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Insécurité

Julie Le Quang Sang : «<i>Ces jeunes ont des valeurs très bourgeoises</i>»

Julie Le Quang Sang, chercheur à l'Institut des hautes études en sécurité intérieure, estime que les jeunes des bandes qui se sont affrontés à La Défense ne sont pas des marginaux.
RFI : Qui sont les jeunes qui font partie des bandes comme celles qui se sont affrontées à La Défense ?

Julie Le Quang Sang : Ces jeunes ne sont pas des marginaux. En fait, ils revendiquent l'accès à des biens de consommation dont ils se sentent écartés. Ils ont des valeurs très bourgeoises : ils désirent accéder à la propriété, avoir de l'argent, se marier. Ils suivent la mode. Ils ont un langage, une façon de se présenter. Mais ils se sentent exclus, ils pensent qu'on ne les écoute pas assez. Alors parfois, ils utilisent la force parce qu'ils estiment qu'eux aussi ils ont droit à certaines choses. Ils veulent être intégrés. En tout cas, ces jeunes ne sont pas politisés comme dans les années 70. Ils n'ont pas de projet politique. Mais ils ont quand même un discours sur le politique dans le sens où ils se sentent à la marge.
D'autre part, il semble qu'il y a un rajeunissement en matière de délinquance des mineurs. C'est le constat des institutionnels et des chercheurs qui ont travaillé sur la question. Ce phénomène est relativement récent.

RFI : Quelle est la signification de ce type d'affrontements ?

JLQS
: Quand des jeunes viennent s'affronter à La Défense, ils viennent aussi se montrer. Le fait qu'ils aient été régler des comptes à La Défense un samedi est symbolique. Maintenant est-ce que ce sont des bandes aussi structurées que cela ? Est-ce que ce genre de phénomène peut s'étendre. Je ne le pense pas. Je crois que c'est sporadique. Cela fait partie d'une culture de la rue de ces jeunes qui ont une logique d'affrontement physique basée sur des valeurs viriles. C'est un phénomène récurrent. Dans ce cas, cela a fait l'actualité car les jeunes sont arrivés en masse et qu'ils sont sortis de leurs banlieues pour s'affronter.
Par contre, ils ne faut pas comparer la violence des bandes en France et aux Etats-Unis. Les manifestations du phénomène sont très différentes d'un pays à l'autre, même au sein des pays européens. La violence à l'américaine est plus violente, elle est enracinée dans la culture et l'histoire, elle est banalisée. Elle est permise par la constitution qui autorise le port d'arme. Ce n'est pas le même degré de violence qu'en France. Aux Etats-Unis, elle est beaucoup plus importante. D'autre part, les bandes américaines sont plus organisées sur des critères ethniques, les ghettos, que les bandes françaises.

RFI : Quelles mesures peut-on prendre pour améliorer les choses ?

JLQS
: Il faut une combinaison entre prévention et répression. C'est un problème complexe. Il est nécessaire de travailler à dégager l'ensemble des facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène, toutes les causes imbriquées. Il faut multiplier les recherches sur les politiques de prévention et de sécurité à l'attention de ces jeunes et identifier les facteurs de blocages. Il faudrait aussi davantage associer les populations concernées. Il y a un travail de communication à engager. Beaucoup de jeunes ne sont pas au courant de ce que l'on fait pour eux. Ils ne voient que l'aspect répressif. Les mesures sont mal comprises. Il faut combiner une approche globale avec une approche partenariale entre les institutionnels et les associations, par exemple. Il faudrait aussi un suivi plus approfondi de ces jeunes, de leurs besoins, de leurs attentes. L'amélioration de la procédure judiciaire n'est pas forcément une solution sur le fond à tout acte de vandalisme.




par Propos recueillis par Valérie  Gas

Article publié le 30/01/2001