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Philippines

La rue demande le départ d'Estrada

Plus de 100 000 manifestants ont défilé mardi 14 novembre aux Philippines pour demander le départ du pouvoir du président Joseph Estrada. Le chef de l'Etat est sous le coup d'une procédure de destitution pour faits de corruption.
De notre correspondante régionale

Les cris de «Estrada démission !» ont résonné ce mardi dans les rues de Manille. A Makati le quartier des affaires de la capitale philippine, aux abords du palais présidentiel comme dans les grandes villes du pays, plusieurs dizaines de milliers de Philippins ont répondu à l'appel à la grève générale lancé par l'opposition. Les cortèges d'étudiants, ouvriers, syndicalistes, courtiers en bourse, employés de grandes sociétés hérissés de caricatures du président Joseph Estrada ont paralysé les transports publics. La plupart des écoles avaient fermé leurs portes comme plusieurs usines. Le mouvement anti Estrada, mené par l'influent évêque de Manille, le cardinal Sin, et la vice-présidente Gloria Arroyo demande le départ immédiat du président. Accusé de corruption, Joseph Estrada est sous le coup d'une procédure de destitution adoptée en quelques minutes hier lundi par la Chambre des Représentants. C'est maintenant au Sénat d'entamer le procès du chef de l'Etat qui devrait s'ouvrir début décembre. Mais les débats pourraient durer plusieurs semaines. C'est justement ce que veulent éviter les opposants du chef de l'Etat qui demandent son départ immédiat.

La crise qui gagne aujourd'hui les rues des Philippines a en fait commencé le mois dernier avec des accusations lancées par un ancien allié du président, le gouverneur Luis Singson. Ce dernier accuse Estrada d'avoir reçu plusieurs millions de dollars de pots de vins de la part des syndicats de jeux clandestins. Singson assure qu'il a lui-même remis 4 millions au président. Après avoir tout nié en bloc, Estrada a fini par admettre que l'argent avait bien été versé sur le compte d'une fondation qu'il a créée et que dirige son beau-frère mais il jure ses grands dieux qu'il ne savait rien et n'a pas touché à un centime.

Estrada s'accroche à son fauteuil

D'humeur très combattive, le président entend «laver son honneur et démontrer son innocence» lors du procès en destitution. Il assure qu'il s'agit d'une action purement politique montée par l'élite de Manille, le monde des affaires et la hiérarchie de l'église qui ne l'ont jamais accepté. Estrada s'accroche donc à son fauteuil. Il a promis à ses fans d'aller au terme de son mandat en 2004 et entend jouer sur sa popularité. Car, si les manifestations ont de quoi impressionner, le président, affectueusement surnommé Erap, mon pote, semble toujours bénéficier d'un soutien assez marqué. Les sondages montrent en effet que les Philippins sont partagés et, samedi dernier, lors d'une grande journée de prière Erap a rassemblé plusieurs centaines de milliers de partisans à Manille, près d'un million selon certaines sources.

Ancien acteur de série B, incarnant le justicier qui pourfend les méchants, Estrada retrouve avec délices le rôle qui lui a assuré la popularité. «C'est comme dans mes films, explique-t-il à ses alliés. Au début, le héros en prend plein la tête mais il finit toujours par l'emporter contre ses ennemis.» De fait, si la procédure suit son cours, le président peut espérer échapper à la destitution. D'abord, parce que l'accusation ne repose pour l'instant que sur des témoignages et manque de preuves quant à l'implication directe du chef de l'Etat, ensuite parce qu'Estrada dispose d'un certain nombre d'alliés au Sénat et vient d'en faire changer le président. C'est la crainte de ses opposants qui redoutent en plus qu'une incertitude prolongée ne vienne affaiblir davantage une économie déjà mal en point. Le peso a perdu près de la moitié de sa valeur cette année et la bourse est en déclin de 25%. Quant aux investisseurs étrangers, ils commencent à déserter Manille alors que le Fonds monétaire international a suspendu ses prêts. «La vie est trop dure, lance un manifestant. Estrada doit partir maintenant ! Il a perdu notre confiance».



par A Djakarta, Marie-Pierre  VEROT

Article publié le 14/11/2000