Irak
L'Irak souffre, Saddam parade
Tandis que le peuple irakien subit les conséquences d'un embargo international de plus en plus contesté, le maître de Bagdad multiplie les gestes de défi à l'égard de Washington, à quelques jours de l'arrivée de George W. Bush à la Maison Blanche.
Loin d'être un jour de deuil, le mercredi 17 janvier 2001, dixième anniversaire d'une guerre éclair qui écrasa l'armée irakienne, sera célébré à Bagdad avec fierté. L'agence officielle INA annonce que le chef de l'Etat prononcera à 11h00 locales (8h00 TU), «un discours historique à l'adresse de nos vaillantes forces armées et aux volontaires pour la Palestine, à l'occasion de l'anniversaire de la mère de toutes les batailles». Car pour la propagande officielle irakienne, Saddam a gagné la guerre.
Même si ce n'est pas la première fois que Saddam Hussein rend hommage aux combattants de la Guerre du Golfe, ce discours «à la nation» prend un relief particulier. Ironique coïncidence, dix ans après la victoire de la coalition internationale conduite par le président américain George Bush, c'est le fils de ce dernier qui arrive à la Maison Blanche. Changement de génération à Washington, mais statu quo à Bagdad, où Saddam multiplie les rodomontades et les défis. L'épine irakienne reste plantée dans le pied américain, certes moins dangereuse car militairement matée, mais toujours humiliante car elle montre lµéchec de ce «nouvel ordre mondial» qu'avait promis le chef des alliés en lançant l'assaut contre les troupes irakiennes.
«Les sanctions sont cruelles, inefficaces,
et dangereuses»
Aujourd'hui, le dictateur irakien continue de provoquer l'Amérique. Le 31 décembre dernier, il organisait à Bagdad un imposant défilé militaire, le premier de cette ampleur depuis la guerre. Lundi 15 janvier, il narguait de nouveau les Etats-Unis. Oubliant les souffrances de son peuple, meurtri par l'embargo, il a offert une aide financière de 95 millions de dollars «aux Américains vivant sous le seuil de pauvreté, et dont le nombre s'élève à plus de trente millions, pour la plupart des Noirs». Un comité irakien doit être spécialement mis sur pied pour superviser la distribution de cette somme, en liaison avec l'ONU, qui contrôle les revenus pétroliers de l'Irak. Au même moment, le vice Premier ministre irakien, Tarek Aziz, recevait à Bagdad l'ancien ministre américain de la Justice Ramsey Clark, hostile aux sanctions contre l'Irak. Celui-ci les a dénoncées une nouvelle fois comme «une grave violation des droits de l'Homme et un génocide». Ultime bravade, le fils aîné de Saddam Hussein, Oudaï, vient de relancer les revendications irakiennes sur le Koweit, en recommandant au parlement irakien «de préparer une carte d'ensemble de l'Irak, incluant la ville de Koweit comme partie intégrante du grand Irak».
Si Bagdad se permet ces provocations, c'est que la diplomatie irakienne a marqué des points, ces derniers temps. Tandis que les Etats-Unis apparaissent, aux yeux de nombreux pays arabes, comme un soutien inconditionnel de la répression israélienne contre «l'intifada des mosquées», plusieurs Etats de la région appellent Saddam Hussein à montrer «ses intentions pacifiques envers ses voisins», en prélude à une normalisation des relations au sein de «la famille arabe». Mardi 16 janvier 2001, le vice-président irakien, Taha Yassine Ramadan, a entamé une visite officielle en Egypte, poids lourd de la diplomatie arabe avec lequel Bagdad a rétabli ses relations diplomatiques en novembre 2000.
Autre atout de Saddam Hussein, le front hostile au maintien l'embargo contre l'Irak se renforce. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont de plus en plus isolés, face à une communauté internationale plaidant pour la fin de sanctions qui, selon le ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, sont «cruelles, car elles punissent exclusivement la population irakienne et les plus faibles en son sein; inefficaces car elles ne touchent pas le régime, qui n'est pas incité à coopérer; dangereuses, car elles nourrissent le ressentiment de la «génération embargo»».
