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Eric Domage : <i>« Le téléphone pas cher mais de mauvaise qualité »</i>

C'est à Eric Domage, rédacteur en chef de la revue professionnelle Réseaux et Télécoms, que nous avons demandé de réagir et d'apporter son point de vue sur la téléphonie IP.
RFI : Quels sont les cibles de la téléphonie IP (VoIP) ?
Eric Domage :
Sur le secteur grand public, les choses sont claires. On a cru que la VoIP allait tuer les opérateurs classiques, car cela permettait des économies substantielles, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La qualité est tellement dégradée que les opérateurs ont tous annulés leur offre de téléphonie sur Internet. C'est une téléphonie à bas prix mais à basse qualité. Ces offres sont désormais réservées à des marchés de niches. Premier secteur : les populations immigrées. Deuxième secteur concerné : les grandes réseaux d'entreprises. Ces grands groupes dépensent beaucoup d'argent en téléphone sur les réseaux publics. Ils disposent de réseaux informatiques fermés TCP/IP - type Intranet- sur lesquels circulent leurs données, ils veulent désormais faire circuler de la voix sur ces réseaux.

RFI : Quels sont les freins au déploiement de la téléphonie IP ?
Eric Domage :
Sur le marché grand public, le frein principal c'est la qualité extrêmement dégradée. La voix sur Internet circule par paquets. Un réseau ouvert comme Internet perd beaucoup de paquets, il y a donc des bouts de voix qui n'arrivent jamais à destination. Résultat : des pertes d'informations, notamment sur le plan de la tonalité. Moins de problèmes sur le plan de la qualité si la voix circule sur des réseaux informatiques fermés type Intranet. Mais pour les entreprises, le frein principal reste le prix de la migration de la voix sur un réseau public vers un réseau fermé. C'est un investissement très important et qui, pour l'instant, n'est pas envisagé par les entreprises.

RFI : Quelles sont les équipements pour passer en VoIP ?
Eric Domage :
Ce sont des migrations complexes et surtout totales. C'est une folie en matière de coût. Pour faire migrer de la voix sur IP, il faut changer les standards téléphoniques actuels PABX des entreprises vers des standards IPBX. Il faut également changer tous les postes téléphoniques. Ce sont de lourds investissements, dont on n'a pas le retour avant quatre ou cinq ans. On n'a pas encore trouvé le moyen de marier les deux technologies. Si vous faite une migration mixte, vous allez vous trouver avec deux téléphones sur votre bureau, et deux standards différents.

RFI : Quels sont les acteurs qui vont s'emparer de ce marché ?
Eric Domage :
Il y a deux acteurs importants sur le marché entreprise : les opérateurs et les équipementiers. En France, les opérateurs classiques comme France Telecom ou Cegetel sont très présents sur la VoIP. Ils réfléchissent depuis longtemps à des offres entreprises. Ce sont des opérateurs qui vendent déjà des réseaux de données à leurs clients, ils n'ont donc plus qu'à rajouter un peu de voix par-dessus. Pour eux, c'est un marché très intéressant, s'ils perdent des taxes sur le réseau public, de l'autre côté ils récupèrent des clients en entreprises. Les équipementiers sont également intéressés par ce marché. Des sociétés comme Cisco, Nortel ou bien encore Lucent développent des solutions clé en main pour les entreprises. Côté marché grand public, ce sont des petits opérateurs qui vont se focaliser sur des petites niches.

RFI : La téléphonie sur IP :une vraie bonne idée pour l'internaute moyen?
Eric Domage :
Non, ce n'est pas une bonne idée. C'est souvent très compliqué à mettre en place. Dans la réalité, ce sont des technologies complexes qui demandent des réglages TCP/IP avancés qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Ce sont également des technologies qui demandent des disponibilités de réseau plutôt haut débit. Il faut appeler le consommateur à la plus grande vigilance, car c'est un marché qui n'est pas régulé, où tous les abus sont possibles, principalement les abus de prix. Pour le consommateur final, c'est un piège à temps et à argent. Il y a aujourd'hui une concurrence forte sur certaines destinations téléphoniques avec des cartes d'appel prépayées que l'on trouve dans le commerce. Ces cartes permettent avec des prix intéressants d'avoir une qualité minimale bien meilleure que la voix sur IP.



par Myriam  Berber

Article publié le 18/12/2000