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Justice

Une décision dictée par la solidarité

Handicapé, Nicolas Perruche sera indemnisé car on l'a laissé naître. Ainsi en a décidé la Cour de cassation pour la première fois en France.
Des médecins n'avaient pas su diagnostiquer la rubéole dont était atteinte sa mère pendant sa grossesse. Sans cette erreur, elle aurait choisi d'avorter. Parmi les cinq millions de personnes en France (1/10 e de la population) qui déclarent une gêne ou un handicap dans leur vie quotidienne, nombreux sont, comme Nicolas, qui cumulent des handicaps lourds, d'ordre à la fois physique et mental.

Bien que la loi du 30 juin 1975 ait créé un cadre juridique aux actions en faveur des personnes handicapées, on s'aperçoit que les handicapés profonds sont mal connus et très isolés de la société. On évalue mal leurs difficultés quotidiennes, qu'elles soient financières, psychologiques ou administratives. Cette loi de 1975 est, en effet, restée lettre morte. Compte tenu de la carence des pouvoirs publics, notamment en matière de structures d'accueil, tout repose sur les familles qui doivent, au fil des jours, leur apporter un accompagnement humain.

A Paris, par exemple, le taux d'équipement en établissements pour handicapés est particulièrement faible. Dans certains domaines, pour les maisons d'accueil spécialisées (MAS) par exemple, il est l'un des plus bas de France. En raison de la quasi-inexistence des mouvements de résidents dans ces structures, les listes d'attente prennent des proportions démesurées avec plus de 500 demandes en attente par MAS. Isolés voire marginalisés, les handicapés profonds le sont encore plus en vieillissant. Le grand souci de parents surtout âgés, leur angoisse, est d'envisager et d'organiser le suivi de leur enfant handicapé après leur disparition.

Les choses sont fragiles et éphémères, pas l'état d'handicapé mental ou physique. La Cour de cassation l'a compris. C'est pourquoi, elle a opté pour une solution qui va aider à résoudre les problèmes du jeune Nicolas, et soulager les parents. Dans l'affaire Perruche, la Cour n'a pas voulu rentrer dans des considérations d'ordre éthique ou philosophique. Elle a autorisé les parents, par ailleurs tuteurs, à demander au nom de leur fils réparation pour assurer l'avenir financier de Nicolas. Une décision que l'on peut approuver, car si la société prend en charge le handicap, cette solidarité est insuffisante. Quand on gère des handicaps lourds, l'argent reste le nerf de la guerre.

On évoque les nombreuses dérives eugénistes que pourrait engendrer cette décision. En reconnaissant le préjudice d'être né, cet arrêt pose de toute autre façon la question de la responsabilité médicale liée par exemple à la réanimation d'enfants très prématurés. Est-il légitime de faire naître un enfant de cinq mois et demi, quand on estime les risques de handicaps à près de 40 %, voire plus dans certains cas ?



par Myriam  Berber

Article publié le 20/11/2000