A quelques jours de la passation de pouvoirs entre Bill Clinton et George W. Bush, la future administration américaine sait qu'elle va hériter du «cas Saddam Hussein». Pendant sa campagne, le candidat républicain est resté flou sur ce sujet. Seul Colin Powell, prochain chef de la diplomatie américaine et ancien commandant de la coalition anti-irakienne, s'est exprimé sur la question, prônant le maintien des sanctions. Mais le vice-président élu, Dick Cheney, est notoirement hostile à l'embargo, qu'il juge inefficace. Le nouveau président américain devra trancher, en sachant que s'il lui faut obtenir l'accord des alliés à l'ONU, la balance pèsera fortement en faveur, sinon d'une suppression, du moins d'un allégement des sanctions contre l'Irak.
Même si ce n'est pas la première fois que Saddam Hussein rend hommage aux combattants de la Guerre du Golfe, ce discours «à la nation» prend un relief particulier. Ironique coïncidence, dix ans après la victoire de la coalition internationale conduite par le président américain George Bush, c'est le fils de ce dernier qui arrive à la Maison Blanche. Changement de génération à Washington, mais statu quo à Bagdad, où Saddam multiplie les rodomontades et les défis. L'épine irakienne reste plantée dans le pied américain, certes moins dangereuse car militairement matée, mais toujours humiliante car elle montre lµéchec de ce «nouvel ordre mondial» qu'avait promis le chef des alliés en lançant l'assaut contre les troupes irakiennes.
«Les sanctions sont cruelles, inefficaces,
et dangereuses»
Aujourd'hui, le dictateur irakien continue de provoquer l'Amérique. Le 31 décembre dernier, il organisait à Bagdad un imposant défilé militaire, le premier de cette ampleur depuis la guerre. Lundi 15 janvier, il narguait de nouveau les Etats-Unis. Oubliant les souffrances de son peuple, meurtri par l'embargo, il a offert une aide financière de 95 millions de dollars «aux Américains vivant sous le seuil de pauvreté, et dont le nombre s'élève à plus de trente millions, pour la plupart des Noirs». Un comité irakien doit être spécialement mis sur pied pour superviser la distribution de cette somme, en liaison avec l'ONU, qui contrôle les revenus pétroliers de l'Irak. Au même moment, le vice Premier ministre irakien, Tarek Aziz, recevait à Bagdad l'ancien ministre américain de la Justice Ramsey Clark, hostile aux sanctions contre l'Irak. Celui-ci les a dénoncées une nouvelle fois comme «une grave violation des droits de l'Homme et un génocide». Ultime bravade, le fils aîné de Saddam Hussein, Oudaï, vient de relancer les revendications irakiennes sur le Koweit, en recommandant au parlement irakien «de préparer une carte d'ensemble de l'Irak, incluant la ville de Koweit comme partie intégrante du grand Irak».
Si Bagdad se permet ces provocations, c'est que la diplomatie irakienne a marqué des points, ces derniers temps. Tandis que les Etats-Unis apparaissent, aux yeux de nombreux pays arabes, comme un soutien inconditionnel de la répression israélienne contre «l'intifada des mosquées», plusieurs Etats de la région appellent Saddam Hussein à montrer «ses intentions pacifiques envers ses voisins», en prélude à une normalisation des relations au sein de «la famille arabe». Mardi 16 janvier 2001, le vice-président irakien, Taha Yassine Ramadan, a entamé une visite officielle en Egypte, poids lourd de la diplomatie arabe avec lequel Bagdad a rétabli ses relations diplomatiques en novembre 2000.
Autre atout de Saddam Hussein, le front hostile au maintien l'embargo contre l'Irak se renforce. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont de plus en plus isolés, face à une communauté internationale plaidant pour la fin de sanctions qui, selon le ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, sont «cruelles, car elles punissent exclusivement la population irakienne et les plus faibles en son sein; inefficaces car elles ne touchent pas le régime, qui n'est pas incité à coopérer; dangereuses, car elles nourrissent le ressentiment de la «génération embargo»».
A quelques jours de la passation de pouvoirs entre Bill Clinton et George W. Bush, la future administration américaine sait qu'elle va hériter du «cas Saddam Hussein». Pendant sa campagne, le candidat républicain est resté flou sur ce sujet. Seul Colin Powell, prochain chef de la diplomatie américaine et ancien commandant de la coalition anti-irakienne, s'est exprimé sur la question, prônant le maintien des sanctions. Mais le vice-président élu, Dick Cheney, est notoirement hostile à l'embargo, qu'il juge inefficace. Le nouveau président américain devra trancher, en sachant que s'il lui faut obtenir l'accord des alliés à l'ONU, la balance pèsera fortement en faveur, sinon d'une suppression, du moins d'un allégement des sanctions contre l'Irak.
par Philippe Quillerier-Lesieur
Article publié le 16/01/2001