'espérer « des attitudes plus fortes » de la francophonie, vers lesquelles, promet Roger Dehaybe, « on va progressivement ».



par Thierry  Perret

Article publié le 03/11/2000